Couverture du journal du 17/09/2024 Le nouveau magazine

Cristaline : de la source à la bouteille

Voilà plus de 50 ans que de l’eau est embouteillée dans le quartier du Sablar. Des premières bouteilles de l’entrepreneur thermal Roger Junca au rachat par Cristaline en 2006, immersion dans l’usine dont l’activité varie en fonction des chaleurs de l’été.

cristaline

Patrick Darget, Directeur de l'usine Cristaline de Dax © Louis Piquemil - LAL

Il faut remonter aux années 1960 pour connaître les débuts de cette source d’eau dans le quartier du Sablar, à Dax. Et comme souvent dans la cité thermale, il est alors question d’eau chaude, très chaude. Embouteiller l’eau thermale, c’est l’idée de Roger Junca, un charcutier dacquois devenu grand acteur du thermalisme sur l’agglomération dacquoise. Mais à 62 °C pour cette source découverte et baptisée Elvina, les bouteilles fondent dans l’usine créée en 1973. Tout près, un nouveau forage permet alors de la refroidir avec une eau de source potable baptisée Pampara, qui marquera finalement le retour d’Elvina à la production unique de boues thermales. Suivra à deux pas, 20 ans plus tard, la source thermale Aliénor d’Aquitaine, devenue Biovive, qui sera aussi embouteillée, avec ses propriétés diurétiques.

DE L’EAU DE DAX SUR AIR FRANCE

Patrick Darget a connu cette histoire à partir de 1989 en entrant dans l’usine comme technicien : « C’était encore assez artisanal, l’usine n’était pas très automatisée », se rappelle celui qui est ensuite devenu directeur technique, puis directeur du site en 2000. Les premiers gros travaux datent de 1999 avec de nouvelles machines et le passage du PVC au PET*, côté plastique. Deux ans après la mort de Roger Junca en 2006, l’usine d’embouteillage du groupe Thermes Adour alors dirigé par son gendre Gilbert Ponteins, est rachetée par le groupe Sources Alma, propriétaire de Cristaline.

« Sources Alma cherchait une eau minérale naturelle et pour nous, ça devenait difficile de survivre tout seuls dans la région. Ça a permis de professionnaliser les choses, de mettre en place des structures qualité et techniques plus performantes. Tout s’est très bien passé des deux côtés, sans licenciement à Dax. Ça a démarré par l’eau minérale naturelle Biovive, puis l’eau de source Pampara, restée régionale, est devenue l’une des sources de la marque Cristaline en 2007 », explique Patrick Darget.

C’est aussi la période des petites coupelles d’eau dans les avions qui ont fait la renommée de Pampara : « Pendant 20 ans jusqu’au Covid qui a changé les choses, on buvait de l’eau de Dax n’importe où dans le monde sur les plateaux-repas d’Air France et KLM ! ». Désormais, ce sont des petites bouteilles carrées sorties de l’usine de Thonon (Sources Alma) qui alimentent ce marché.

De Dax, sortent aujourd’hui « des millions de bouteilles », uniquement de 1,5 l et 0,5 l, grâce au travail de 16 employés en CDI qui travaillent en 2×8 à l’année, avec des renforts de six à sept personnes à partir de mai pour la saison estivale en 3×8.

« Embouteiller l’eau thermale, c’est l’idée de Roger Junca, un charcutier dacquois devenu grand acteur du thermalisme sur l’agglomération dacquoise »

À 35 °C, LES COMMANDES DOUBLENT

« Quand les 35 degrés arrivent l’été, c’est pour nous la grande bascule, on le sent tout de suite dans les commandes, ça peut doubler, c’est très rapide, il faut alors répondre aux demandes illico, assure le directeur. 2024 est jusqu’ici une année particulièrement moyenne au niveau du temps, donc du stockage a été fait par les grandes surfaces qui représentent 100 % de notre clientèle. Mais dès qu’un pic de chaleur se manifeste, nos équipes sont très réactives. » Si le groupe reste discret sur son chiffre d’affaires, le résultat de cette année devrait donc être en deçà de celui de l’an dernier qui fut beaucoup plus chaud.

La Pampara-Cristaline est essentiellement vendue dans les Intermarché, Carrefour et Leclerc, quand la Biovive occupe les rayons chez Aldi et Lidl. Pas d’export, tout est vendu en France, et même en local autour de 150 km maximum autour de l’usine, dans un marché régional assez concurrentiel avec Ogeu (Béarn) ou Abatilles (Gironde).

