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Interview avec Marie-Laure Lafargue : Basket Landes « L’énergie d’un territoire »

Marie-Laure Lafargue, présidente de Basket Landes, revient sur une saison 2020-2021 perturbée par la crise sanitaire, mais qui s’est conclue, contre toute attente, par un titre de championnes de France. Un trophée qui récompense tout le travail effectué et met en lumière un sport, un collectif, mais aussi tout un département.

Marie-Laure Lafargue Basket Landes

Marie-Laure Lafargue © Just a Pics - F.Ferranti

Les Annonces Landaises : La saison 2020-2021 s’est déroulée dans un contexte sanitaire difficile et restrictif. Comment l’équipe a-t-elle vécu cette saison particulière ?

Marie-Laure Lafargue : On pourrait idéaliser cette saison qui s’est finie en apothéose, mais le contexte a réellement été très compliqué. Nous avons eu peur, pour la santé des joueuses, des coachs et de l’ensemble des acteurs de Basket Landes. Il y a eu aussi cette immense frustration de ne pas pouvoir mener le projet à bien comme on aime le faire, c’est-à-dire avec des salles pleines, des partenaires, l’énergie d’un territoire derrière nous. En même temps, cette frustration et cette peur ont peut-être été des moteurs, des éléments de motivation supplémentaires. Cette saison a été très contrastée, mais rien ne pouvait mieux la conclure que cette immense joie de ramener un titre qui n’était pas prévu.

 

Marie-Laure Lafargue

Marie-Laure Lafargue © Just a Pics – F.Ferranti

LAL : Au moment du titre, cette joie vous n’avez malheureusement pas pu la partager…

M.-L. L. : On a remporté ce titre quelques jours avant le déconfinement. Il y a donc eu de la frustration de ne pas pouvoir le partager avec notre public, nos partenaires et l’ensemble des Landais. Mais nous avons décidé de faire en sorte que la joie se prolonge : le trophée voyage actuellement dans tout le département. On fait durer le plaisir et on va le faire durer aussi longtemps que possible. C’est une manière de rattraper le temps perdu ces derniers mois.

 

LAL : L’impression de temps perdu est-elle forte quand vous pensez à cette saison 2020-2021 ?

M.-L. L. : Notre modèle est particulier par la ferveur qu’il engage derrière nous. On vit dans un département passionné par le basket, sportif de manière générale, et Basket Landes incarne les valeurs de notre territoire : la convivialité, le travail, la solidarité, ce sentiment un peu gascon. C’est l’esprit mousquetaire qui nous anime. Aujourd’hui, on profite de ces instants de bonheur car nous avons conscience que ce sont des instants rares et précieux. Bientôt, il faudra basculer vers la prochaine saison.

Le modèle Basket Landes, avec un ancrage territorial fort, a parfaitement fonctionné

LAL : Vos joueuses ont dû se confronter à l’exercice du huis clos. Comment est-ce que cela se gère ?

M.-L. L. : Il y a une petite stupéfaction au démarrage. De mon côté, au sein de l’union des clubs, j’ai longtemps résisté à l’idée de jouer à huis clos. Aussi longtemps que possible en tout cas. Pour nous, c’était antinomique avec l’essence même du spectacle sportif. Malheureusement, il a fallu se rendre à l’évidence. Les joueuses ont dû se résigner, s’habituer à jouer dans des salles silencieuses, dans une atmosphère d’entraînement. Ensuite, le club a tout mis en œuvre pour maintenir le contact, grâce notamment au digital. Toutes nos rencontres ont été diffusées sur notre site dans une qualité professionnelle, on y a adjoint des produits nouveaux. On a notamment entrouvert les portes des vestiaires pour offrir des moments plus intimes à nos supporters. Tout cela a été possible grâce à l’ensemble des membres du club, mais aussi grâce à la bienveillance de nos partenaires locaux. On a également créé des magazines d’avant match et d’après-match pour permettre à nos supporters de vivre une expérience de match proche de celle qu’ils auraient eue en venant au stade. On a mis de l’humour et du partage. Ce lien, via le digital, n’a pas la même chaleur, mais la ferveur était au rendez-vous. Au lieu d’avoir 2 600 personnes dans la salle, on avait environ 40 000 vues par match joué à domicile. Ce soutien, même à distance, a été précieux.

Basket Landes

Les joueuses de Basket Landes ont été sacrées championnes de France à l’issue d’un match intense face à Montpellier © Just a Pics – F.Ferranti

C’est l’esprit mousquetaire qui nous anime

LAL : Comment ont réagi les partenaires du club face à cette saison perturbée ?

