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Corrida : les villes taurines soulagées

Le retrait de la proposition de loi sur l’interdiction de la corrida, tranquillise, pour un temps, le mundillo de la tauromachie dans les Landes. Un secteur au poids culturel et économique important, dans ce département comptant le plus grand nombre d'arènes en France.

Corrida

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Dénonçant des centaines d’amendements « d’obstruction », le député de Paris, Aymeric Caron, a fini par retirer, le 24 novembre à l’Assemblée nationale, son texte visant à mettre fin à la « torture » du taureau et son « calvaire » dans l’arène, tout en promettant à l’avenir « une nouvelle loi transpartisane » pour « abolir la corrida ». Élus de tous bords, aficionados et amateurs de traditions locales s’étaient mobilisés cinq jours plus tôt dans les villes taurines du sud, à Dax et Mont-de-Marsan en particulier (2 000 personnes au total dans les deux villes), pour défendre leur « liberté culturelle » et dire « stop au totalitarisme animaliste », arguant de « jeux taurins ancestraux », tout en craignant « qu’on s’attaque aussi à la chasse, à la pêche, au gavage ».

PLUSIEURS MILLIONS D’EUROS DE RECETTES

« Il n’y a pas une façon de vivre à Paris qui doit s’imposer partout. La France est une mosaïque de cultures qui doivent être respectées », a dit au micro le sénateur Éric Kerrouche, devant des peñas taurines de Soustons, Mugron ou Orthez (Béarn), venues au rassemblement de Dax, au cœur de ces Landes à la quinzaine d’arènes accueillant des corridas et novilladas (Saint-Vincent-de-Tyrosse, Gamarde, Roquefort, Parentis-en-Born…) et des dizaines d’autres des courses landaises.

« Le député Caron, sur un terrain très moralisateur, veut nous expliquer – vu de Paris – ce qui est bien ou mal pour les gens du sud. Or, les députés ne sont pas élus pour démanteler les diversités des territoires, mais pour les défendre », selon Charles Dayot, vice-président de l’Union des villes taurines de France et maire de Mont-de-Marsan où huit corridas en moyenne sont organisées chaque année au Plumaçon, « un des rares spectacles vivants à ne pas coûter d’argent au contribuable ».

Corrida

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« NOTRE IDENTITÉ, UNE CULTURE VIVANTE »

Avec « plusieurs millions d’euros de recettes » dans les arènes plus que centenaires de Dax (8 000 places), les corridas – trois sur sept à guichet fermé cet été -, permettent de « financer une partie des ferias » du 15 août qui attirent 800 000 personnes dans la cité thermale, cinq jours et cinq nuits par an, confirme le maire, Julien Dubois. D’ailleurs, ici, même en 2020 et 2021 quand la Covid a empêché les fêtes, des corridas ont eu lieu en demi-jauge. La tauromachie, c’est « notre identité, une culture vivante. Qu’on nous laisse vivre avec nos traditions ! ».

Dans ces communes où les manifestations anti-corrida ne réunissent qu’une poignée de militants, (à l’exception de la réunion nationale, en 2016, à Mont-de-Marsan avec plusieurs centaines de personnes), pointe le sentiment des milieux ruraux d’être incompris des urbains. « Il y a une sensibilité, un rapport à l’animal, au taureau de combat, qui en font une culture très difficile à comprendre pour qui est extérieur, notamment dans les métropoles où le seul contact avec des animaux est souvent celui des animaux de compagnie. Qui aime la tauromachie ne voit pas un animal souffrant, mais un animal qui a vécu libre et défend sa liberté », relève le philosophe et professeur émérite à l’École normale supérieure, Francis Wolff, auteur de « 50 raisons de défendre la corrida » (éditions Mille et une nuits)

Mais le regard nouveau de la société sur la souffrance animale, y compris dans les Landes, et l’arrivée de nouvelles populations dans ce département attractif font craindre à beaucoup un recul de la pratique à plus ou moins long terme. Devant une pancarte « #OUI à la corrida », Olga Portolleau, venue spécialement d’Agen à la manifestation en « inconditionnelle des fêtes de Dax », dit même avoir « très peur qu’un jour, tout ça s’arrête, car il y a trop peu de jeunes qui viennent aux arènes ».