Quand on demande à un éleveur de volailles quelle partie de son travail il aime le moins, la réponse est quasi unanime : aller fermer les cabanes le soir. Élevées en totale liberté le jour, les volailles fermières des Landes sont enfermées dans leur poulailler la nuit pour les protéger des prédateurs. La plupart les rejoignent d’ailleurs spontanément dès que le soleil se couche. Mais certaines traînent la patte. La présence humaine est donc indispensable pour s’assurer qu’elles aient toutes rejoint leurs pénates avant de verrouiller les bâtiments.
« L’hiver, passe encore. Mais l’été, avec les journées plus longues, c’est quelque chose qui impacte la qualité de vie des éleveurs, note Laetitia Domange, directrice du développement du pôle agricole de Maïsadour. S’ils sont invités à manger chez des amis, ils sont obligés de s’absenter pendant une heure entre l’entrée et le plat principal pour aller rentrer les animaux. C’est vraiment pénible. »
Cette contrainte freine l’attractivité du métier. Or la filière doit faire face au défi du renouvellement des générations. Elle cherche donc depuis longtemps à simplifier cette étape. La solution pourrait venir d’une innovation qui n’a initialement pas du tout été pensée pour le milieu agricole : le robot chien d’Evotech.
Des JO aux poulaillers
Installé à Domolandes à Saint-Geours-de-Maremne, le groupe créé par Anthony Gavend en 2014 est orienté vers l’intelligence artificielle, la robotique et les drones. Avec ses filiales (Shield Robotics, Lumaworks, The Skylanders, Namaka et Korobo), il développe toutes sortes de projets technologiques. C’est notamment à lui qu’on doit le Helper, ce drone qui aide aux procédures de sauvetage en mer, en déposant une bouée autogonflable à proximité d’une personne en difficulté.
Depuis un an et demi, Evotech développe des robots chiens. « À la base, nous les avons pensés pour le domaine militaire et la sécurité », indique Anthony Gavend. D’ailleurs, les robots landais ont assisté les équipes de démineurs lors des Jeux olympiques de Paris. « Grâce à leurs capteurs intégrés, ils sont envoyés sur les colis suspects en premier pour les étudier et détecter un éventuel danger. »
C’est en présentant le concept lors d’un événement de networking en juin dernier que le rapprochement avec Maïsadour s’est fait. « Lorsque j’ai vu le robot chien, je suis allée voir Anthony pour lui demander s’il ne pourrait pas rentrer les poulets ! », sourit Laetitia Domange. Et ce qui partait comme une boutade s’est rapidement transformé en test grandeur nature sur le terrain.
Sur le marché à l’été 2025
Le 8 août dernier, Bernard Tauzia, président des producteurs de volailles de chair de Maïsadour, a accueilli un robot chien sur son exploitation, à Campagne. Piloté par Anthony Gavend, c’est lui qui a rentré les poulets de l’éleveur, à la nuit tombée. « Au début, j’étais sceptique, avoue Bernard Tauzia. Mais c’est une vraie bonne surprise. Il parvient à ramener les poulets et à les faire entrer dans les cabanes. » « Pour être tout à fait honnête, j’étais aussi sceptique que l’éleveur, reconnaît Anthony Gavend. Je craignais que les poulets aient peur du robot. Mais finalement, pas du tout. L’essai a été concluant. »
À tel point que Maïsadour et Evotech ont décidé de co-développer le robot chien pour le rendre autonome. Les deux partenaires l’ont annoncé dans le cadre de la Ferme du futur, le 12 septembre dernier à Carcarès-Sainte-Croix. « L’idée est de décharger les éleveurs de cette contrainte, reprend Laetitia Domange. C’est une révolution en devenir, avec à la clef un réel gain de temps pour les producteurs et davantage de confort de travail. »
Avant cela, un gros travail d’apprentissage et de programmation sera nécessaire. « On s’est fixé pour objectif de le mettre sur le marché à l’été 2025 », indique Anthony Gavend. Côté tarif, le prix d’un robot chien est d’actuellement 10 000 euros. « Mais si la demande est suffisante, avec l’effet de masse, on pourrait faire baisser le prix autour de 5 000 euros pièce. »
D’autres usages pour le robot chien
Il n’y a pas que le groupe coopératif Maïsadour qui est intéressé par le robot chien d’Evotech. Cet été, les vacanciers ont pu le côtoyer sur les plages du littoral aux couleurs de La Charette landaise ! L’entreprise de vente ambulante de glaces et confiseries en a fait un élément de communication. Mais la finalité de celui qu’elle a renommé Robert sera de vendre des beignets en haut des plages, grâce à sa patte amovible.
Par ailleurs, Evotech travaille avec « de grands groupes internationaux » pour utiliser le robot chien dans un domaine plus classique : la sécurité et la gestion d’entrepôts.