Emmanuel Coco n’est pas un grand dormeur. Sa femme, souvent réveillée par la lumière de l’écran de sa tablette à 4 h 30, peut en témoigner. C’est l’heure à laquelle le patron de Maison Coco Picoty se réveille souvent, après avoir déjà surveillé plus tôt dans la nuit les cours du pétrole et du gazole sur les marchés asiatiques. « Je m’occupe de tous les approvisionnements, on est sur des produits très volatiles en termes de cours qui passent des marchés européens aux marchés américains et asiatiques. Si les cours sont bons, j’achète en instantané ; dans la journée, on peut gagner ou perdre quelques centaines ou milliers d’euros par camion selon les cours. C’est une gymnastique que je fais depuis 30 ans. »
« Sérénité et sécurité » avec le groupe
Emmanuel Coco a repris l’entreprise familiale créée en 1964 par ses parents, Claude et Christiane Coco. Leur premier dépôt était à Payros-Cazautets, près d’Aire-sur-l’Adour, et « la prise de commande se faisait chez Gérard Dulucq, alors maire du village et à la tête du vignoble éponyme, qui était le seul à avoir le téléphone dans la commune », rembobine le dirigeant. Ce n’est qu’en 1985 que l’entreprise s’installe à Pécorade, « un petit village où il y avait plus de poules que d’habitants », comme il aime à dire, et où le siège social est toujours resté depuis. Au départ, le couple s’affaire autour des produits pétroliers et agricoles puis développe la société. À la reprise, en 1995, par le fils et son épouse Céline, Maison Coco a trois entités : l’agrofourniture, le transport pétrolier et céréalier du Tursan et les produits pétroliers. « En reprenant, j’ai fusionné le transport avec les produits pétroliers et j’ai vendu le côté agrofourniture à Agralia, des Dacquois, un signe ! », explique Emmanuel Coco, ex-pilier droit d’Aire-sur-l’Adour devenu partenaire et actionnaire de l’US Dax rugby Landes avec la remontée en Pro D2 en 2023, par l’entremise de Philippe Jacquemain, en plus de Basket Landes. « Deux clubs qui ont le même ADN, dans le respect des hommes du passé et qui vivent bien le présent, en étant tournés vers le futur », dit-il.
En 2005, le groupe familial Picoty, spécialisé dans les énergies depuis 1922 dans la Creuse, tape à la porte pour racheter Maison Coco. Pas question pour le dirigeant landais qui pose, devant leur insistance, ses conditions : « On a finalement créé l’entité Maison Coco Picoty qui est une filiale du groupe Picoty avec la particularité qu’on est actionnaire de cette filiale au travers de ma holding tout en étant président de Maison Coco Picoty. C’était un bien pour un bien », relève ce représentant landais de la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage (FF3C). Pourquoi avoir dit oui finalement ? « Mes parents ont eu un accident de voiture en 1995 et je me suis retrouvé à tenir l’entreprise à 26 ans… Maintenant je sais que s’il m’arrive quelque chose, la société vivra, c’est ce qui m’a motivé. On a ainsi l’appui d’un groupe familial pétrolier, numéro deux français, avec la chance d’avoir une société informatique intégrée, un accès direct à tous les fournisseurs français, etc. Ça m’a apporté de la sécurité, de la sérénité », confie celui qui avait démarré sa carrière dans la grande distribution, après un BEP commerce au lycée de Borda de Dax, un brevet de technicien agricole produits et commercialisation de fruits et légumes à Astaffort (Lot-et-Garonne) puis un BTS action commerciale à Mont-de-Marsan.

