Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Commissaires aux comptes : un savoir-faire à faire valoir

L’assemblée générale de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes Grande Aquitaine des 9 et 10 septembre, à Biarritz, a été l’occasion de revenir sur les évolutions de la loi Pacte et sur la première année de mandat de sa présidente, Gwladys Tohier, expert-comptable et commissaire aux comptes à Biarritz. Contre vents et marées elle souhaite rester positive et valoriser une profession en mal de communication. Entretien.

© Hubert Raffini

Les Annonces Landaises : Comment est aujourd’hui perçue la profession de commissaires aux comptes ?

Gwladys TOHIER : « J’ai un exemple, certes personnel, mais que je trouve significatif. L’institutrice de ma fille était persuadée que j’étais commissaire de police. Il doit y avoir quelque chose que j’ai oublié d’expliquer. Manifestement le nom même de notre métier nous dessert. On pourrait par exemple évoluer vers « auditeur libre ». »

 

LAL : Mais au-delà des mots, votre profession reste encore mal connue ?

Gwladys TOHIER : « C’est vrai que l’on n’a pas bien expliqué notre rôle. On est certainement resté centrés sur nous-mêmes. Certains chefs d’entreprise sont angoissés à l’idée de devoir faire appel à nous. Ce devrait être l’inverse. Ça l’est d’ailleurs pour ceux qui nous ont confié un mandat. Rappelons que notre mission principale, d’intérêt général, est de certifier la sincérité et la régularité des comptes et leur image fidèle. Et au-delà de cette mission d’audit, conduite sur la base d’une obligation légale ou à la demande du dirigeant, nous pouvons réaliser des missions contractuelles de diagnostic et d’attestation. »

 

LAL : Comment votre cabinet, BAB Audit Conseil, conçoit-il ce rôle ?

G. T. : Je suis une fervente défenseuse de l’utilisation des outils numériques -c’est d’ailleurs un des axes de mon programme de mandat-, mais, j’invite toujours mes collaborateurs à  travailler chez les clients et à les rencontrer régulièrement. La relation humaine est essentielle. C’est souvent l’occasion de se rapprocher et de mieux connaître les attentes des dirigeants d’entreprise. Nous ne sommes plus là dans le contrôle et la seule validation. Nous devenons un partenaire. Nous devons être bâtisseurs de confiance. Et la petite taille de  nos cabinets permet cette proximité.

Nous devons être bâtisseurs de confiance

LAL : Y-a-t-il un chevauchement entre les missions de l’expert-comptable et celles du commissaire aux comptes ?

Gwladys TOHIER : « Vous abordez là une difficulté de la profession. Théoriquement les choses sont bien bordées. Par formation, les commissaires aux comptes sont des experts-comptables, mais je suis toujours étonnée de voir comment une même personne peut porter un jugement sévère sur les experts-comptables quand elle a un mandat de commissaire aux comptes et inversement, avoir la dent dure avec les commissaires aux comptes quand elle est dans son rôle d’expert-comptable. Il y a là aussi une vraie marge de progrès de notre profession qui doit être engagée dans une coopération avec toutes les parties prenantes. »

 

LAL : Un commissaire aux comptes peut-il intervenir en conseil ?

Gwladys TOHIER : « La loi Pacte et son relèvement des seuils (1) ont très durement impacté certains cabinets. Nous réaffirmons notre solidarité avec eux et nous les accompagnons. La profession doit rebondir pour s’adapter à ce nouvel environnement légal en ajustant son business model. Cette transformation de la profession se traduit par une évolution des offres proposées, des compétences clés et des méthodes utilisées. Mais, l’évolution législative a également créé une nouvelle mission légale pour les commissaires aux comptes. Cette mission, dénommée Audit légal petites entreprises (ALPE), peut être proposée à une société en dessous des seuils européens. »

La profession doit rebondir pour s’adapter à ce nouvel environnement légal en ajustant son business model

LAL : Quelles sont ces nouvelles missions ?

