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Ganaderia de Maynus – La course landaise au féminin

SAINT-SEVER. Au décès de leur père en 2015, Céline et Chrystel Brettes ont repris la ganaderia familiale au pied levé. Depuis, elles perpétuent la tradition avec passion.

Ganaderia

Céline (à gauche) et Chrystel Brettes dirigent la ganaderia de Maynus depuis fin 2015. © Ganaderia de Maynus

Le monde de la course landaise est majoritairement masculin. En piste, les écarteuses et les sauteuses sont rares. Les cheffes de cuadrilla se comptent sur les doigts d’une seule main. Et le terme ganadère s’accorde très rarement au féminin. Pourtant, à Saint-Sever, la ganaderia de Maynus fait exception puisqu’elle est dirigée par deux femmes : les sœurs Céline et Chrystel Brettes.

« C’est notre père, Christian, qui l’a créée dans les années 1980, raconte Céline Brettes. Au départ, il n’avait que quelques vaches. Puis il a agrandi le troupeau et, dans les années 1990, il a monté une cuadrilla de seconde. » Course landaise, jeux avec vachettes, encierro, capeas et becerradas… la ganaderia organise toutes sortes de spectacles taurins dans les villages alentour à la demande des associations et des comités des fêtes.

Le décès de Christian Brettes, en octobre 2015, aurait pu mettre un terme à l’aventure. « Ma sœur et moi, nous étions impliquées dans la ganaderia, mais seulement de loin. Nous travaillons toutes les deux en dehors de l’élevage. Alors, la question d’arrêter s’est posée, évidemment. Mais des engagements avaient été pris pour la saison 2016. On n’a pas voulu laisser les gens sans rien et on a décidé de continuer. Neuf ans plus tard, on est toujours là ! »

UN ENGAGEMENT BÉNÉVOLE

Chrystel s’occupe de la partie administrative et des visites de la ganaderia proposées aux vacanciers durant la saison estivale. Céline, de son côté, suit la cuadrilla. Ensemble, elles s’occupent du troupeau d’un peu plus de 130 animaux, largement soutenues par le beau-frère de Chrystel, qui est agriculteur, et par le compagnon de Céline. « Nous continuons à travailler toutes les deux en dehors de la ganaderia. Les recettes générées par la location du bétail pour les spectacles et les visites permettent d’entretenir les animaux, mais pas de salarier qui que ce soit. Si nous devions payer quelqu’un, ça ne fonctionnerait pas. »

C’est la passion des coursières qui maintient la ganaderia debout. « Comme tout le monde, on a des moments de doute. Mais dès qu’on entend la Cazérienne au bord de la piste, on est reparti. Et quand la saison est lancée, de mai à octobre, on ne s’arrête plus. »

Ganaderia

Avec sa cuadrilla, la ganaderia de Maynus assure une vingtaine de courses landaises de mai à octobre. © Marie-Anaïs Baché

PASSION FAMILIALE

Des doutes, pourtant, il y en a eu beaucoup pendant la crise du Covid durant laquelle le nombre de spectacles a fortement diminué. « On a traversé deux années très compliquées financièrement. Heureusement, nous avons pu bénéficier d’aides qui nous ont permis de conserver le cheptel au complet. » La cuadrilla, composée de six écarteurs, un sauteur et deux hommes en blanc, a également été maintenue.

Céline reconnaît que sa légitimité dans un univers d’hommes n’est pas toujours reconnue. « Les gens ont tendance à s’adresser aux hommes de l’équipe en priorité. C’est un peu énervant. Heureusement, notre père a tracé le chemin et les gens nous connaissent. » La ganaderia continue ainsi de se produire dans de nombreuses arènes. Et lors du mercato, de nouveaux acteurs de la course intègrent la cuadrilla chaque année. La jeune Salomé Odé, seule sauteuse sur le circuit, a d’ailleurs rejoint l’équipe cette saison.

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Le troupeau compte environ 130 vaches qui vivent en liberté sur les 35 hectares du domaine. © Ganaderia de Maynus

Cette dynamique est indispensable pour assurer la pérennité de la ganaderia. Afin de faire rentrer l’argent nécessaire pour soigner les bêtes, Céline et Chrystel Brettes tentent de diversifier les prestations. En plus de la vingtaine de courses assurées chaque été et des visites de l’élevage assurées tous les mercredis après-midi en juillet et en août, elles proposent des locations de salles sur la propriété. Fin octobre, elles organisent également une journée autour des ferrades, tradition festive pendant laquelle le bétail est marqué au fer rouge.

Perpétuer l’œuvre de leur père s’est imposé à elles. Mais elles semblent bien décidées à continuer coûte que coûte. Et la relève est peut-être déjà assurée, car la passion coursayre coule définitivement dans les veines familiales. Le fils aîné de Céline, âgé de 21 ans, est lui-même écarteur. Et son petit dernier de cinq ans se verrait bien suivre le même chemin.