Au cœur du Bas-Armagnac landais, Corinne Lacoste a de l’espoir en regardant ses vignes. Les sarments sont chargés de belles grappes de raisins. « Une jolie récolte s’annonce. » Après deux années de gel et une année de grêle, un rendement « normal » serait le bienvenu. Restent quelques semaines à patienter avant de lancer les vendanges, en espérant que la météo sera clémente d’ici là.
Depuis 24 ans, comme ses parents avant elle, l’agricultrice exploite une vingtaine d’hectares de vignes sur le Domaine de Laubesse, à Hontanx. Elle y produit de l’armagnac, évidemment, mais également du Floc de Gascogne.
Dans le Sud-Ouest, environ 120 vignerons produisent cet apéritif traditionnel, dont la recette remonte au XVIe siècle. 75 % d’entre eux sont installés dans le Gers. Dans les Landes, ils sont tout juste une dizaine. Mais au Domaine de Laubesse, on en produit depuis toujours. Et depuis 1976, date de la création du nom « Floc de Gascogne », on le commercialise.
2/3 DE JUS DE RAISIN ET 1/3 D’ARMAGNAC
Cinq hectares de vignes labellisées Haute valeur environnementale sont d’ailleurs consacrés uniquement à sa production. « Pour le Floc blanc, nous cultivons les cépages ugni blanc, colombard et gros manseng ; et pour le rosé, cabernet franc, merlot et cabernet sauvignon. »
Dès janvier et jusqu’à la mi-août, la viticultrice travaille dans le vignoble. « Après la taille, on fait tomber les bois et on lie les vignes. Au printemps, on relève les fils pour qu’elles restent bien droites et que les feuilles bénéficient d’un maximum d’ensoleillement. La phase de rognage intervient au mois de juillet. Il s’agit de couper les longues tiges qui dépassent. »
En septembre arrive « la récompense du vigneron » : les vendanges. « C’est là qu’on voit si on a bien travaillé ! » Les grappes sont cueillies « à l’équilibre de maturité pour donner un jus de raisin frais et très parfumé ». Les cépages blancs sont pressurés pour en obtenir le moût, tandis que les cépages rouges sont macérés pendant 48 heures pour en extraire la couleur.
Les jus sont ensuite mis au frais, avant l’étape du mutage : l’assemblage avec l’armagnac distillé l’année précédente. Les proportions sont strictes : 2/3 de jus de raisin pour 1/3 d’armagnac, le tout produit sur l’exploitation.
« La recette semble simple. Mais elle demande beaucoup de sérieux et de rigueur pour conserver les arômes. » Le mélange est ainsi régulièrement brassé puis laissé au repos jusqu’en mars de l’année suivante, où après filtration, il peut être embouteillé et commercialisé. La capsule estampillée AOC et AOP garantit aux consommateurs qu’ils s’apprêtent à déguster un produit sous signe officiel de qualité et d’origine.
VENTE DIRECTE
Au cours des trois dernières années, la production a été fortement limitée par les mauvaises récoltes. Corinne Lacoste n’a ainsi pu produire qu’une quarantaine d’hectolitres pour les deux couleurs confondues. Elle espère cette année revenir à des volumes plus conformes, autour d’une centaine d’hectolitres au total.
Membre du réseau Bienvenue à la ferme, la viticultrice privilégie la vente directe. Que ce soit sur son exploitation ouverte au public tous les après-midis, dans les marchés de producteurs de pays organisés pendant l’été, ou dans des salons jusqu’en Bretagne, dans le nord de la France ou en région parisienne.
« Le Floc est souvent découvert par les touristes qui viennent dans le Sud-Ouest, mais il est peu commercialisé en grande surface dans le reste de la France. Alors, quand on fait les salons, les gens sont toujours très contents. Ils nous racontent leurs souvenirs de vacances tout en faisant leurs provisions pour l’année. »
Un apéritif à déguster jeune
Contrairement à l’armagnac, le Floc de Gascogne ne gagne pas à se laisser vieillir. C’est un alcool jeune qui se boit, avec modération, dans les premières années de mise en bouteille. À consommer frais (entre 6 °C et 8 °C), « il s’adapte bien aux apéritifs dînatoires, assure Corinne Lacoste. Extrêmement parfumé et léger, il rivalise très bien avec le vin quand il est peu sucré. » Entre le blanc et le rosé, son cœur balance. « J’aime les deux. Ils peuvent correspondre à des moments différents de dégustation. »
D’un vigneron à l’autre, le produit final sera subtilement différent. Mais le Floc blanc se reconnaît généralement à ses arômes de violettes, de miel, d’agrumes et de poire, tandis que le Floc rouge offre des notes de mûres, de cerises, de prunes et de framboises.