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Pass sanitaire : Nouveau casse-tête pour les RH ?

Le pass sanitaire applicable depuis le 9 août 2021 dans certains secteurs et activités est désormais exigible depuis le 30 août auprès des salariés qui y sont employés.

pass sanitaire rh

© Shutterstock – Iryna Inshyna

Quelles entreprises et quels salariés sont concernés ? Comment le contrôle du pass sanitaire devra-t-il être effectué et quelles conséquences l’employeur devra en tirer en cas d’absence de présentation ? Les RH ont fort à faire en cette rentrée 2021 pour se mettre en conformité avec ces nouvelles dispositions tout à fait inédites dans l’entreprise.

Champ d’application du pass sanitaire

Le pass sanitaire consiste en la présentation numérique ou papier d’une preuve sanitaire parmi les trois suivantes :
– La vaccination, à condition de disposer d’un schéma vaccinal complet ;
– Le résultat négatif d’un test virologique datant de moins de 72 heures, étant précisé que dans ce cas l’heure précise du prélèvement et non du résultat sera pris en compte pour la durée de conformité au titre du pass sanitaire ;
– Le résultat d’un test PCR et antigénique positif attestant du rétablissement de la covid-19 datant d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois.

Si le salarié dispose d’une contre-indication médicale à la vaccination, un document médical attestant de ce fait pourra être présenté à la place de ces documents. Cependant, les contre-indications médicales qui ont été reconnues sont extrêmement limitatives et peu nombreuses et cette disposition ne devrait concerner qu’un nombre très limité de personnes dans le pays. Les salariés relevant de cette situation n’auront pas un pass sanitaire leur permettant de garantir une certaine confidentialité sur leur statut vaccinal et devront informer leur employeur qu’ils sont dans l’impossibilité de se faire vacciner. Par ailleurs, ils travailleront sans être soumis à des tests ce qui peut poser des difficultés par rapport à leurs collègues. Les lieux et évènements concernés par le pass sanitaire sont les suivants :

Lieux d’activités de loisirs :

– Salle d’audition, de conférence, de projection, de réunion,
– Salle de concert et de spectacle,
– Cinéma,
– Musée et salle d’exposition temporaire,
– Festival,
– Événements sportifs (manifestations sportives amateurs en plein air),
– Établissements sportifs clos et couverts,
– Établissements de plein air,
– Conservatoire,
– Salle de jeux, escape game, casino,
– Parcs zoologiques, parcs d’attraction et cirques,
– Chapiteaux, tentes et structures,
– Foires et salons,
– Séminaires professionnels de plus de 50 personnes lorsqu’ils ont lieu dans un site extérieur à l’entreprise,
– Bibliothèque,
– Manifestation culturelle organisée dans les établissements d’enseignement supérieur,
– Fête foraine comptant plus de 30 stands ou attractions,

– Navire et bateau de croisière avec restaurant et hébergement,
– Tout événement culturel, sportif, ludique ou festif organisé dans l’espace public ou dans un lieu ouvert au public susceptible de donner lieu à un contrôle de l’accès des personnes,

Lieux de convivialité :

– Discothèques, clubs et bars dansants,
– Bars, cafés et restaurants à l’exception des cantines, restaurants d’entreprise, ventes à emporter et relais routiers, ainsi que lors des services en chambre et les petits déjeuners dans les hôtels.

Transports publics :

Transports de longue distance, à savoir les trains, réservations par exemple TGV, vols nationaux ou encore les cars interrégionaux.

Grands centres commerciaux supérieurs à 20 000 m2 :

Selon une liste définie par le Préfet du département, là où la circulation du virus est très active et en veillant à garantir l’accès aux transports parfois compris dans les centres ou l’accès aux biens de première nécessité par l’existence d’une solution alternative au sein du bassin de vie. En ce qui concerne cette dernière catégorie, un certain nombre de centres commerciaux de la région bordelaise ont été concernés par cette obligation, il est à noter que plusieurs arrêtés préfectoraux en France viennent d’être annulés par les tribunaux en raison de l’absence de garantie pour le public de l’accès aux biens de première nécessité (tels que les commerces alimentaires ou les pharmacies se trouvant à l’intérieur de ces centres commerciaux).

Ces premières décisions judiciaires risquent de mettre à mal les éventuels arrêtés préfectoraux. L’application du pass sanitaire vise de manière très large les professionnels intervenant dans ces différents lieux puisque sont concernés depuis le 30 août 2021 : les salariés, bénévoles, prestataires, intérimaires, sous-traitants, qui interviennent dans les établissements.

