Vanessa Balci n’a rien d’une accumulatrice compulsive. Pourtant, son garage est envahi de déchets plastiques. Des gros, des petits, des minuscules, classés par catégories et par couleurs. Si sa voiture dort à la belle étoile depuis si longtemps, c’est qu’elle a besoin de place pour sa matière première. Car avec ce que l’océan rejette de plus dégoûtant, elle réalise des œuvres d’art.
Armée de pinces et de colle, elle transforme ces vestiges de la civilisation en réinterprétations de classiques de la peinture et de la culture pop. La Grande Vague de Kanagawa de Katsushika Hokusai prend un tout autre sens lorsqu’elle est réalisée à partir de médias filtrants, de cotons-tiges et de bouchons. La reproduction de la pochette de War, elle, est aussi politique que l’album de U2, même si elle dénonce d’autres ravages. En essaimant « du beau, du pop, du rigolo avec ce qu’il y a de plus crado », Vanessa Balci veut éveiller les consciences sur les dérives de la société de consommation.
De l’art avec du laid
Longtemps humanitaire pour Médecins sans frontières et Care, elle a parcouru le monde et constaté la pollution plastique partout. Mais c’est à son retour dans les Landes, en 2009, qu’elle s’indigne de l’état de « sa » plage, celle de Contis où elle se baigne depuis qu’elle est petite fille. Assise sur sa serviette, elle se met à récolter les déchets à portée de main avec dans l’idée de les jeter. Avant de se raviser. « Si je les mets à la poubelle, je les rends invisibles et l’embolie plastique n’est pas un sujet. » Alors, avec ses enfants, elle assemble les pièces pour créer de petits animaux. Suivront des tableaux, d’abord pour elle, puis pour des amis, avant que son travail ne soit remarqué par des écoles et des médiathèques.
Au fil du temps, ses œuvres deviennent plus grandes et complexes, tout en utilisant des objets de plus en plus petits. « Les macrodéchets, c’est une chose. Mais le plus gros défi, ce sont les microplastiques. » Depuis quelques années, elle a jeté son dévolu sur ces déchets de moins de 5 mm et compose ses collages « pixel plastique après pixel plastique ». Ni colorés, ni taillés, ni modifiés, ils sont utilisés tels qu’elle les trouve sur le rivage. « L’industrie pourvoit à tous nos caprices ! Et en finissant de les dégrader, les décolorer et les casser, l’océan enrichit d’autant plus ma palette. Lorsque j’ai besoin d’une teinte particulière pour réaliser une joue ou un muscle, je fouille dans mon stock. Et si je n’ai pas ce qu’il faut, il me suffit d’attendre la prochaine marée… »
Combattre l’éco-anxiété
Vanessa Balci aimerait que seuls les coquillages jonchent les plages. « Malheureusement, les scientifiques prédisent qu’à mon échelle humaine, je ne verrai même pas la fin de l’accélération de la courbe de la consommation plastique ! »
La militante écologique donne des conférences depuis 2015. « À l’époque, on produisait 320 millions de tonnes de plastique par an. Aujourd’hui, moins de 10 ans après, c’est 468 millions de tonnes ! C’est vertigineux. Incontrôlable. D’autant qu’on ne sait pas le détruire. L’océan le vomit des dizaines d’années après l’avoir ingurgité de force. Et il empoisonne tout le vivant en rentrant dans le cycle de l’eau et de la vie. »
Malgré tout, l’artiste croit en un avenir meilleur. « Nous sommes le problème, donc nous sommes aussi la solution. On réussit à envoyer des fusées dans l’espace. On devrait parvenir à mieux maîtriser nos pots de yaourt ! » En attendant, Vanessa Balci « bat l’éco-anxiété au quotidien dans les salles de classe ». En donnant des ateliers dans les établissements scolaires, elle entend mettre la créativité des enfants « au service de la réinvention d’un monde nouveau ».
Œuvres à louer
Vanessa Balci privilégie la location à la vente de ses œuvres. « Cette alternative rend l’accès à mon travail plus accessible pour tout le monde. » La formule permet en outre de se détacher de la propriété privée. « Une des causes de notre embolie plastique, c’est qu’on veut les choses pour soi. Or l’accumulation de biens est prédatrice de ressources. » La location permet aussi à ses tableaux de toucher plus de monde. « Sitôt vendue et mise chez un privé, une œuvre ne joue plus son rôle. J’ai plus d’ambition pour mes collages. J’aime qu’ils voyagent d’un public et d’un territoire à l’autre. »
Le travail de Vanessa Balci sera exposé du 27 au 30 novembre à la Galerie des Sauvages à Bordeaux, dans le cadre du Festival Néo-Terra.