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Biolandes, extraits naturels

À Le Sen, en Haute Lande, la discrétion est une marque de fabrique. Ici, Biolandes, fondée en 1980 par Dominique Coutière, prospère au point d’être aujourd’hui présente dans 16 pays. Un leader mondial des essences naturelles.

Biolandes

©JPEG-STUDIOS

En arrivant dans le petit village de Le Sen, juste à côté de Labrit, pas un seul panneau n’indique l’entreprise qui emploie 200 salariés sur site, entre acteurs de production, d’analyse, du développement, de la logistique, des achats et de la force de vente. Il faut faire confiance au GPS, rouler sur la longue route de Bélis, puis s’étonner de l’entendre demander de s’arrêter devant une vieille ferme landaise à colombages noirs. Là, un habitant nous indique finalement le reste du chemin. Encore deux kilomètres au milieu des pins et voici que surgissent l’usine et le siège social de Biolandes, spécialiste des essences naturelles destinées aux parfumeurs-créateurs du monde entier.

CHAMPS, LABORATOIRE R&D ET USINE DE TRANSFORMATION

Devant le bâtiment administratif tout en verre et bois, le logo de la société a été creusé dans la terre pour apparaître sous forme d’un étang dans lequel se reflète l’ensemble architectural. Une idée qui date de 1990 : le logo vu du ciel, « c’était anticipé pour Google Maps ! », s’amuse le directeur général, Philippe Coutière, fils du fondateur, devant ce site de 30 hectares, entre champs de pins, usine de transformation et laboratoire d’analyses et de création. Ici, sont d’ailleurs expérimentés tous les produits côté parfumerie et arômes alimentaires : « J’ai eu le Covid. J’ai perdu l’odorat et un peu le goût pendant sept mois, je ne pouvais donc plus être dans le panel des testeurs ! », raconte le dirigeant, diplômé de l’École Centrale de Lille.

Philippe Coutière, Directeur général de Biolandes

Philippe Coutière, Directeur général de Biolandes ©JPEG-STUDIOS

C’est à la fin des années 1970 que démarre l’histoire de l’entreprise familiale. D’une famille originaire de Brocas, Dominique Coutière, ingénieur issu de Centrale, revient un jour d’un voyage à Québec où il a observé la distillation des aiguilles de sapin, et décide d’appliquer le procédé « sur la seule vraie ressource qu’on a dans les Landes, le pin maritime ». Biolandes naît en 1980. Sous son impulsion, les techniques de distillation traditionnelles sont modernisées par la mise au point d’un procédé de distillation en continu, qui sera ensuite appliqué à l’extraction du ciste et des mousses.

La première filiale de Biolandes est créée en 1988 dans la région aride del Andévalo, en Andalousie, pour son ciste sauvage des collines, avec atelier d’extraction pour maîtriser la production. En 1991, Biolandes se dote d’une unité de production dans la vallée turque d’Isparta et ses belles roses à parfum. Début de l’aventure malgache en 1995 avec la culture de l’ylang-ylang au nord-ouest de l’île et une distillation également sur place. Vétiver, palmarosa, vanille, combava et patchouli viennent progressivement enrichir les plantations.

PLUS DE 300 RÉFÉRENCES NATURELLES

En 1997, en Bulgarie, est rénovée une ancienne usine de distillation située dans la vallée de la Rose à Kazanlak. Cent hectares de Rosa damascena sont plantés et cultivés. Forte de cette expérience, Biolandes diversifie ses cultures et réalise les premières plantations de lavande biologique. Suit le Maroc en 1998 (orangers bigaradiers, puis rose, armoise…), avant d’initier de nouvelles cultures (mimosa, laurier, immortelle, camomille sauvage).

« Dans chaque pays, le but est de maîtriser les matières premières locales. Nous avons les plantations et les usines de première transformation juste à côté pour ne pas faire voyager les matières premières. Tout est transformé sur place », explique Philippe Coutière. Des savoir-faire agricoles, techniques et industriels pour fournir des extraits aromatiques d’exception, avec plus de 300 références naturelles.

DES RACHATS POUR SE DIVERSIFIER

Après l’acquisition de l’usine grassoise en 1998, les années 2000 sont synonymes d’investissements dans le rachat de sociétés spécialisées : une distillerie à Valréas (Provence), l’entreprise Fytosan dans la Drôme, et Golgemma, spécialisée dans les huiles essentielles biologiques dans l’Aude.

En 2000, le groupe landais développe ses compétences dans les compléments alimentaires, puis rachète, 11 ans plus tard, la société Servary dans la filière bois, à Angresse, pour se diversifier sur les granulés de bois et meubles en pin brut simple.

Ces dernières années, il s’est implanté au Canada par un rachat pour travailler les sapins baumiers, comme un retour aux sources de l’idée.

