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Investir dans la location saisonnière est-il rentable ?

Acquérir un bien immobilier pour de la location saisonnière est devenu l’un des investissements les plus recherchés sur nos côtes. Comment évaluer sa rentabilité ?

Madeleine PERRIN , location

Madeleine PERRIN Expert immobilier en valeur vénale et locative, expert près la cour d’appel de Pau, organisme de formation en immobilier © Patrick Valleau

Le département des Landes bénéficie d’un environnement naturel privilégié : océan, plages de sable, lacs, forêts de pins… Il a su adapter tout au long de son histoire ses activités : surf, thermalisme, rugby, ferias, pour attirer toujours plus une clientèle en quête de bien-être, de sport et d’authenticité. Avec plus de 23,3 millions de nuitées touristiques enregistrées pour la seule année 2019, selon les chiffres-clés publiés par Landes Tourisme, le département voit le nombre de nuitées augmenter chaque année depuis 2012 sur l’ensemble du département et plus particulièrement sur la côte landaise. Et la saison 2021 n’est pas en reste avec une fréquentation qui renoue avec les records d’il y a deux ans.

Alors, bien sûr, qui dit touristes, dit hébergement et dit location saisonnière. Là aussi, les professionnels du tourisme ont su diversifier leur offre d’hébergement : hôtellerie de plein air (qui reste le premier mode d’hébergement dans les Landes), hôtellerie classique, hôtellerie de luxe, ou encore villages-vacances. Mais, c’est certainement le « meublé de tourisme » loué par le particulier qui a connu le plus fort développement ces dernières années. Avec l’arrivée des plateformes Airbnb en 2008, puis Abritel ou encore Le bon coin, tout le monde peut devenir loueur saisonnier et (presque) tout logement se voit bénéficier d’un potentiel à la location saisonnière.

Ainsi, l’acquisition d’un logement en vue de le louer en période saisonnière est devenue une pratique de plus en plus répandue sur nos secteurs. La durée de location est maîtrisée, le bailleur peut récupérer son logement après chaque période de location avec, à la clé, la promesse de revenus locatifs lucratifs et sans contraintes. Le slogan presque sous-entendu pourrait être « Gagnez en une semaine, l’équivalent d’un loyer mensuel ». Avec des tarifs compris entre 600 euros et 1 000 euros la semaine pour un studio en forte saison, le calcul est a priori vite fait.

Et forcément, ce marché plus que juteux attirent de nouveaux investisseurs de toute la France, avec des moyens financiers importants. Ce type d’investissement a pris une telle ampleur sur notre secteur que l’État et les communes commencent à y voir une sérieuse menace pour le logement en résidence principale et tentent de limiter ce type d’investissement par une règlementation et une fiscalité plus contraignantes. La question se pose alors de savoir s’il est toujours judicieux d’investir en saisonnier.

Pour commencer, avant d’acheter un logement en vue de le louer en meublé saisonnier, il faudra s’assurer que l’activité est bien autorisée dans la résidence lorsque le logement se situe en copropriété. Car contrairement à certaines évidences, toutes les copropriétés n’autorisent pas la location saisonnière. Ce sera le cas d’un immeuble dont l’occupation est destinée à de « l’habitation bourgeoise à l’exclusion de toute activité commerciale ».

Attention au renforcement des contraintes qui visent à limiter la pratique de la location saisonnière sur nos secteurs

Par ailleurs, il faudra désormais vérifier la règlementation applicable sur la commune dans laquelle se situe le logement. En effet, au Pays basque, par exemple, depuis le 1er janvier 2020, une demande d’autorisation préalable est obligatoire pour tout propriétaire de logement se trouvant en zone tendue dès lors qu’il souhaite faire de la location saisonnière. Ainsi, un seul logement par propriétaire pourra être destiné à la location saisonnière sur les communes de Biarritz, Bidart, Anglet, Hendaye, Saint-Jean-de Luz, Guéthary, Ciboure, Urrugne. Et maximum deux logements sur les communes d’Arcangues, Bassussarry, Ascain, Arbonne ou encore Bayonne.

Ces règles ne sont pas encore mises en place dans les Landes. Seule une déclaration préalable est nécessaire à ce jour. Un numéro d’enregistrement devra toutefois être obtenu avant la mise en location et devra être repris dans tous les supports d’annonces immobilières. Une fois ces informations prises, il faudra s’assurer que l’emplacement choisi est adapté à l’activité souhaitée. Tout Soorts-Hossegor, tout Capbreton ne se loue pas en saisonnier ou en tous les cas, tous les quartiers ne présenteront pas ni le même taux d’occupation ni les mêmes tarifs. Or, la rentabilité va se calculer selon ces deux indicateurs essentiels.