Les seules exceptions, qui sont envisagées dans le questions/réponses du ministère du Travail sont les suivantes :
– Lorsque ces personnes interviennent dans des espaces non-accessibles au public (exemple bureaux). Bien que cela ne soit pas visé par la Circulaire du ministère, d’autres lieux pourraient être envisagés à ce titre : des espaces de stockage, de dépôt, les cuisines ? Cette exception va nécessairement poser des difficultés d’interprétation quant à son périmètre. Par ailleurs, le fait d’exercer son activité dans un lieu non-accessible au public suffit-il à exonérer le salarié du pass sanitaire, quand bien même il utiliserait des sanitaires, une cuisine ou un ascenseur en commun avec des salariés concernés par le pass ?
– Lorsque ces personnes interviennent en dehors des horaires d’ouverture au public.
– Enfin, il est expressément visé la situation des personnels qui effectuent des livraisons et qui ne sont pas soumis à l’obligation du pass sanitaire, ainsi que les professionnels qui doivent intervenir en urgence. Il s’agit des travaux urgents qui sont nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise et qui doivent être exécutés de manière immédiate.

Si le salarié dispose d’une contre-indication médicale à la vaccination, un document médical attestant de ce fait pourra être présenté à la place du pass

 

Casse-tête RH

© Shutterstock – Marina Andrejchenko

 

Cette dernière exception risque de poser des difficultés dans le cadre de son interprétation car un certain nombre d’interventions nécessaires pourraient ne pas être qualifiées d’urgentes, mais sans pouvoir non plus être reportées trop longtemps. Étant donné que ce sont les seules exceptions qui sont envisagées, il semble donc que tous les autres intervenants professionnels quels qu’ils soient, devraient être concernés par le pass sanitaire et l’entrée devrait leur être refusée s’ils ne le montrent pas.

Une entreprise qui n’est pas concernée par le pass sanitaire peut-elle l’exiger auprès des intervenants dans ses locaux ?

Il semble que plusieurs entreprises qui ne sont pas soumises à l’obligation de justifier d’un pass sanitaire aient demandé aux salariés des prestataires qui interviennent chez elles d’en justifier. Cette position est abusive, dans la mesure où il est formellement interdit de réclamer un pass sanitaire dans les situations qui ne sont pas visées par la loi et que cela constitue une infraction pénale. Cependant dans le cadre de relations commerciales, il pourrait être très difficile de ne pas s’y plier en prenant alors le risque de se mettre en faute à l’égard de ses propres salariés.

 

À quel moment pourra être exigé le pass sanitaire ?

De manière curieuse, la Circulaire du ministère du Travail précise que lors d’un recrutement, l’employeur devra informer le candidat que le poste en question requiert l’existence d’un pass sanitaire valide. En revanche, le contrôle effectif du pass sanitaire ne se ferait que le jour de la prise de poste. Une telle disposition peut avoir des conséquences dommageables pour l’employeur qui ne serait informé de l’absence de pass sanitaire que le jour de la prise de poste à une heure où il sera difficile de s’organiser pour remplacer le salarié nouvellement recruté.

Malgré la position du ministère, il semble possible de demander une justification concernant le pass sanitaire dès l’entretien de recrutement afin d’éviter une perte de temps et une désorganisation éventuelle de l’entreprise. Il n’empêche que le pass sanitaire peut être valable le jour du recrutement et pas le jour de la prise de poste ou ultérieurement, mais cela permettra de limiter le nombre de cas litigieux.

Contrôles du pass au moment de l’embauche

En effet, concernant les diplômes, un agrément, l’extrait de casier judiciaire ou d’autres documents qui conditionnent la prise de poste, il a été jusqu’à présent toujours admis que l’employeur s’assure que le salarié candidat remplit les conditions pour occuper le poste dès l’entretien de recrutement. Par ailleurs, le contrôle du pass sanitaire devra être réalisé au moment de l’embauche et avant d’accéder au lieu de travail chaque jour de travail.

Le pass sanitaire peut être valable le jour du recrutement et pas le jour de la prise de poste

Cela peut poser des difficultés concernant les salariés qui seraient travailleurs isolés ou qui auraient des horaires décalés. Pour les salariés vaccinés qui ont donc un pass sanitaire qui sera valable de manière plus pérenne, il sera possible afin d’éviter les contrôles inutiles tous les jours et si le salarié le souhaite, que l’employeur soit informé du statut vaccinal du salarié.

