Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Reconfinement : Le ras-le-bol des entrepreneurs

Inquiétudes des entreprises landaises face au reconfinement, mesures sur le commerce, négociations sur le télétravail… Le point avec Christian Laffont, président du Medef des Landes qui compte près de 400 adhérents directs, dont 80 % de TPE, PME et artisans, représentant 20 000 salariés.

entrepreneur reconfinement

Christian Laffont, Président du Medef des Landes et fondateur du groupe Action Sécurité, à Saint-Geours-de-Maremne

Les Annonces Landaises : Comment les entreprises landaises abordent-elles le reconfinement, mis en place par le gouvernement le 30 octobre dernier pour contenir l’épidémie de Covid-19 ?

Christian Laffont : Nous ne sommes pas dans le même cadre de confinement qu’au printemps. Depuis la première vague, tous les employeurs se sont équipés de matériel et ont mis en place des procédures obligatoires permettant d’enrayer ou de limiter la propagation du Covid-19 pour protéger leurs salariés et leurs clients.

 

LAL : Quels sont les secteurs d’activité landais les plus inquiets face à cette deuxième vague de confinement ?

L. : Les entreprises de l’hôtellerie, des services, de l’immobilier sont dans une souffrance majeure. Les établissements thermaux ont dû fermer, alors qu’entre les contraintes sanitaires normales de l’activité thermale et les mesures supplémentaires liées au Covid, la sécurité a été extrêmement renforcée, et qu’aucun cluster n’est apparu dans un établissement thermal. Cette année, le secteur a travaillé à environ 30 % de sa fréquentation habituelle. Sur l’agglomération dacquoise, on est passé de 65 000 curistes par an à 20 000. Avec un panier moyen de 2 000 euros par curiste, cette chute de fréquentation a des répercussions sur l’ensemble de l’économie locale.

 

LAL : La fermeture des commerces dits « non essentiels » génère de nombreux débats dans les Landes, comme ailleurs en France. Qu’en pensez-vous ?

L. : La fermeture des petits commerces, déjà en difficulté à l’année et qui réalisent dans leur majorité 85 % de leur chiffre d’affaires entre le 1er novembre et le 15 décembre, suscite une incompréhension totale. La grande distribution dans la mesure où ses rayons alimentaires sont de première nécessité, mais aussi le bricolage, la vente de matériel informatique restent ouverts, et plus il y aura de secteurs ouverts, mieux ce sera. L’annonce du Premier ministre, le 1er novembre, de la fermeture dans les grandes surfaces des rayons de produits déjà interdits dans les commerces de proximité est une absurdité. Les entreprises de la grande distribution sont des entreprises françaises, avec des emplois locaux et payant leurs impôts en France. Ce sont les géants de l’e-commerce qui ne payent pas d’impôts chez nous et qui n’ont jamais gagné autant d’argent qui en sortent gagnants.

 

LAL : Considérez-vous que le développement du click and collect dans les petits commerces peut être une solution ?

C. L. : Le click and collect peut amortir la crise pour les magasins intermédiaires comme les enseignes de sport ou celles des galeries marchandes… Pour les

TPE, il ne changera rien. Il nécessitera de déployer des moyens humains pour peut-être quelques dizaines ou centaines d’euros par jour. Le bonus va aux Gafas, et le click and collect n’est qu’un lot de consolation pour les TPE.

Baisser les bras n’est pas dans la culture d’un chef d’entreprise

LAL : Alors qu’Emmanuel Macron a appelé à généraliser le télétravail, les organisations patronales et syndicales ont entamé, le 3 novembre, une négociation pour en fixer les cadres. Quels en sont selon vous les enjeux ?

L. : Entre 25 % et 30 % des salariés sont concernés par le télétravail qui constitue une bonne solution pour lutter contre la pandémie en réduisant les contacts. Certains secteurs d’activité ne fonctionnent même qu’en télétravail en ce moment. Quelle est la bonne mesure ? À domicile, le salarié ne travaille pas dans les mêmes conditions qu’au bureau, où le document unique (DU) incite à la mise en place de sièges ergonomiques à une certaine hauteur, d’écrans d’une certaine dimension, d’imprimantes professionnelles… Au cœur de cette négociation, figure notamment la demande des organisations salariales aux entreprises d’acheter en totalité ou en partie le matériel nécessaire à l’activité des personnes en télétravail. Le chef d’entreprise multiplierait alors quasiment par deux ses charges de fonctionnement directes, alors que c’est une contrainte que l’on nous impose. D’autant plus qu’à l’issue du premier confinement les retours étaient partagés sur le télétravail, aussi bien du côté des salariés que des chefs d’entreprise. Le télétravail n’est pas une science exacte.

 

LAL : Un message d’espoir néanmoins ?

L. : Au-delà de cette crise sanitaire, il y a un vrai ras-le-bol des entrepreneurs. Il y a une telle souffrance morale que certains envisagent d ’arrêter. Or, baisser les bras n’est pas dans la culture d’un chef d’entreprise. J’ai envie de leur dire : ne restez pas seul, isolé. Les décisions que l’on prend seul sont rarement les bonnes. Dans un réseau, le problème de l’un a déjà été rencontré par d’autres qui ont pu trouver des solutions.

Cela fait quasiment 10 ans qu’avec les séries d’attentats, les chefs d’entreprise ont dû se prémunir contre le terrorisme, notamment dans l’industrie, les grandes surfaces, ou les manifestations qu’ils organisent. Aujourd’hui, nous sommes aussi face à une guerre sanitaire, dont les chefs d’entreprise paient les pots cassés. Nous aurons encore des investissements à faire et des organisations à mettre en place, mais nous apprendrons à vivre avec, comme nous avons malheureusement dû apprendre à le faire face au terrorisme.