Énergie, eau, fournitures… un centre hospitalier consomme énormément de ressources pour fonctionner. Ce qui en fait un très gros pollueur. L’hôpital de Dax en a conscience. En 2008, il a été l’un des premiers établissements publics de santé à réaliser un bilan carbone complet de son activité. S’en sont suivies des actions pour réduire et trier ses déchets et pour valoriser les circuits courts dans la préparation des repas servis. Son unité de restauration collective a d’ailleurs été labellisée Mon Restau responsable, en 2017.
Les choses en sont restées là jusqu’en 2019, où, dans le cadre du projet d’établissement quinquennal, la démarche de développement durable a été relancée. « La réglementation évolue et devient de plus en plus contraignante, souligne Arielle Dolléans, écoconseillère développement durable de l’établissement. Loi Climat, loi d’orientation des mobilités, loi Agec (antigaspillage pour une économie circulaire), Égalim (États généraux de l’alimentation)… Nous devons respecter tous ces textes. Mais par-dessus tout, le secteur de la santé constate une augmentation des maladies chroniques en lien direct avec les facteurs environnementaux. Nous sommes donc conscients de la nécessité d’agir pour diminuer notre impact. »
Une démarche qui part du terrain
Pour fédérer le plus grand nombre de personnes autour du projet, l’hôpital a impliqué dès le départ, les agents dans la démarche. « En matière de développement durable, la théorie ne fonctionne pas. Les actions doivent partir du terrain. » Les premiers volontaires ont vite été rejoints par d’autres. Aujourd’hui, l’hôpital compte 35 ambassadeurs du développement durable. « Ils relaient l’information auprès des agents et font remonter les bonnes idées duplicables du terrain. »
Un défi écogestes, auquel les 80 services de l’établissement ont participé, a ainsi permis d’identifier cinq bonnes pratiques faciles à mettre en œuvre par tous (appliquer les nouvelles consignes de tri, éteindre les éclairages et appareils électriques, nettoyer sa boîte mail, imprimer utile et mettre son masque dans la borne de collecte dédiée). Depuis 2021, plus de 120 personnes ont aussi été formées au développement durable, et les formations se poursuivent pour les volontaires au rythme de trois sessions par an.
Les applications concrètes ne se sont pas fait attendre. Aujourd’hui, 23 filières de tri des déchets sont en place. Le protoxyde d’azote, gaz anesthésique au pouvoir réchauffant 300 fois supérieur aux émissions de carbone, n’est plus utilisé au bloc opératoire. Un forfait mobilité durable (jusqu’à 300 euros par an) est attribué aux agents qui viennent travailler à vélo ou en transport en commun. Des distributeurs et récupérateurs automatiques de tenues permettent d’optimiser le nombre de blouses en circulation et donc de réduire les impacts de la blanchisserie sur l’environnement…

Le projet de traitement thermique des ailes nord et sud de l’hôpital a été estimé à près de 6 millions d’euros. © Thibault Toulemonde
Agenda 2030
Le centre hospitalier s’est également impliqué au niveau régional en devenant membre actif de l’association Agir durablement en santé Nouvelle-Aquitaine (ADSNA) et en collaborant au programme de recherche Loop Santé (écoconception des produits de santé, emballages plus durables, valorisation des déchets hospitaliers, alternatives aux plastiques…). Bien décidé à ne pas s’arrêter là, il a choisi d’adopter l’Agenda 2030 comme cadre de sa nouvelle feuille de route 2025-2030. « Nous avons travaillé dessus pendant neuf mois, indique Delphine Pujos, directrice des ressources matérielles de l’hôpital. Comme nous le faisons depuis le début en matière de développement durable, nous avons suivi une méthodologie participative : mobiliser, consulter et construire ensemble. Notre nouvelle stratégie pour tendre vers la neutralité carbone en 2050 se décline en cinq axes, 18 défis et 57 actions que nous avons cinq ans pour mettre en place. »