Conséquences de l’absence de pass sanitaire sur le contrat de travail

En cas de refus de présenter ces justificatifs relatifs à la détention du pass sanitaire, le salarié ne peut plus exercer son activité. Il peut proposer à son employeur de bénéficier de jours de repos ou de jours de congés payés sans que l’employeur ne soit tenu de l’autoriser et sans que le salarié ne soit obligé d’effectuer cette demande.

Régulariser la situation

À défaut de trouver une solution, l’employeur est tenu de suspendre le contrat de travail du salarié ainsi que sa rémunération jusqu’à la régularisation de sa situation. Si cette situation dure plus de 3 jours, l’employeur sera tenu d’organiser un entretien lors duquel seront examinés les moyens de régulariser cette situation. Si l’employeur n’est soumis qu’à une obligation de moyen et pas de résultat, il semble vraiment nécessaire qu’il envisage les possibilités d’aménager le poste de travail du salarié ou de modifier ses conditions de travail, de sorte qu’il ne soit pas en contact avec le public ou n’exerce pas, si c’est possible, pendant les horaires d’accès au public afin qu’il ne soit pas tenu de présenter un pass sanitaire.

Entretien préalable

La convocation à cet entretien préalable n’a pas à respecter un formalisme particulier mais afin de se ménager une preuve, l’employeur aura tout intérêt à respecter les formes habituelles en la matière, à savoir utiliser la lettre recommandée avec accusé de réception ou la lettre remise en main propre contre décharge voire un envoi par mail exceptionnellement. Par ailleurs, il est fortement conseillé de retranscrire par écrit la tenue et les échanges menés lors de l’entretien. Il semble que lors de cet entretien, l’employeur n’a pas à convaincre le salarié de se faire vacciner, mais uniquement d’envisager les solutions pour qu’il puisse continuer à exercer ses fonctions tout en permettant à l’entreprise de se conformer à la Loi. Si l’entretien a lieu en présentiel, il devra s’effectuer en dehors des locaux soumis au pass sanitaire, mais il pourra également se tenir en visioconférence. Il est précisé qu’en cas de blocage, et si le salarié persiste dans son refus de présenter un pass sanitaire sans qu’aucune autre solution ne soit présentée, les procédures de droit commun concernant le contrat de travail peuvent s’appliquer.

Rupture éventuelle du contrat de travail

Se pose ainsi la question de la rupture éventuelle du contrat de travail du salarié pour ce motif. Le projet de loi prévoyait initialement une possibilité d’engager une procédure de licenciement pour défaut de présentation d’un pass sanitaire obligatoire à l’issue d’une suspension de deux mois du contrat de travail. Cette disposition a au final été retirée du projet de loi. Par ailleurs, le Conseil Constitutionnel a sanctionné la rupture anticipée des CDD qui avait été maintenue. Ainsi, les textes ne prévoient pas actuellement une rupture automatique du contrat de travail en raison de l’absence de présentation d’un pass sanitaire. En revanche, la ministre du Travail a précisé lors de plusieurs communiqués que la rupture du contrat de travail pourrait néanmoins être envisagée.

Plusieurs motifs semblent possibles :

  • L’absence du salarié qui perdure et qui désorganise fortement l’entreprise nécessitant un remplacement définitif sur son poste de travail dans les limites éventuelles des dispositions de la Convention Collective applicable ;
  • Le fait que le salarié ne puisse pas exécuter ses tâches faute de disposer de documents obligatoires l’y habilitant (des cas similaires existent déjà concernant le permis de conduire ou le fait de disposer d’un agrément pour exercer certaines activités).

Obligation de présenter un pass sanitaire limitée au 15 novembre

Ces motifs de licenciement inédits seront appréciés d’une manière imprévisible par les juges, d’autant plus que l’obligation de présenter un pass sanitaire est pour l’instant limitée au 15 novembre prochain. Il pourrait être reproché à l’employeur d’avoir tiré des conséquences définitives d’une impossibilité temporaire d’exécuter le contrat de travail. Il peut aussi être plus prudent pour l’employeur de maintenir la suspension du contrat de travail sans rémunération en attendant l’évolution de la situation sanitaire, surtout dans les secteurs où il existe une pénurie de main d’œuvre et où un recrutement de personnel compétent sera difficile. De nombreux contentieux sont à prévoir dans le cadre de relations déjà tendues et face à certains salariés qui risquent de camper sur leurs positions et ne rien lâcher.

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