Suivi des cours en continu sur les marchés européens, américains et asiatiques pour acheter le moins cher possible © J. D.
Optimiser la logistique
Une bonne chose aussi d’être adossé à un groupe dans ces temps troublés économiquement, du covid à la guerre en Ukraine et l’activité en déclin dans le bâtiment ou la forêt qui ont forcément des répercussions sur l’énergie vendue par l’entreprise. Pas de quoi en tout cas sombrer dans le pessimisme pour Emmanuel Coco : « On a passé la crise économique de 2009-2010, on passera celle-là. Le tout, c’est d’être sage dans ses investissements (gelés depuis l’an passé) et de gérer en bon père de famille. »
Rationaliser les livraisons pour faire des économies substantielles fait aussi partie de ses habitudes depuis des années, grâce à un maillage désormais bien établi avec ses six dépôts dans les Landes (le dernier a ouvert à Mont-de-Marsan en 2020), le Gers et les Pyrénées-Atlantiques, implantés tous les 50 à 60 km. « On a développé une philosophie vertueuse : plus je suis proche de mes clients, moins je fais de kilomètres avec ma flotte de 15 camions pour les livrer, moins je consomme de carburant, moins je pollue. Et plus je livre sans recharger, plus je suis rentable. J’ai donc optimisé la logistique, en grossissant la capacité de mes camions, car moins on fait de kilomètres à vide, mieux on se porte ! », dit-il, pas peu fier d’avoir « réussi à construire cet équilibre par son expérience transport ». Avec « deux leitmotivs : la qualité et le service », appuie celui qui se prévaut d’être « un des rares distributeurs à réussir à dépanner un client dans la journée ».

85 % des livraisons concernent le GNR (gazole non routier), 15 % gazole et 5 % fioul. © Patxi Beltzaiz – Hans Lucas
Moins de gaz à effet de serre
Si son activité n’est bien sûr pas la plus vertueuse sur le plan du développement durable avec des énergies fossiles, Emmanuel Coco se veut aussi « un des précurseurs de la décarbonation » dans son domaine. « Je n’ai jamais vendu un produit basique, toujours des produits de qualité, comme au départ avec BP et le superfioul à 5 % d’ester méthylique de colza (EMC). On a eu 30 ans d’avance sur l’obligation légale d’additiver les carburants. On a aussi remplacé les additifs à base pétrolifère par des additifs à base d’ester glycolique biodégradable à 85 %. Il y a également l’Adblue, une solution liquide (composée à 32,5 % d’urée et à 67,5 % d’eau déminéralisée pure) permettant de réduire les émissions polluantes » des engins diesels roulants au GNR ou gazole équipés de la technologie de réduction de la catalytique sélective (SCR). « Par toutes ces actions, conclut-il, on a la faculté de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre, les gaz nocifs et polluants tout en abaissant son empreinte carbone. »

Les camions livrent les clients directement chez eux depuis six dépôts dans les Landes, le Gers et le Béarn. © Patxi Beltzaiz – Hans Lucas
Maison Coco Picoty en chiffres
15 salariés dont 80 % de chauffeurs pour plus de 10 000 livraisons par an directement chez les clients : 85 % GNR (gazole non routier), 15 % gazole et 5 % fioul
6 bases et dépôts de carburant : Pécorade-Geaune, Mont-de-Marsan (depuis 2020), Labouheyre et Poyartin dans les Landes, Aignan dans le Gers (depuis 2010) et Serres-Castet, près de Pau (Pyrénées-Atlantiques).
2 200 clients actifs dont 80 % d’agriculteurs et forestiers
Plus de 1 000 m3 de stockage de produits pétroliers
30 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022 (plus récent non communiqué)
Des menus pour recruter
Alors qu’il peinait à embaucher l’an passé malgré les besoins, Emmanuel Coco a eu l’idée de proposer des emplois à la carte. « Je suis un épicurien. Un soir au restaurant, j’ai pensé proposer une carte avec des menus pour attirer l’attention de potentiels candidats. Je sentais le vent tourner dans l’envie de travailler ou pas des gens, alors j’ai proposé des formules sur quatre ou cinq jours, 35 ou 40 heures. Et finalement ceux qui sont venus ont choisi des contrats sur cinq jours et 42 heures pour gagner plus. »