Couverture du journal du 06/04/2024 Le nouveau magazine

Barreau de Dax : Bâtonnat en duo

Dix ans après un premier mandat, Dominique de Ginestet vient d’être de nouveau élue au bâtonnat du barreau de Dax pour deux ans, avec Patrick Besse pour vice-bâtonnier. Rencontre avec un binôme ancré dans la modernité, déterminé à représenter tous les domaines d’activité de la profession.

Patrick Besse, Vice-bâtonnier et Dominique De Ginestet, bâtonnier

Patrick Besse, Vice-bâtonnier et Dominique De Ginestet, bâtonnier © Patxi Beltzaiz

Les Annonces Landaises : Pourquoi avoir opté pour une candidature au bâtonnat en duo ?

Dominique de GINESTET : Ce choix nous a paru être une évidence en raison de l’ évolution du barreau de Dax qui compte désormais 76 avocats, et de la multiplication des domaines d’intervention. Si dans des barreaux comme le nôtre, la majorité de l’activité reste judiciaire, le nombre d’avocats qui exercent auprès des entreprises et en droit des affaires a augmenté. Il est important qu’ils sachent qu’ils sont aussi représentés par un vice-bâtonnier qui connaît leurs problématiques. Ce fonctionnement en binôme permet à l’ensemble des avocats du barreau de se sentir représentés par le bâtonnier.

Patrick BESSE : Cette candidature à deux têtes correspond à une vision moderne adoptée par de nombreux barreaux et permet de pallier la multiplication des tâches administratives. Un duo génère une synergie constructive. Agissant chacun dans nos domaines de compétences, nous pouvons nous démultiplier et être plus réactifs. Madame le bâtonnier gère les délégations qui me sont accordées pour la prise en charge au nom du barreau de certains dossiers.

LAL : Comment allez-vous fonctionner ?

D.de G. : Naturellement, Patrick Besse représentera plus particulièrement le barreau auprès des chambres consulaires, des syndicats professionnels. Il animera les travaux tendant à favoriser le renforcement des relations du barreau avec le monde de l’entreprise, afin d’être à l’écoute et répondre aux attentes des professionnels, et leur rappeler les compétences multiples de notre barreau.

Un duo génère une synergie constructive

LAL : Depuis votre premier mandat de bâtonnier, il y a 10 ans, votre profession a-t-elle connu beaucoup de changements ?

D.de G. : Depuis mon premier bâtonnat, j’observe l’importance du développement du numérique, des communications en ligne avec la visioconférence qui s’est considérablement développée au cours des confinements. Mais aussi l’importance de la communication sur les réseaux sociaux qu’il faut en même temps maîtriser pour éviter des dérives. Nos règles professionnelles ont également évolué. De nouveaux champs d’activité se sont ouverts.

Nous devons aussi faire face à des crises importantes. Celle du déficit du nombre de magistrats, de greffiers qui ralentit et rend plus difficile le fonctionnement de la justice. En particulier dans des juridictions de moyenne ou petite taille. À Dax, par exemple, les magistrats du siège ont une charge de travail 30 % supérieure à la moyenne nationale. Ceux du parquet de 40 % supérieure. On ne peut pas rendre une justice dans des délais satisfaisants dans ces conditions. Notre profession doit pour sa part s’adapter aux réformes, ce qu’elle a toujours fait, et extrêmement rapidement.

bâtonnat Dominique De Ginestet, bâtonnier

Dominique De Ginestet, bâtonnier © Patxi Beltzaiz

DOMINIQUE DE GINESTET BÂTONNIER EXPÉRIMENTÉ

« J’ai ce métier chevillé au corps », confie Dominique de Ginestet, 62 ans, qui depuis sa prestation de serment en 1985, a toujours exercé au barreau de Dax. Après avoir fait ses classes auprès d’un ancien avoué, elle prend sa succession avec son mari, également avocat. Elle exerce principalement dans le domaine judiciaire, en particulier en droit bancaire et de la consommation, droit des partages et des successions, et de la responsabilité.

Bâtonnier pour un premier mandat en 2013 et 2014, elle est ensuite élue, puis réélue au Conseil national des barreaux, entre 2015 et 2020. Membre des commissions exercice du droit des commissions et règles et usages, elle est élue présidente de cette dernière en 2017, plus particulièrement chargée de la déontologie et de la rédaction du règlement intérieur national. Elle reprend, en janvier 2023, le mandat de bâtonnier pour deux ans avec Patrick Besse comme vice-bâtonnier, et succède à Pierre-Olivier Dilhac.

bâtonnat Patrick Besse, Vice-bâtonnier

Patrick Besse, Vice-bâtonnier © Patxi Beltzaiz

PATRICK BESSE VICE-BÂTONNIER EN LIEN AVEC L’ENTREPRISE

« Je viens du monde de l’entreprise », rappelle Patrick Besse, 62 ans, exerçant dans le domaine du droit des affaires. D’abord conseiller juridique, il prête serment en 1991 à Paris, avant d’intégrer le cabinet Fidal à Dax en 1996 et de créer son cabinet en 2003.