M.-L. L. : Nos partenaires nous ont parfaitement soutenus. Nous avions eu des inquiétudes l’été dernier, au sortir d’une saison tronquée. Mais, à la rentrée, le taux de renouvellement de nos partenariats a été bien au-delà de nos espérances. Nos partenaires ont honoré leurs engagements et, de notre côté, nous nous sommes efforcés de trouver des contreparties différentes, comme des prestations VIP à distance les jours de match. Je me réjouis de cette fidélité dans un contexte difficile pour tout le monde. Le modèle Basket Landes, avec un ancrage territorial fort, a parfaitement fonctionné.

 

Basket Landes

Miranda AYIM (Basket Landes) et Myisha HINES-ALLEN (Lattes-Montpellier) © D. R.

LAL : Quels ont été les ingrédients du succès en championnat ?

M.-L. L. : Notre staff technique a effectué un travail de grande qualité et ce dès le mois de juin dernier, à la sortie de la crise. Très tôt, nous avons compris que l’enjeu de cette saison allait être notre capacité collective à gérer les aléas. On savait qu’on pouvait s’arrêter à tout moment si une personne était testée positive. On savait qu’il pouvait y avoir des reports de matchs ou même du huis clos. Et nous n’avons pas été pas été déçus ! Au-delà de la préparation physique, on a essayé de construire dès juin dernier une vraie cohésion d’équipe. Des personnes extérieures nous ont aidés, à l’image de Stéphanie Barneix (ndlr : multiple championne du monde de sauvetage côtier) qui sait ce que cela représente de devoir gérer des aléas. Ce gros travail effectué en amont de la saison nous a permis de prendre de l’avance par rapport à d’autres équipes. On a ainsi réussi à capitaliser de bons résultats dès le début de la saison et à installer une bonne dynamique. Enfin, je crois que le succès de fin de saison est lié à l’apprentissage en temps réel que l’on a dû faire sur des temps un peu plus compliqués, comme notre participation à l’Euroligue. Quand vous jouez six matchs et que vous n’en gagnez qu’un, ça fait mal à la tête et aux jambes. Mais ces matchs perdus, contre des équipes de très haut niveau, on a su en tirer bénéfice en championnat, dans les moments-clés. On a gagné en confiance.

Très tôt, nous avons compris que l’enjeu de cette saison allait être notre capacité collective à gérer les aléas

LAL : Céline Dumerc prolonge finalement sa carrière, ce qui est une excellente nouvelle pour l’équipe. Depuis cinq ans dans les rangs de la formation landaise, qu’apporte-t-elle au collectif ?

M.-L. L. : Elle amène l’exemplarité. Céline n’est pas une personne qui parle beaucoup et qui va prendre la parole dans un vestiaire. Elle ne dit pas ce qu’il faut faire, elle montre le chemin. Par son exigence, par son travail quotidien, elle tire tout le monde vers le haut. Elle a une bonne lecture du jeu et elle sait impacter l’adversaire. Avec elle, tous les détails comptent.

 

LAL : À la rentrée, Basket Landes retrouvera le championnat avec pas moins de cinq nouvelles recrues. Quels vont être les objectifs pour la saison prochaine ?

M.-L. L. : Après cette parenthèse enchantée, nous allons reprendre notre chemin. Le regard du public aura forcément un peu changé mais notre objectif reste le même : suivre le plan Basket Landes 2022 pour figurer dans le top 4 en championnat et participer à l’Euroligue afin d’engranger de l’expérience. L’idée est de montrer qu’on progresse. On va également installer un nouveau cycle avec un renouvellement d’une partie de l’équipe.

Basket Landes

© D. R.

LAL : Aujourd’hui, sur les 12 équipes de la ligue féminine de basket, seulement trois équipes sont présidées par des femmes. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

M.-L. L. : Quand on se retourne, on peut juste se dire que ça va mieux qu’il y a une dizaine d’années. Mais je ne suis pas dans la revendication. Je me réjouis plutôt de constater que certains hommes croient dans la capacité des femmes à tenir ce rôle et, plus largement, dans le sport féminin. Il faut se rappeler que ce sont des hommes qui, à une époque, ont cru dans le fait qu’une équipe féminine puisse porter le flambeau de la performance sportive dans notre département.

Au lieu d’avoir 2 600 personnes dans la salle, on avait environ 40 000 vues par match joué à domicile

LAL : Pensez-vous que le titre de championnes de France va générer un engouement des jeunes filles landaises pour le basket-ball ?

M.-L. L. : On est déjà l’un des départements où il y a le plus de basketteurs, rapporté à la population au niveau national. Le taux de féminisation de la discipline flirte avec les 50 %, ce qui est considérable. Le regard des enfants, et notamment des petites filles, a changé quand la coupe est arrivée à Mont-de-Marsan. J’espère que cela va leur permettre de croire au fait qu’elles peuvent avoir de grands destins, et pourquoi pas par la voie du basket ? Et j’espère vraiment que cet engouement profitera aux clubs de basket amateur qui ont beaucoup souffert ces derniers mois.