Des savoir- faire agricoles, techniques et industriels pour fournir des extraits aromatiques d’exception aux parfumeurs- créateurs du monde entier

Biolandes est en développement continu, si ce n’est, notamment, au moment de la crise financière de 2008-2009 pendant laquelle « comme tous les marchés, les nôtres sont tombés ». 2020, la crise Covid et l’arrêt des vols internationaux, ont aussi bien sûr impacté le groupe familial détenu par Dominique Coutière et ses trois enfants : « Pratiquement un tiers du marché des parfums de luxe se fait dans les duty frees… Aujourd’hui, tout est reparti », affirme Philippe Coutière qui a fait fabriquer 150 000 litres de gel hydroalcoolique dans les premiers mois de la crise sanitaire, afin de répondre à la demande locale (mairies, Ehpad, hôpitaux, industries…), malgré des difficultés pour trouver les flacons à bouton poussoir à ce moment-là. Ici en tout cas, on n’a pas attendu que la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) soit à la mode pour agir en matière de développement durable. « C’est même ce qu’on fait depuis les débuts !, assure Philippe Coutière. Quand on fabrique une huile essentielle, on a des rendements très faibles. Les 99 % de coproduits, on a décidé de les transformer en terreau dès l’origine. » Côté énergie, « depuis 1980, nos chaudières fonctionnent à la biomasse, précise-t-il.

Aujourd’hui, toute l’énergie du site tourne ainsi », alimentée par des déchets verts en bonne partie issus de la production. À l’étranger, certains sites notamment ceux où la production est très ponctuelle comme la rose en Turquie, sont équipés au gaz, la biomasse étant trop compliquée à gérer dans ces cas-là.

DES EMBAUCHES ET DES INVESTISSEMENTS DANS LE SOLAIRE

Preuve de la santé de l’entreprise quadragénaire et pour accompagner l’augmentation en volume, depuis un an, Biolandes embauche : une vingtaine d’offres d’emplois allant de cadres à des techniciens de conduite d’appareils, essentiellement en CDI, viennent ou sont en train d’être concrétisées. « On a besoin de se structurer un peu plus pour continuer à grandir », fait valoir le dirigeant.

Et la société continue d’investir massivement, entre 8 millions et 10 millions d’euros par an en moyenne sur les dernières années.

Parmi les projets, un nouvel atelier d’extraction pour aller chercher les molécules dans les plantes notamment pour l’extrait d’écorce de pin, et le développement du solaire, en particulier sur les filiales aux Comores, à Madagascar ou en Espagne. « D’ici la fin de l’année, on devrait couvrir sur le site landais nos besoins journaliers en électricité », grâce aux panneaux photovoltaïques installés notamment sur les ombrières des parkings : « Ça n’a pas de sens de mettre les panneaux au sol, sur la forêt », défend cet amoureux des pins des Landes, mécène de l’établissement Bordeaux Sciences Agro où on imagine la forêt de demain.

Ici, depuis 1980, nos chaudières tournent à la biomasse. Le développement durable, c’est ce qu’on fait depuis les débuts !

Côté recherche et développement, une vingtaine de personnes œuvrent au centre de recherche à Le Sen. « On garde secret ce sur quoi ils travaillent, ces produits sortiront l’année prochaine. On n’empêchera pas les gens de faire les mêmes extraits que nous, mais il faut toujours garder un temps d’avance sur la concurrence », détaille le patron de l’entreprise leader mondial sur certains produits comme la fleur d’oranger, l’ylang-ylang ou le ciste.

BIENTÔT UN SHOWROOM À LE SEN

Cette année, en plus de l’extrait de vétiver, la principale nouveauté a été la sortie d’un extrait à base de maïs. Étonnant pour des Landais que cela n’existe pas déjà depuis longtemps ? « Au départ, le maïs a une odeur assez neutre. Il fallait trouver le moyen de la développer. C’est en le traitant comme du pop-corn qu’on est arrivé à la bonne formule ! », relaie Philippe Coutière. Une essence qui sera sans doute proposée dans le futur showroom Biolandes de 200 m2, à Le Sen, évidemment. « Jusqu’ici, on ne faisait pas de vente directe au consommateur, on vend à des industriels, on n’a pas besoin de faire de communication. Mais on s’est dit qu’un magasin était utile pour que les gens connaissent les produits qu’on fabrique et sachent ce qu’on fait, des huiles essentielles aux meubles en bois et au terreau. » En toute discrétion.

BIOLANDES EN CHIFFRES

148 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021, dont 2/3 à l’export

45 % en parfumerie, cosmétique, arômes

35 % en nutraceutique, compléments alimentaires

20 % en lambris, parquets, meubles, granulés combustibles, terreaux et écorces

860 salariés dans le monde, dont 400 en France. Jusqu’à 2 400 personnes pendant les récoltes

4 000 clients dans 70 pays

18 sites de production dans le monde, dont 11 en France

5 fermes : Bulgarie, Maroc, Madagascar (2), Canada

Présence dans 16 pays avec 5 bureaux de représentations à l’international : USA, Dubaï, Inde, Chine, Japon.

Pour en savoir plus : http://www.biolandes.com/