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Aidants : « Pour un véritable répit »

Alors que le nombre de personnes âgées dépendantes poursuit sa progression, les aidants familiaux jouent un rôle quotidien essentiel dans le maintien à domicile, parfois au prix de leur propre santé. Quelles solutions pour leur assurer des temps de respiration ? Le point avec Élisabeth Bocquet, chargée de mission régionale à la Carsat Aquitaine sur la thématique de l’aide aux aidants de plus de 55 ans.

© D. R.

Les Annonces Landaises : Près de 6 % des Landais remplissent aujourd’hui des fonctions d’aidant. Que recouvre exactement cette notion ?

Élisabeth Bocquet : Il s’agit de toute personne qui va apporter une aide effective à un proche dépendant, quel que soit le lien de parenté. Sur environ 23 600 aidants dans les Landes, plus des deux tiers ont plus de 55 ans, en large majorité des femmes. Au niveau national, 60 % d’entre eux continuent de travailler, un phénomène nouveau lié au recul de l’âge de départ à la retraite.

En tant que caisse de retraite, la Carsat s’adresse aux aidants retraités comme aux actifs de plus de 55 ans qui accompagnent en général des personnes âgées atteintes de pathologies neurodégénératives (maladie d’Alzheimer et maladies apparentées) bénéficiant de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) qui pour nous, marque la dépendance. Mais aussi des parents qui ont à domicile un enfant handicapé vieillissant.

LAL : Comment les aidants peuvent-ils être soutenus ?

E. B. : Tout le monde a bien compris aujourd’hui que l’aidant a vraiment besoin de temps de pause. Je pense que quand on est débordé par le travail d’abord, mais aussi par les émotions, et qu’on n’a pas de lieu pour souffler un peu, on peut devenir maltraitant sans le vouloir.

Le soutien aux aidants peut être multiforme. Il existe une aide institutionnelle de type accueil de jour, hébergement temporaire, très exceptionnellement un accueil de nuit pour la personne aidée, en général dans les Ehpad (Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes).

La Carsat a choisi d’orienter ses subventions vers les plateformes de répit qui permettent de libérer du temps pour les aidants, tout en maintenant l’aidé à domicile. Dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, cette formule est prise en charge par l’association Bulle d’air qui émane en grande partie de la MSA (Mutualité sociale agricole). Partout dans le département, elle intervient, gratuitement 50 heures par an, auprès de l’aidé pour que l’aidant vaque à ses occupations. Pour l’aidant qui doit déjà gérer les nombreux rendez-vous (kiné, aide à domicile, aide-soignant, infirmier, médecin…), on a voulu que le système soit le plus simple possible. Il suffit d’appeler, de dire « j’ai besoin de… » pour que la structure envoie quelqu’un et facture, sans dossier à remplir ni passer par une plateforme.

Des structures comme France Alzheimer proposent également des séjours de rupture aidant-aidé pour « partir en vacances » en compagnie de son aidé avec des bénévoles qui vont le prendre en charge pendant que l’aidant va pouvoir bénéficier d’une semaine de repos.

Pour un véritable répit, il est également important de mettre en place des dispositifs qui permettent à l’aidant de disposer de temps pour lui, sans avoir l’aidé avec lui. Dans le cadre de l’appel à projets annuel d’appui aux aidants (voir encadré), lancé par la Carsat Aquitaine avec la MSA, les porteurs de projet sont de plus en plus nombreux à se préoccuper de la prise en charge des aidés pendant les activités proposées. Toutes ces actions sur le « bien-être » peuvent apporter ce temps de pause, pour penser à soi, recharger les batteries et retourner auprès de son aidé dans de meilleures conditions. La preuve en est, quand on fait le bilan, les aidants qui y ont participé sont toujours très satisfaits, même s’il n’est pas toujours facile de les y amener.

« Quel que soit l’âge de l’aidant, il faudrait aller vers des aides financières plus conséquentes »

LAL : Des solutions existent-elles en entreprise pour libérer du temps pour les aidants salariés ?

E. B. : Plusieurs solutions sont, depuis peu, proposées aux aidants salariés : le congé de proche aidant, le congé de solidarité familiale, le congé de présence parentale… Mais, le congé de proche aidant, c’est trois mois maximum, limité à un an sur toute la carrière. Ces congés ne sont pas rémunérés et s’il est possible de bénéficier d’une allocation journalière, elle ne portera que sur 22 jours par an et sera limitée à 66 jours sur toute la carrière. C’est nettement mieux qu’avant et mieux que rien, mais encore très insuffisant.