Un logement bénéficiant d’une vue particulière (sur un lac, l’océan, une forêt) se louera certainement mieux. Mais, ce peut être aussi simplement un quartier attractif (« tout à pied », « commerces à proximité ») qui peut favoriser un bon taux de remplissage. Attention également aux logements subissant des nuisances (bruit, commerces de bouche…), aux biens trop isolés ou mal desservis.

LE TAUX D’OCCUPATION LE PLUS ÉLEVÉ EST CONCENTRÉ SUR DEUX MOIS

Ensuite, il ne faudra pas perdre de vue un autre aspect déterminant de la location saisonnière : le taux d’occupation. Car, en effet, le taux d’occupation le plus élevé est concentré sur deux mois ; juillet et août avec un taux estimé entre 68,27 % et 89,81 % sur cette période. Le reste de la saison, les taux s’échelonnent de 37,71 % en mai et environ 55 % sur les mois de juin et septembre. Au Pays basque, la plupart des investisseurs louent à des étudiants de septembre à juin, la loi permettant des contrats de neuf mois dans ce cas. Il est également possible de louer avec un bail mobilité sur des périodes plus courtes allant d’un à 10 mois, mais, encore faut-il trouver un locataire entrant dans les critères fixés limitativement par la loi. Sur la côte landaise, le public étudiant est difficile à séduire en raison du peu d’écoles de niveau post-bac sur le secteur. Aussi, cela supposerait de louer toute l’année en saison- nier pour espérer une rentabilité plus importante… Or, les taux d’occupation en basse saison (novembre à mars) ne dépassent que rarement les 10 % et les tarifs pratiqués sont également bien plus bas. La gestion, elle, reste tout aussi importante. Il faut, dès lors, s’assurer que le jeu en vaut la chandelle.

Toujours dans un souci de rentabilité, outre les charges de copropriété, il faudra également anticiper le montant des charges individuelles (eau, électricité, abonnements internet, télévision…). En effet, les tarifs saisonniers comprenant toujours l’ensemble des charges, il est important d’en tenir compte pour apprécier le net encaissé. La qualité des prestations sera également un des critères de fixation des tarifs. Le nombre d’offres incite les vacanciers à prendre le temps pour choisir un logement offrant le meilleur rapport qualité-prix. Ainsi, il ne faut pas oublier un budget supplémentaire pour remplacer régulièrement le mobilier vétuste, cassé, insuffisant. Mais, une fois l’acquisition faite, la location saisonnière semble facile comme un simple clic !

Location saisonnière

© Shutterstock

Depuis la mise en service des plateformes Airbnb, il n’a jamais été aussi facile de devenir loueur en meublé saisonnier. Une inscription rapide en indiquant le numéro d’enregistrement, une description succincte du logement, quelques photos mettant en valeur les pièces et prestations proposées, la fixation des périodes et tarifs correspondant, et voilà votre logement « en ligne » pour la saison. Aucun contrat de location à signer, les réservations se font directement sur le site, le versement se fera de manière sécurisée dès l’arrivée de vos premiers locataires. Enfin, la taxe de séjour est directement reversée à la commune de situation de l’immeuble. Une gestion facile et rapide qui a tout de même une contre-partie : le coût du service encaissé par la plateforme : 20 % environ des loyers entre les frais imputés au loueur et au locataire. Et il appartient au bailleur de gérer la mise en location. À chaque nouveau locataire, il conviendra de changer les draps, linge de maison, faire le ménage, s’assurer du bon fonctionnement des équipements, fixer l’heure d’arrivée et de départ, faire un état des lieux d’entrée et de sortie, signer l’inventaire, répondre aux questions éventuelles, gérer les imprévus… Et le prochain locataire est déjà devant la porte !

Si le temps manque ou que le bailleur n’est pas sur place, il peut déléguer la gestion locative à un professionnel détenteur de la carte G. Des conciergeries se sont créées pour répondre à cette demande particulière. Il faut compter entre 20 % et 25 % des revenus locatifs. Enfin, d’un point de vue fiscal, les revenus locatifs relèvent comme en matière de meublé à l’année, du régime des bénéfices industriels et commerciaux. À ce titre, le bailleur bénéficie en micro-bic d’un abattement de 50 % sur les revenus tirés de la location. Cet abattement peut atteindre 71 % pour les meublés classés. Il ne faudra toutefois pas oublier les prélèvements sociaux dont le taux est fixé à 17,2 % des revenus imposables, ce qui augmente sensiblement l’imposition.

Alors… l’investissement en saisonnier est-il encore rentable ? Il semble que, malgré toutes les contraintes pesant de plus en plus sur la location saisonnière, ce type d’investissement permette encore d’obtenir une forte rentabilité sur certains secteurs. Et au-delà d’une rentabilité, il s’agit également d’un investissement patrimonial qui peut, à lui seul, justifier une acquisition. Attention toutefois, au moment d’acquérir un logement dans cet objectif de bien tenir compte de tous les paramètres et de calculer la rentabilité possible avant de payer le prix fort pour une rentabilité qui ne serait pas au rendez-vous…

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