Après avoir été membre du conseil de l’Ordre du barreau de Dax et président de la Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats (Carpa), il est depuis le 1er janvier, vice-bâtonnier auprès du bâtonnier, Dominique de Ginestet, en charge notamment des relations avec le monde de l’entreprise (cercles d’entrepreneurs, chambres consulaires, syndicats professionnels, services économiques).

LAL : Comment le plan d’action présenté par le garde des Sceaux, le 5 janvier dernier, dans le prolongement des états généraux de la justice, est-il reçu par les avocats ?

D.de G. : Nous accueillons ces annonces avec une grande satisfaction notamment lorsque le garde des Sceaux s’engage sur une nouvelle augmentation du budget de la justice, qui certes a déjà progressé, mais plus particulièrement dans le domaine de l’administration pénitentiaire qui en avait grandement besoin, avec le recrutement prévu de 1 500 nouveaux magistrats d’ici 2027. C’est très bien, mais c’est encore très peu. Il en faudrait beaucoup plus, notamment pour mettre en œuvre la réforme de la procédure civile, envisagée avec le développement de l’amiable.

La présence des assistants de justice au sein des juridictions ne peut remplacer celle de magistrats, même si elle constitue une aide incontestable. La modernisation des outils de la justice pour travailler dans de bonnes conditions est une nécessité. Le ministre annonce, par exemple, zéro papier à l’horizon 2030, nous en sommes extrêmement loin. Il y a beaucoup plus de numérisation dans les cabinets d’avocats que dans les juridictions. Les tribunaux ne sont pas aujourd’hui dotés d’équipements permettant d’atteindre le zéro papier.

Je ne suis pas sûre qu’en l’état, le règlement à l’amiable va réduire le temps du procès

LAL : Le développement du règlement à l’amiable que vous évoquez est l’un des axes phares de ce plan d’action destiné à réduire les délais dans les juridictions civiles. Cette orientation vous paraît-elle réaliste ?

D.de G. : Les avocats, bien entendu, sont favorables à la résolution des litiges par un accord qui entraîne la satisfaction des parties parce que la solution a été construite, consentie. L’accord, c’est la paix sociale. Mais, il n’est pas toujours possible ; il y a parfois des situations extrêmement conflictuelles. Le plan d’action du garde des Sceaux prévoyant le recours à l’amiable dans tous les litiges, avec une intervention du juge facilitant leur résolution, va nécessiter une augmentation du nombre de magistrats, parce que la mise en œuvre de cette nouvelle mission prendra beaucoup de temps.

Par ailleurs, alors que la juridiction dacquoise est en pointe sur les tentatives de médiation en cours de procédure, le constat aujourd’hui est qu’il y a beaucoup de tentatives, mais peu de succès. Les avocats sont à l’écoute des mesures qui seront mises en œuvre pour favoriser l’amiable, mais je ne suis pas sûre qu’en l’état, il va réduire le temps du procès.

LAL : Les avocats vont-ils jouer un rôle accru en matière de médiation ?

D.de G. : Les avocats sont déjà présents pour assister et représenter leurs clients dans le procès. Dans le cadre de l’amiable, le garde des Sceaux a insisté sur la présence nécessaire des avocats au côté de leur client. Je partage tout à fait ce point de vue : une partie ne peut donner un accord sur une solution d’un litige que si elle a été parfaitement éclairée sur ses droits. Dans le cadre d’un accord, on peut être amené à renoncer à certains de ses droits, à faire des concessions, mais il faut être informé sur ce à quoi on aurait pu prétendre avant d’y renoncer. Les avocats peuvent aussi intervenir comme conciliateurs ou médiateurs, et c’est une activité qui se développe notamment au travers de la chambre de médiation des Landes, émanation du barreau.

Une partie ne peut donner un accord sur une solution d’un litige que si elle a été parfaitement éclairée sur ses droits

LAL : Quel premier bilan tirez-vous du guichet unique destiné à remplacer tous les centres de formalités des entreprises, ouvert au 1er janvier sur le site de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) ?

D.B. : Nous constatons d’importants dysfonctionnements de cette plateforme dont on nous annonce qu’ils devraient être résolus d’ici fin février. Face aux difficultés rencontrées par ce guichet unique, une procédure de secours a été activée. Infogreffe qui était le site utilisé pour effectuer les démarches jusqu’au 31 décembre 2022, a rouvert une partie de ses activités.