Gwladys TOHIER : « Le commissaire aux comptes peut proposer à son client différentes missions adaptées à sa taille et à ses besoins : une mission classique pour les entreprises au-dessus des nouveaux seuils, une mission ALPE ou classique pour les têtes de petits groupes -dont les seuils cumulés sont supérieurs aux seuils européens, mais inférieurs aux seuils consolidés et les filiales significatives qu’elles contrôlent ; une mission volontaire ALPE ou classique pour les petites entreprises en dessous des nouveaux seuils et, c’est là que je veux en venir, le commissaire aux comptes peut proposer de nouvelles missions contractuelles de diagnostic, de recommandations et d’attestations. »

 

Gwladys Tohier

Gwladys Tohier, Présidente de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes Grande Aquitaine © Hubert Raffini

 

LAL : Vous avez été élue, première présidente de la nouvelle Compagnie régionale le 30 septembre 2020. Quel bilan tirez-vous ce cette première année de mandat ?

Gwladys TOHIER : « Mon originalité c’est de n’avoir jamais été élue avant. J’aime lancer de nouvelles pistes. J’ai choisi mon équipe. Nous sommes mobilisés et nous déroulons notre programme. Depuis le début de l’année, nous avons déjà proposé quatre webinaires avec des plateformes qui peuvent accompagner les participants dans leur transition numérique. Des coachings personnalisés sont également possibles. On a également initié le programme « Les explorateurs » qui combine numérique et marketing parce que notre profession ne sait pas bien communiquer et vu que l’on perd des mandats, il nous faut communiquer pour récupérer des clients. Bref, on avance à grands pas, mais il reste encore du pain sur la planche. »

 

LAL : Au cœur de votre engagement, il y avait également la gestion du regroupement des quatre compagnies ?

Gwladys TOHIER : « Beaucoup craignaient que la très imposante Compagnie bordelaise absorbe tout et qu’Agen et Limoges disparaissent. En fait, nous avons préservé les territoires en gardant les antennes. Pour garantir la proximité, il y a un vice-président ou une vice-présidente et une permanente dans chacune d’entre elles. »

 

LAL : Le quatrième axe de votre programme proposait une ouverture au monde ou du moins vers les parties prenantes ?

Gwladys TOHIER : « L’idée était d’aller expliquer ce que l’on fait, à quoi on sert. J’ai rencontré le monde politique, le monde judiciaire, le monde de l’entreprise pour expliquer quelles sont les missions d’un commissaire aux comptes. J’ai porté la bonne parole auprès des présidents de la Région et des Départements, des parlementaires, de nombreux maires, des responsables du Medef, des chambres de commerce et d’industrie… La visio m’a bien aidée. »

 

LAL : À l’issue de votre mandat de quatre ans, envisagerez-vous des responsabilités au niveau national ? 

Gwladys TOHIER : « Ce n’est pas du tout dans mes ambitions. J’aime trop le Pays basque pour devoir aller faire mes classes à Paris. Quand je vois le temps que réclame la Compagnie au niveau régional, je n’ose pas imaginer ce que c’est au niveau national. »

 

LAL : Vous dites avant tout aimer lancer des projets. Quels peuvent être, selon vous, les domaines que les commissaires aux comptes pourraient investir ?

Gwladys TOHIER : « Je pense en particulier à la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et à la cybersécurité. Ce sont des expertises qui peuvent intéresser les jeunes confrères et dont les entreprises ont un réel besoin. »

 

(1) Depuis la loi Pacte promulguée en mai 2019, l’obligation de nommer un commissaire aux comptes concerne les sociétés dépassant deux des trois seuils suivants : un total de bilan de 4 millions d’euros, un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros, un effectif de 50 salariés.

 

COMPAGNIE DES COMMISSAIRES AUX COMPTES GRANDE AQUITAINE EN CHIFFRES

12 départements depuis le regroupement, en novembre 2020, des Compagnies de Bordeaux, Limoges, Agen et Pau selon les ressorts des cours d’appel

785 commissaires aux comptes

14 160 mandats représentant 284 milliards d’euros de chiffre d’affaires certifiés et 588 625 emplois

42 faits délictueux

136 procédures d’alerte

97,98 % taux de certification sans réserve

2 346 services autres que la certification