Silk Surf est une petite marque de planches de surf en bois qui n’utilisent pas de résine. Derrière cette démarche écoresponsable, le shaper et surfeur Titouan La Droitte, 34 ans, crée des modèles de shortboards et longboards en bois qu’il propose à la vente dans son atelier d’Aureilhan, entre mer et forêt.
L’idée lui est venue lors du European Wooden Surfboard Meet en Espagne, un festival dédié aux shapers et à la fabrication de planches en bois. Il découvre un concept inventé par un artisan australien constitué d’un pain de mousse recouvert de bois pour remplacer la résine et la fibre de verre. Le bois, c’est du paulownia, une essence asiatique, choisie pour sa résistance et sa légèreté. C’est aussi l’un des arbres à la croissance la plus rapide au monde. « En huit ans, il atteint généralement 12 mètres. Il lui faut de l’eau et du soleil. On en trouve en France et bientôt dans les Landes où il est cultivé depuis peu », précise Titouan La Droitte.
Cette découverte parvient à lever ses a priori sur la capacité de flottaison et la légèreté d’une planche en paulownia. D’autant que le shaper est à la recherche de matériaux durables. Suite à ses premières expériences de shaper, il s’interroge sur l’impact de la résine et des solvants sur la nature mais aussi sur sa propre santé. « Le métier me plaisait vraiment mais je ne voulais pas travailler dans cet environnement toxique », ajoute-t-il.
UN AN DE TESTS POUR CRÉER SON MODÈLE
Après avoir proposé pendant quelques années son expertise en conception assistée par ordinateur (CAO), le jeune entrepreneur bordelais se tourne alors vers la conception de planches, s’appuyant sur sa formation en génie mécanique et productique et son goût pour le travail manuel. L’auto-entrepreneur rejoint les Landes en 2020 à Aureilhan pour se rapprocher de l’océan et des vagues et investit dans un terrain de 5 000 m2. Il y installe son atelier de 150 m2 avec ses trois machines à bois. « J’ai fait un crédit, c’est le projet d’une vie. J’ai réaménagé l’ancienne grange et acheté des machines d’occasion pour démarrer », confie-t-il.
Il lui faudra un an de tests en CAO et en conception de produits avant de parvenir à mettre au point un modèle. « Même si on a la recette, ce n’est pas pour autant qu’on y arrive », commente-t-il. Contraint de faire venir du bois d’Espagne, il décide en parallèle de cultiver une cinquantaine de plants de paulownia pour, à terme, produire en circuit court. Bien qu’il utilise encore de la colle polyuréthane en petite quantité faute d’alternative, ses planches restent plus écologiques, solides et résistantes aux UV que les planches classiques.
VENDRE ET PRODUIRE LOCALEMENT
Aujourd’hui, il voudrait se faire davantage connaître du grand public. « Je ne pense pas que les surfeurs professionnels de cette génération prendront le risque d’utiliser un nouveau produit qu’ils maîtrisent moins. C’est normal, c’est compliqué », analyse-t-il. Mais Titouan La Droitte a déjà sa clientèle de particuliers qu’il a dénichée petit à petit à l’eau par le bouche-à-oreille, et il compte convertir d’autres adeptes en participant à des salons spécialisés à Bordeaux et en faisant régulièrement tester ses planches.
Il réfléchit déjà à une prochaine évolution technique : « Je voudrais travailler le déroulé avec l’aide d’entreprises locales. On découpe le bois comme un taille-crayon pour avoir des couches très fines. Une manière de gagner du temps de travail qui se répercutera forcément sur le coût de la planche. » Mais pour l’heure, il souhaite continuer à produire des planches de qualité avant d’envisager une augmentation de la production. « J’ai vu les erreurs à ne pas commettre dans mes expériences précédentes. Il faut être sûr de ce que l’on vend », conclut l’artisan, convaincu de la nécessité de proposer à l’industrie du surf une alternative durable et performante aux méthodes traditionnelles.