Mais pendant cette phase transitoire le dépôt des comptes annuels doit, par exemple, être effectué en format papier. C’est un retour en arrière de plusieurs années. Si l’objectif à terme est de permettre aux particuliers et aux entreprises de saisir directement leurs formalités, ce dernier est loin d’être atteint aujourd’hui. Par ailleurs, pour les cas particuliers, Infogreffe permettait une relation de proximité et un contact qui n’existeront plus.

bâtonnat

© Patxi Beltzaiz

LAL : Les avocats avaient mené une grève sans précédent en janvier 2020 contre la remise en question de la caisse de retraite autonome de la profession. De nouveaux points d’alerte à propos de la réforme des retraites en cours de discussion au parlement ?

D.de G. : Nous avions effectivement été très mobilisés en 2020. Il était alors envisagé de supprimer la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), régime autonome de retraite des avocats. Les avocats ne comprenaient pas pourquoi ce régime bénéficiaire, quasiment exclusivement financé par les avocats aurait dû être supprimé. Notre position a porté ses fruits puisque la réforme des retraites en cours ne supprimera pas ce qui n’était, encore une fois, pas un régime spécial, mais une caisse autonome de retraite.

Pour autant, elle ne sera pas sans impact sur notre régime de retraite. Bien évidemment, l’allongement de la durée de travail va également toucher les avocats, mais très indirectement dans la mesure où peu d’avocats prennent leur retraite à 62 ans, mais plutôt en moyenne à plus de 65 ans.

La profession sera extrêmement attentive aux décrets d’application de la loi de réforme des retraites et aux modalités d’application. La CNBF ne manquera pas de faire part au gouvernement de ses propositions ou remarques. Certaines interrogations restent, par exemple, aujourd’hui en suspens : quelle sera l’assiette des cotisations ? Quel sera le sort de notre régime de réversion actuellement très favorable aux conjoints des avocats ?

La profession sera extrêmement attentive aux décrets d’application de la loi de réforme des retraites

LAL : Une réflexion est en cours sur l’extension du tribunal de Dax. Qu’en attendez-vous ?

D.de G. : Des projets d’extension du tribunal sont effectivement examinés sur les anciens locaux du centre communal d’action sociale ou bien de la Poste. Ils doivent être suffisamment grands et faciles à adapter pour répondre aux normes d’un palais de justice en termes de superficie, de bureaux affectés, de lieux de confidentialité, de sécurité. Il faudra que le bâtiment sur lequel la réflexion va être menée, puisse répondre, après travaux, à ces objectifs. Si ces décisions doivent être prises entre les services immobiliers de la Chancellerie et les bailleurs ou les propriétaires, une concertation aura aussi lieu avec le barreau.

LAL : Quels premiers projets comptez-vous mettre en œuvre au sein du barreau en 2023 ?

D.de G. : Nous projetons d’organiser à destination des confrères des ateliers traitant de notre exercice professionnel, comme la communication des avocats, le Règlement général sur la protection des données (RGPD), les outils numériques.

Nous allons très prochainement ouvrir le nouveau site internet du barreau de Dax, l’aboutissement d’un travail mené au cours de la précédente mandature, à l’initiative de mon prédécesseur Pierre-Olivier Dilhac, auquel avait activement participé Patrick Besse.

D.B. : Effectivement, nous avons profité d’un impératif technique pour restructurer notre site internet, avec toujours une information destinée au public, mais aussi un espace dédié aux avocats pour la communication intra-professionnelle et pour diffuser l’ information en interne. Au sein du conseil de l’Ordre, nous allons mettre en place une équipe communication qui se penchera notamment sur le volet numérique, et une équipe avocats d’entreprises pour réaffirmer notre volonté de participer à l’activité économique du territoire. Ces équipes sont ouvertes à l’ensemble des confrères et pas seulement aux membres du conseil de l’Ordre afin de favoriser l’émergence d’idées et créer les conditions favorables à leur concrétisation.

LAL : Que peut-on vous souhaiter pour ces deux années de mandat ?

D.de G. : J’espère que chaque avocat du barreau se sentira représenté et soutenu dans son exercice. Que les relations avec les confrères seront empreintes de tolérance et de bienveillance, pour que chacun se sente bien dans notre barreau sans pour autant oublier les valeurs de notre profession, dont nous surveillerons qu’elles soient respectées. Je suis certaine que nous continuerons à entretenir de bonnes relations avec les chefs de juridiction, fondées sur le dialogue et des échanges constructifs.