Fin de mois et fin du monde : on a souvent opposé ces deux préoccupations des citoyens. À Escource, ces deux sujets ne sont pas antinomiques. Dans cette commune dont le modèle visant à l’autosuffisance énergétique est cité en exemple dans la France entière, ce que l’on nomme transition écologique n’est pas une expression vide de substance.
En effet, lorsqu’on explique à la population que ses impôts n’augmenteront pas, – ce qui est le cas depuis 2008 -, parce que les charges communales en matière d’énergie diminueront, et qu’il en sera de même, à terme, pour leur propre facture d’électricité, il est plus facile de l’entraîner vers des changements durables qui bénéficieront aux générations futures.
« Notre soleil, notre vent »
Ancien maire aujourd’hui adjoint, vice-président de la communauté de communes Cœur Haute Landes, Patrick Sabin a fait de la transition écologique un des moteurs de son engagement politique. Il situe la prise de conscience collective à 1999, lors de la tempête Klaus, avec l’arrivée sur la commune d’opérateurs exogènes, financés par des fonds de pension américains, qui s’intéressent à ces espaces dévastés pour y installer panneaux photovoltaïques et éoliennes. « Allions-nous laisser exploiter notre soleil et notre vent ? » D’autant que depuis 1993, l’Europe a décidé de libéraliser le marché du gaz et de l’électricité. Avec une poignée d’élus, il se rend en Saxe (Allemagne), à la découverte d’un modèle qui va les inspirer pour tendre vers l’autonomie énergétique. Et ce, bien avant que la guerre en Ukraine ne mette ces sujets à la une. Trop tôt peut-être, car à l’époque, Patrick Sabin se heurte au scepticisme de ses collègues élus. « Le seul qui m’a écouté, c’est Alain Rousset. » Le président de la Région Nouvelle-Aquitaine, plaidait d’ailleurs pour ce « laboratoire dont on puisse faire un démonstrateur en Nouvelle-Aquitaine », lors de sa visite à Escource, en janvier 2024.
La commune produit deux fois plus d’énergie qu’elle n’en consomme
Dès 2012, la commune est lauréate du premier appel à projets Tepos (Territoire à énergie positive). Elle met en place une charte qui non seulement vise à s’approprier la production d’énergie pour tendre vers l’autosuffisance via des énergies renouvelables, et donc à en maîtriser le coût, mais inclut aussi le citoyen dans les projets. La feuille de route est mise en œuvre avec des résultats probants. En 2008, la facture d’énergie d’Escource s’élevait à 58 000 euros ; elle est de 34 500 euros aujourd’hui, alors que la population a augmenté de 200 habitants. Panneaux photovoltaïques sur les bâtiments publics, batteries de stockage pour alimenter l’éclairage public. La nuit, grâce à des charges bidirectionnelles, ces mêmes véhicules serviront de réserves d’énergie. Deux nouvelles unités de production photovoltaïques vont être installées sur un bâtiment technique et un hangar agricole. La commune produit deux fois plus d’énergie qu’elle n’en consomme, couvre 100 % de ses besoins en éclairage public et 40 % des besoins énergétiques des bâtiments publics. Après avoir fait bénéficier les commerçants d’un tarif préférentiel, ce sont maintenant les habitants qui vont en profiter, pour peu qu’ils adhèrent à une coopérative citoyenne. Fini le gaz et le fioul pour le chauffage. « Aujourd’hui, on chauffe tous nos bâtiments avec de la plaquette forestière qu’on achète à Lesperon. Mais bientôt, on va utiliser nos propres ressources. On construit notre plateforme pour ça, pour travailler en économie circulaire. »
Choix politique
« Oui c’est passionnant car ce n’est jamais fini. Consommer le moins possible et être le moins possible dépendant du réseau : on y est presque arrivé », constate Patrick Sabin. Depuis 15 ans, Escource a donc montré que la transition écologique, ça fonctionnait et était source d’économies.
« On parle de nous parce qu’on est exemplaire en matière d’économie d’énergie, mais j’aimerais qu’on parle de nous parce qu’on est exemplaire sur la transition écologique », explique celui qui fait partie des 250 élus de Nouvelle-Aquitaine qui ont rejoint le réseau mis en place par l’Ademe en 2023 pour accélérer la transition écologique. « Car nous travaillons sur les déchets, sur un écoquartier, la limitation de la consommation de l’espace. C’est vrai que, quand vous pouvez dégager de l’argent, vous pouvez vous en servir de manière exemplaire. On travaille en circuit court, on a une cantine qui est pratiquement à 100 % bio. Nous préférons dépenser un peu plus pour que nos gamins mangent sainement, et économiser sur notre facture d’énergie. C’est un choix politique.