N’en déplaise à Stéphane Bern, devenir le temps d’une éphémère émission télé le plus beau village de France n’est pas la consécration ultime. Et pourquoi ne pas viser un label plus exigeant qui requiert tout autant d’attraits, notamment en termes de patrimoine, mais qui en prime, implique la participation active des habitants pour le valoriser, s’inscrit dans la durée, ne s’adresse pas aux seuls touristes, mais va plutôt dans le sens de la revitalisation des centres-bourgs et des bassins de vie ? Geaune fait partie des communes landaises* à tenter d’obtenir le titre de Petites Cités de Caractère®. Et pour ce faire, travaille à un projet de chemin des vignes qui fait déjà rêver de flâner sous les tonnelles, du côté du Tursan.
PLAN DE RÉFÉRENCE
Non, Gilles Couture, le maire de Geaune, l’admet volontiers, sa commune n’a pas de longues plages de sable blond, de belles forêts de pins qui vous rendent le tourisme facile. Mais à entendre sa passion communicative, lors des Rencontres paysage et cadre de vie qui se déroulaient le 23 février à Vieux Boucau, cette bastide de 750 habitants située au sud-est du département peut revendiquer bien d’autres atouts. Créée ex nihilo en 1318, devant son nom aux marchands génois, sa disposition en échiquier de 25 îlots autour d’une place centrale, son patrimoine bâti, mais aussi ses infrastructures structurantes, la mettent au cœur d’un bassin de vie de 2 500 habitants, aux portes d’Eugénie-les-Bains.
« En 2017, le CDT [comité départemental du tourisme, devenu Landes attractivité, NDLR] a dit que ce serait bien que certaines communes visent le label Petites Cités de Caractère®. Ils ont établi une liste et Geaune en faisait partie. En 2018, nous avons été retenus parmi les communes éligibles. Et il nous a fallu élaborer un plan de référence. »
UN ANNIVERSAIRE FÉDÉRATEUR
De 1318 à 2018, il y a bien 700 ans. Cet anniversaire de la bastide a été l’occasion d’une grande fête médiévale avec défilé des habitants en costumes, charrettes et chevaux. « Mais cela a surtout été l’occasion de fédérer la population, raconte Gilles Couture. Et en 2019, quand le plan de référence a été lancé, nous avons choisi un bureau d’études qui travaillait sur le participatif, avec les habitants. 80 environ sont venus. 10 % de la population ce n’est pas mal pour un début… Un plan de référence, cela permet d’avoir une vision globale de ce que l’on veut faire de la commune. C’est une feuille de route. Classiquement, cela comprend un diagnostic, une stratégie, des actions à mener. Là, c’est le plus difficile car intervient la question du financement. Mais on sait aussi que ce n’est pas juste l’affaire d’un mandat. L’important c’est que le sillon soit tracé. »
De cette réflexion avec les habitants est née l’idée d’un chemin des vignes dans une rue de la bastide. Parce que jadis dans tous les jardins poussaient deux ou trois rangs de vigne et qu’il existe encore des chais dans de nombreuses maisons. Ce chemin aura pour objectif de montrer l’importance de la viticulture et de renforcer l’identité de la bastide. « En 2023, nous allons choisir un maître d’œuvre et repartir sur du participatif. À travers des ateliers, nous allons faire venir les riverains, les habitants, les commerçants pour dire comment ils le voient. Est également associé le collège puisque ce chemin passe devant, ainsi que la cave de Tursan. » Plantations de vieux cépages, de rosiers souvent associés aux arbres fruitiers, exposition de vieux outils, de photos anciennes, tonnelle au-dessus d’une rue font déjà partie des idées lancées pour écrire le récit de Geaune, avec une réalisation espérée en 2024. Et voir toujours la vie en Geaune.
* Labastide-d’Armagnac (déjà labellisée) et cinq autres sont actuellement accompagnées vers le label : Amou, Geaune, Saint-Justin, Roquefort et Sorde-l’Abbaye.
DANS L’AIR DU TEMPS
« Le label Petites Cités de Caractère® est né dans les années 1970 en Bretagne, et avait pour objectif avant l’heure de revitaliser les centres-bourgs de moins de 6 000 habitants qui avaient une histoire, un patrimoine, mais aussi des activités, une vie. Le tout avec une charte, des critères, des prérequis très exigeants explique Sophie Labassa, référente pour ce label à Landes attractivité. Il nous a plu parce qu’il correspondait aussi à notre stratégie pour faire connaître les Landes intérieures. On connaît tous notre patrimoine naturel dans les Landes, mais nous avons aussi un petit patrimoine bâti, des bastides où il fait bon vivre. Par ailleurs, cela s’inscrivait dans une démarche de concertation des habitants. Certes, il y a le tourisme, mais ce sont aussi des lieux de vie. Le label a été présenté en 2017 à Sorde-l’Abbaye et plusieurs communes ont été fléchées. Le conseil départemental a apporté une aide pour la mise en place des plans de référence.
Nous les suivons depuis plus de trois ans en binôme avec le Conseil d’architecture d’urbanisme et de l’environnement (CAUE). Pour nous, c’est une démarche très positive. Beaucoup de maires qui voyaient le patrimoine comme un frein le considèrent, grâce à cette démarche, comme un levier et essaient de tout mettre en œuvre pour obtenir des subventions et faire reconnaître aux habitants que le patrimoine c’est un plus. Est arrivée depuis la démarche « Petites villes de demain »*. C’est donc vraiment un label dans l’air du temps. »
* Programme lancé en 2020 par le gouvernement pour redynamiser 1 600 petites villes
