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Xylomat IPREM : un labo de recherche générateur de start-up

C’est au sein de Xylomat IPREM, un laboratoire bouillonnant d’idées à l’IUT de Mont-de-Marsan, que des doctorants, thésards et ingénieurs ont trouvé les ressources pour monter leur start-up. Entre un Vinted des produits chimiques, des compléments alimentaires à base de champignons, et des machines sur mesure pour le gemmage, tour d’horizon de cinq entreprises prometteuses.

Xylomat IPREM

De gauche à droite, Thomas Cabaret, Bertrand Charrier, Starlin Peguy Engozogho et Quentin Gouty © E. V.

 

Avec ses lambris de bois marron foncé aux murs et ses poutres apparentes massives, le laboratoire Xylomat IPREM est dans son jus. Pas étonnant, cette unité de l’IUT des Pays de l’Adour développe une recherche sur le bois et ses dérivés biosourcés depuis 22 ans. Si l’enveloppe a vécu, son noyau dur offre aux chercheurs qui y travaillent du matériel ultra-performant, notamment en chimie analytique. « Il y en a pour 500 000 euros de machines », balaie du regard Bertrand Charrier. Avec au compteur 35 ans de recherche en science des matériaux, le directeur de l’IUT rattaché à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA) étonne surtout par son profil atypique : ce professeur des universités est aussi entrepreneur.

« Pas si fréquent dans le milieu universitaire », convient-il en souriant. L’an dernier, Bertrand Charrier a monté sa start-up, Landes International formations & expertises, au sein du laboratoire Xylomat qu’il dirige. « L’Université n’est pas forcément adaptée pour vendre des produits à valeur ajoutée issus de notre recherche et développement. Donc cette SAS, créée avec mon frère, qui en est le P.-D.G., va permettre d’élargir le marché sur le plan commercial ». Leur jeune pousse produit, par exemple, une patine biosourcée issue du pin pour un client spécialisé dans la production d’étiquette.

Mettre le pied à l’étrier

Fin connaisseur de l’industrie du bois, Bertrand Charrier revendique dans sa démarche entrepreneuriale un esprit combatif et optimiste. « On a vu beaucoup d’entreprises du bois fermer ces vingt dernières années, notamment à cause de la concurrence asiatique. Il est important qu’on soit solidaire des PME en difficulté, de tout ce tissu qui se bat pour survivre ». Comment ? En poussant thésards et chercheurs de Xylomat à se lancer en utilisant les ressources offertes par le labo. « L’idée, c’est de mettre le pied à l’étrier et de démontrer que l’université, qui est une structure publique payée par l’État, est aussi capable de contribuer de façon directe à l’économie nationale en accompagnant des start-up », assure le chercheur.

Dans son sillage, et en un temps remarquablement court, quatre autres jeunes entreprises innovantes ont éclos à Xylomat. À 25 ans, Quentin Gouty est en train de finaliser un Vinted des produits chimiques. Sa plateforme en ligne, baptisée nHomade, permettra aux laboratoires publics et privés de s’échanger des produits chimiques. Cette alternative vertueuse à leur incinération ou leur enfouissement, « un désastre écologique qui coûte cinq fois leur prix », est née « non pas directement de mes travaux de recherche mais de leur observation », résume le thésard. « Tous les chercheurs sont confrontés à un mécanisme d’échec : on expérimente des choses, pour ça on achète des produits chimiques, quand ça ne fonctionne pas, on les entasse dans un hangar puis on finit par s’en débarrasser ».

Le club des 5

Avec SupraMedix, Jérôme Janin mise, lui, sur les extraits de champignons médicinaux qui poussent sur le bois, pour ralentir le déclin cognitif. « Grâce au laboratoire Xylomat et à Bertrand, j’ai mis au point une méthodologie d’extraction moléculaire qui permet d’isoler la quintessence des vertus du produit médicinal », s’enthousiasme l’ingénieur de formation. « C’est extraordinaire de faire partie de ce pool de start-up et de disposer des équipements du labo. Tout seul, je ne pourrais pas le faire. Là, je gagne des années ! ».

Un sentiment partagé par Thomas Cabaret, à la tête depuis 2020 de Protosphère, spécialisée dans la conception de machines sur mesure pour la production de matériaux issus de la forêt. « Quand on démarre son activité, on n’a pas les moyens d’acheter les machines, on n’a pas non plus de lieu adapté pour les faire tourner ». Capable, par exemple, de concevoir de A à Z une foreuse portative légère et performante pour le gemmage, Thomas Cabaret a pu « utiliser à l’IUT des systèmes d’usinage à commande numérique », tout comme des imprimantes 3D. Parmi ses clients, il compte Biolandes, Gascogne Bois et Maïsadour.

Xylomat IPREM

Un laboratoire high-tech, notamment par son matériel ultra-performant en chimie analytique © E. V.

Des Landes au Gabon

Résolument tourné vers l’extérieur, le laboratoire Xylomat soutient le projet à l’international de Starlin Peguy Engozogho. Ce doctorant montois s’intéresse aux propriétés médicinales, notamment cosmétiques, de certains bois exotiques du Gabon, son pays d’origine. « On a extrait des ingrédients actifs qui ont révélé des effets hydratants, antioxydants et anti-inflammatoires multifonctionnels », indique-t-il. Avec sa start-up Biokoum, Starlin Peguy Engozogho va exploiter des chutes de bois. « C’est une démarche d’upcycling, avec en parallèle une démarche sociétale qui vise à dynamiser l’économie de la forêt au Gabon », explique le trentenaire. Le déchet de bois à haute valeur ajoutée, en somme.