L’unité de restauration collective de l’hôpital a été labellisée Mon Restau responsable en 2017. © Thibault Toulemonde
Unités durables
Certaines de ces nouvelles actions sont déjà engagées. Pour encourager l’adoption d’une alimentation équilibrée et respectueuse de l’environnement, une alternative végétarienne est désormais proposée aux patients et aux clients des selfs. En matière de biodiversité, l’hôpital a sanctuarisé une zone de 4,6 hectares sur son site du Lanot à Dax. Elle a fait l’objet d’une étude environnementale qui a contribué à la rendre inconstructible. Deux ruches y ont été installées et huit chênes tricentenaires y ont été répertoriés, ce qui a valu au site de recevoir le label national Espace arboré remarquable. Il a également été validé Refuge LPO par la Ligue de protection des oiseaux. Des cheminements pédestres accessibles aux personnes à mobilité réduite, une aire de repos et d’observation ainsi qu’un parcours de découverte de la faune et de la flore devraient y être aménagés.
Depuis le 10 février a aussi démarré la phase test pour les premières unités durables du centre hospitalier. Trois services sont concernés : la réanimation, le bloc opératoire et la pédiatrie. « Dans ces unités de soin, il s’agira de repenser tous les gestes du quotidien à l’aune du développement durable », explique le Dr Maude Andrieu, présidente de la commission médicale d’établissement. De la juste prescription aux éco-soins, en passant par une diminution du matériel à usage unique, tout sera repensé pour rendre les pratiques plus vertueuses, sans altérer la qualité des soins. « Le centre du dispositif reste évidemment le patient. »
Besoin de subventions
Pour d’autres actions, le centre hospitalier ne pourra pas agir seul. « Nous allons avoir besoin d’accompagnements et de financements extérieurs, notamment pour faire baisser nos consommations énergétiques », confirme Delphine Pujos.
Ouvert 365 jours par an, sept jours sur sept et 24 heures sur 24, l’hôpital est particulièrement énergivore, comme le sont tous les établissements sanitaires. Et la facture est salée, surtout depuis la crise ukrainienne. Entre 2022 et le 1ᵉʳ trimestre 2023, le prix de l’électricité a été multiplié par 14 ! Pour réduire la note, des travaux d’isolation s’imposent. « Nos bâtiments sont vieillissants et nécessitent des investissements très importants que nous ne sommes pas en capacité de porter à ce jour. » Le projet de traitement thermique des ailes nord et sud de l’hôpital a été estimé à près de 6 millions d’euros. Des subventions vont devoir être trouvées.
Parallèlement, un contrat de performance énergétique va être mis en place pour viser une plus grande sobriété. « Parmi les scénarios envisagés, le raccordement au Réseau de chaleur urbain (RCU) actuellement à l’étude au Grand Dax contribuerait notablement à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la dépendance aux énergies fossiles du Centre hospitalier. D’autres solutions seront toutefois travaillées dans le cadre du contrat de performance énergétique au cas où le RCU ne se concrétiserait pas. »
La volonté et l’enthousiasme des agents pour relever les défis qui attendent l’hôpital sont visibles. « Les gens s’engagent et donnent leur maximum », se réjouit Delphine Pujos. « Les équipes paramédicales avancent plus vite que les équipes médicales, reconnaît Maude Andrieu. Ce n’est pas qu’elles ne sont pas convaincues. C’est la perception du temps à y dédier qui freine les avancées. Nous sommes nombreux à avoir été formés à une époque où on ne parlait pas de sobriété énergétique, d’éco-soin ou d’unité durable. Mais grâce aux ambassadeurs qui mettent en valeur ce qu’on fait déjà de bien, les choses bougent. Et les sociétés savantes s’engagent aussi de plus en plus dans la démarche. Pour preuve, le programme du prochain congrès régional de réanimation qui aura lieu en juin à Bidart tourne en grande partie autour du développement durable. »

Mettre son masque dans la borne de collecte dédiée : l’une des cinq bonnes pratiques retenues dans le cadre du défi écogestes auquel ont participé les 80 services de l’hôpital. © Thibault Toulemonde
Les 5 axes de l’Agenda 2030 de l’hôpital de Dax
Un centre hospitalier qui
1. place le développement durable au cœur de son projet d’établissement ;
2. s’adapte au changement climatique ;
3. promeut un cadre sain et inclusif au service du bien-être des patients et des professionnels ;
4. consomme de façon responsable et s’engage vers la sobriété des pratiques ;
5. poursuit sa décarbonisation.