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Société civile immobilière et transmission patrimoniale

La société civile immobilière (SCI) constitue un outil puissant au service de la gestion de la transmission patrimoniale. Le point sur les avantages en fonction des situations et les précautions à respecter.

Jérémy RATELADE, collaborateur d’une étude notariale à Soorts-Hossegor immobilière

Jérémy RATELADE, collaborateur d’une étude notariale à Soorts-Hossegor © Patxi Beltzaiz

La transmission patrimoniale est un sujet crucial qui intéresse bon nombre de personnes. Cette transmission doit être anticipée lors de la construction du patrimoine et aussi lors de son évolution au fil des années.

Le conseil en la matière, prodigué le plus tôt possible, permettra d’éviter de lourdes et coûteuses restructurations patrimoniales. Le droit de la famille, le droit des sociétés ainsi que la fiscalité sont au cœur de cette transmission.

Parmi les solutions qui peuvent être apportées, la société civile immobilière (SCI) présente de nombreux avantages pour la gestion du patrimoine et pour sa transmission. Il existe également des inconvénients qui sont tous connus et identifiés.

ALTERNATIVE À L’INDIVISION

Le recours à la SCI est conseillé pour éviter l’indivision, et ainsi échapper aux risques de blocage qui la caractérisent. De même, la SCI supprime les aléas de l’action en partage qui appartient à chaque indivisaire. L’indivision est un état précaire puisque nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision. La SCI offre quant à elle une certaine stabilité notamment au regard des règles stipulées au sein de statuts.

En matière successorale, l’indivision présente aussi des limites puisque, en cas de décès d’un indivisaire, les héritiers de ce dernier deviendront automatiquement propriétaires du bien immobilier détenu par l’indivision. À l’inverse, la SCI permet d’assurer la conservation de l’unité du patrimoine. Les clauses d’agrément stipulées au sein des statuts permettront « d’évincer » juridiquement les héritiers en refusant qu’ils deviennent associés, sans pour autant qu’ils soient lésés sur le plan financier.

PROTECTION DES CONCUBINS

La SCI peut permettre de protéger des concubins qui ne souhaitent pas organiser leur union par le Pacs ou le mariage. Généralement, les concubins achètent leur résidence principale en indivision. Comme évoqué ci-dessus, au décès de l’un des concubins, le survivant se retrouve en indivision avec les héritiers du premier. Un testament peut prévoir que le concubin sera légataire de la succession, toutefois il devra s’acquitter de droits de succession au taux de 60 % après application d’un faible abattement égal à 1 594 euros.

Il faut savoir que le recours à la SCI permettra d’apporter une protection plus forte aux concubins qui ne souhaitent pas se Pacser, soit par le biais d’un démembrement croisé des parts de la société (acte d’échange de parts sociales en démembrement afin de permettre qu’au décès de l’un des concubins, le survivant puisse continuer à occuper le bien, sans ingérence des héritiers et sans taxation importante), soit par l’insertion d’une clause de tontine dans les statuts (chaque concubin sera juridiquement supposé être le seul propriétaire des parts depuis la souscription d’origine, mais à condition d’être le seul survivant). Ces deux techniques juridiques sont à mettre en œuvre avec l’assistance d’un professionnel.

AMÉNAGEMENT DU RÉGIME MATRIMONIAL

Le recours à la SCI peut également permettre à des époux ou des partenaires de Pacs de modifier le régime applicable aux biens qu’ils possèdent sans avoir à changer leur régime matrimonial. Encore une fois, les statuts de la société viendront répondre aux objectifs de chacun. Les hypothèses sont nombreuses et pourront varier en fonction de chaque situation.

Dans la majorité des cas, il sera nécessaire d’étudier l’opportunité de constituer une SCI lorsqu’un investissement immobilier est envisagé.

Toutefois, il ne faut pas systématiser et constituer des SCI à la chaîne. En effet, une vigilance particulière sera accordée par les associés de la SCI lorsque cet investissement porte sur le logement familial, notamment en matière d’impôt sur la fortune immobilière (IFI) ou de droits pour le conjoint survivant.

TRANSMISSION AMÉLIORÉE DU PATRIMOINE

La technique du démembrement de propriété combinée avec la constitution d’une SCI permet de transmettre son patrimoine, tout en gardant la maîtrise juridique et financière de celui-ci. Les donateurs pourront conserver la perception des revenus éventuels et

aussi le pouvoir de décision, notamment sur la vente du ou des biens détenus par la SCI. Pour ce faire, la rédaction des statuts devra être précise et adaptée. Aussi, la SCI sera un moyen de transmettre le patrimoine à moindre coût, puisque la transmission portera sur les parts sociales et non sur le bien immobilier en direct. Or, le simple fait qu’un bien immobilier soit détenu à travers une SCI permet d’opérer une décote sur la valeur de ce patrimoine. De plus, afin d’évaluer les parts sociales objet de la transmission, il conviendra de prendre en compte le passif social de la SCI. La transmission est donc automatiquement optimisée.

AVANTAGE FISCAL

La constitution d’une SCI peut, dans certaines situations, procurer un avantage fiscal. Elle peut permettre de choisir le meilleur régime fiscal applicable à son projet, dont notamment l’option possible à l’impôt sur les sociétés. Dans certains cas, cette option peut permettre de diminuer le taux d’imposition des revenus locatifs et augmenter par là même la capacité à financer de nouveaux investissements. Elle permet aussi de pratiquer une décote sur la valeur du patrimoine, ce qui parfois n’est pas négligeable en matière de donation, de succession ou encore pour le calcul de l’IFI. Il faut néanmoins noter que l’éventuel avantage fiscal procuré par la SCI ne peut être la seule raison de sa constitution, sous peine d’être remise en cause sur le terrain de l’abus de droit.

Outre les nombreux intérêts évoqués, il faut savoir que l’opportunité de constituer une SCI n’est pas systématique et nécessite l’analyse préalable d’un professionnel. Cette analyse, la rédaction des statuts adaptée au projet, puis les formalités nécessaires à l’immatriculation de la SCI sont toutes des étapes importantes et techniques, que votre notaire peut vous aider à franchir.

LA SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE

L’article 1832 du Code civil précise que la société civile immobilière « est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue d’en partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter… »

Plus particulièrement, cette structure juridique sera constituée afin de gérer un ou plusieurs biens immobiliers.

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