L’objectif du maillage Cristaline avec ses 21 sources qui quadrillent la France, est « de faire le moins de kilomètres possible pour approvisionner les clients et maintenir un prix attractif avec une eau locale de qualité pour les consommateurs », fait valoir Patrick Darget. Le prix du pack qui « n’avait pas augmenté depuis le passage à l’euro », assure-t-il, a tout de même subi en 2022, une hausse d’une dizaine de centimes du fait du coût du plastique, de l’énergie et du carburant lié à l’inflation déclenchée par la guerre en Ukraine. Le directeur voit dans cette faible augmentation la « force du groupe », qui se retrouve aussi côté innovation avec le bouchon attaché au contenant ou les bouteilles « les plus légères du marché » avec toujours moins de plastique.

« Faire le moins de kilomètres possible pour approvisionner les clients et maintenir un prix attractif avec une eau locale de qualité »

INVESTISSEMENTS RÉGULIERS

Pour lutter contre le gaspillage, et toujours dans une logique de groupe qui fait « évoluer régulièrement son outil industriel au fil des besoins et optimisations techniques ou réglementaires » dans tout l’Hexagone, des « centaines de milliers d’euros » ont été investis dans l’usine de Dax, en 2020, pour changer la moitié de ses machines afin d’éviter les pertes d’eau au remplissage, avec des nouveautés en contrôle par débitmètre sans débordement.

Côté qualité de l’eau, un laboratoire interne en chimie et bactériologie fait des contrôles quotidiens dans l’usine dacquoise. S’y ajoutent une surveillance régulière par l’Agence régionale de santé (ARS), ainsi que des contrôles inopinés qui peuvent notamment être diligentés par les clients. Alors que la Commission européenne a dénoncé cet été « de sérieuses lacunes » dans le système de contrôle de la qualité des eaux minérales en bouteille en France et que des procédures judiciaires sont en cours à l’encontre de Nestlé Waters et de Sources Alma, « le site de Dax et la marque Cristaline ne sont pas mis en cause dans le cadre des enquêtes en cours liées à des problèmes de contamination de ressource, précise le groupe. D’ailleurs, aucune eau commercialisée par Sources Alma n’est concernée par des problèmes d’origine bactériologique ou de contamination de la ressource. (…) Les contrôles réalisés par les autorités sanitaires confirment que toutes les eaux produites par Sources Alma sont conformes et que la sécurité sanitaire et alimentaire de ces eaux n’a jamais été remise en cause. »

cristaline

© Louis Piquemil – LAL

EN CHIFFRES

Cristaline à Dax, c’est

. Deux sources différentes, l’eau de source Pampara, exploitée par Cristaline (21 sources en France) et l’eau minérale naturelle Biovive, deux marques qui appartiennent au groupe Sources Alma (Saint-Yorre, Rozana, Thonon, Vichy Célestins, Chateldon, etc.)

. Un bâtiment de 9 000 m² sur 2 hectares de terrain dans le quartier du Sablar

. Une cadence de production jusqu’à 20 000 bouteilles par heure sur les grands formats d’1,5 l et 27 000 sur les petits de 0,5 l. « Des millions de bouteilles » sortent chaque année de l’usine dacquoise

. 16 employés en CDI y travaillent en 2×8 à l’année, avec des renforts de six à sept personnes à partir de mai pour la saison estivale en 3×8.

UNE BOUTEILLE DE PLUS EN PLUS CIRCULAIRE

Une fois la bouteille vide déposée dans un bac à tri ou dans une machine de collecte, elle peut être broyée en paillettes puis transformée en granulés de PET* recyclé dans l’une des trois usines de recyclage de Sources Alma. Ces granulés mueront ensuite en préformes qui seront envoyées dans les usines d’embouteillages sur tout le territoire, comme à Dax où ces tiges rigides de quelques centimètres de haut seront alors chauffées et soufflées directement sur place pour prendre leur forme définitive de bouteilles de 1,5 l ou 0,5 l. « Si on devait faire avec des bouteilles en verre ou recevoir des bouteilles en plastique déjà formées, cela multiplierait le nombre de camions de livraison par près de 50. L’eau en bouteille est un produit dont l’impact en termes d’émissions de CO2 est plus faible que beaucoup d’autres boissons », estime le directeur de site, Patrick Darget pour qui « c’est une matière très circulaire à condition qu’elle soit bien triée par le consommateur. »

Avec ses usines de recyclage, Cristaline dit « déjà respecter la réglementation européenne qui impose, à partir de 2025, 25 % de matières recyclées dans les bouteilles PET ».