On voit également poindre dans les entreprises le don de RTT par les collègues qui fonctionne. La loi propose aussi le compte épargne temps adopté en général par les grosses entreprises aux politiques sociales offensives, mais les petites entreprises ont plus de mal à le mettre en place.

Quand c’est possible, les salariés peuvent négocier avec leur employeur un aménagement d’horaires. La décision est laissée à la libre appréciation de celui-ci. Mais, on observe aujourd’hui un frémissement, d’autant plus remarquable quand le dirigeant a lui-même des parents ou des enfants qui rencontrent des problèmes importants.

Toutefois, l’ensemble de ces dispositifs implique une démarche du salarié auprès du service des ressources humaines pour expliquer sa situation, ce qui n’est pas toujours aisé.

LAL : Vers quoi serait-il opportun d’aller ?

E. B. : On s’attarde aujourd’hui sur les aidants de plus de 55 ans, mais un tiers des aidants a moins de 18 ans, et malheureusement, pour ces jeunes aidants de leurs propres parents, très peu de dispositifs existent.

Quel que soit l’âge de l’aidant, il faudrait aller vers des aides financières plus conséquentes. On s’aperçoit que certains accueils de jour, très souvent dans les Ehpad, ne sont pas remplis en raison du reste à charge conséquent, en fonction des ressources. Pour des raisons financières, un aidant va rarement être en mesure d’amener son aidé cinq jours sur cinq à l’accueil de jour. Si un plan d’aide de l’APA existe, il reste encore beaucoup de choses à prendre en charge pour apporter du soulagement à l’aidant.

Il faudrait peut-être aussi envisager des accueils plus souples, un peu une « halte-garderie » de la personne âgée dépendante, sans avoir besoin de remplir trois tonnes de dossiers.

Aujourd’hui, au-delà de tout ce que l’on entend sur les Ehpad en grande difficulté financière, on a aussi un gros problème sur les recrutements, aussi bien dans ces établissements que dans les structures d’aide à domicile qui n’arrivent pas à faire face à la demande. Il faut du personnel qualifié, bienveillant, une motivation pour ce métier d’aide à domicile. Un travail (forum, formations) est en cours sur l’attrait de ces métiers, mais on n’en voit pas encore les retombées, et il faut faire face.

« Envisager des accueils plus souples (…), sans avoir besoin de remplir trois tonnes de dossiers »

LAL : Tous les aidants acceptent-ils d’être aidés ?

E. B. : Il faut effectivement aussi tenir compte de la psychologie de l’aidant qui pense qu’il est la personne la plus adaptée pour s’occuper de son aidé. On a parfois du mal à faire entrer des tiers dans le foyer.

LAL : Quels sont ces freins ?

E. B. : Beaucoup ne se reconnaissent pas en tant qu’aidants. Pour les couples qui ont vécu ensemble très longtemps, ça fait partie du contrat de mariage. On assume… même quand on n’en peut plus. Pour les enfants, on est encore dans une philosophie où « on doit assistance à ses parents ». Avec aussi, quand il y a plusieurs enfants, l’aidant désigné qui trouve ça souvent injuste, mais qui se plie à la règle tacite. Avec les modifications de la société sur les structures familiales, ça va changer avec le temps, mais pour le moment, on n’en est pas là.

Numéro vert : 08 09 109 109 – Dispositif d’appui à la coordination des Landes

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APPEL À PROJETS EN FAVEUR DES AIDANTS

Les caisses de retraite de la Carsat Aquitaine et des MSA de la Gironde, de Dordogne-Lot et Garonne et Sud Aquitaine lancent chaque année un appel à projets d’aide aux aidants familiaux de plus de 55 ans, dédiés à la prévention des risques (santé, qualité de vie, rupture du lien social…). « L’idée est d’apporter du « bien-être » aux aidants. Ces projets prennent dans la plupart des cas la forme d’ateliers, de solutions de prise en charge de temps de répit par le biais de structures d’aide à domicile, de séjours aidants-aidés ou sont parfois ciblés sur l’alimentation », résume Élisabeth Bocquet, chargée de la thématique de l’aide aux aidants à la Carsat Aquitaine.

Deux dates limites de dépôt des dossiers : 31 juillet et 30 septembre 2024

ww.carsat-aquitaine.fr