Cadences infernales, relations sociales tendues, maximisation du profit au détriment de l’environnement : les clichés sur l’industrie ont la peau dure. Pourtant, certaines entreprises n’adhèrent pas à ces pratiques. À Saint-Vincent-de-Paul, SATE (Société aquitaine de tableaux électriques) est de celles qui souhaitent incarner « un nouveau modèle d’industrie profitable à la fois aux femmes et aux hommes qui y travaillent, à la société et à la planète », assure son directeur général, Jean-Yves Dussaud.
La médaille d’or EcoVadis décrochée en juillet dernier par la société spécialisée dans la conception et l’assemblage de coffrets et armoires électriques en atteste. Avec un score de 77/100, SATE se place dans le top 5 % mondial des entreprises engagées dans la RSE (Responsabilité sociétale des entreprises). « Nous avons été audités sur quatre thématiques : environnement, éthique, achats responsables, et social et droit humain. Et c’est sur ce dernier critère que nous avons obtenu notre meilleur score. »
Accent sur la formation
Face aux difficultés de recrutement du secteur (67 % des industriels peinent à recruter, selon l’Insee), SATE mise ainsi, dans les Landes, sur le bien-être et la satisfaction de ses équipes. Cela passe notamment par un gros effort de formation. « Le métier de monteur câbleur est peu connu. Il n’existe même pas de cursus spécifique de tableautier. Alors, nous formons les personnes qui nous rejoignent. » La structure, qui a reçu le trophée « entreprise apprenante » décerné par la chambre de commerce et d’industrie des Landes en mai dernier, emploie ainsi neuf apprentis sur une cinquantaine de salariés (lire encadré). Elle est également partenaire du GEIQ À Lundi (groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification), grâce auquel elle intègre de nouveaux talents. Les profils sont très divers : une dizaine de femmes a rejoint l’effectif dans lequel huit nationalités sont représentées. « On ne naît pas expert, mais on peut le devenir, on accueille les personnes en priorité pour ce qu’elles sont, affirme Jean-Yves Dussaud. On ouvre les portes à toutes celles et ceux qui veulent se lancer et qui souhaitent oser apprendre. » Actuellement, SATE recherche un chargé d’études techniques, des monteurs câbleurs et un responsable d’amélioration continue et industrialisation.
La formation n’est toutefois pas réservée aux nouvelles recrues. Une fois en poste, les salariés sont accompagnés dans leur montée en compétences. « L’ambition est de s’assurer que chacun trouve la bonne place en lien avec ses aspirations et les objectifs de l’entreprise. » Dernièrement, un chef d’atelier a ainsi été formé au lean management, une méthode de gestion et d’organisation du travail destinée à optimiser les processus, réduire les coûts, et améliorer la satisfaction client en se concentrant sur la création de valeur et l’élimination des gaspillages. « C’est bénéfique pour nous car cela va améliorer notre productivité et conduire à l’élargissement de la base clients. Mais c’est aussi très positif pour lui, car la certification Greenbelt qu’il a obtenue est un sérieux atout sur un CV. »

SATE produit, en grande série, plusieurs dizaines de milliers de coffrets pour les installations photovoltaïques résidentielles. © Louis Piquemil
Qualité de vie au travail
En plus du développement des compétences de ses salariés, l’entreprise s’engage pour la qualité de vie au travail. « Promouvoir le bien-être et la diversité est l’un de nos objectifs. Parce qu’on est toujours plus performant quand on se sent en sécurité et bien intégré ! » Pour assurer la cohésion de l’équipe tout en soutenant la culture locale, SATE a privatisé une peña et invité l’ensemble des salariés à participer aux fêtes de Dax mi-août. En juillet, un terrain de pétanque a été inauguré sur le site industriel pour encourager les moments de convivialité lors des pauses. Et depuis le début de l’année, l’entreprise fait venir un food truck deux fois par mois sur le parking de l’usine. « Le midi, certains salariés apportent leur repas. Mais beaucoup vont s’acheter un sandwich à quelques kilomètres d’ici. Cette formule permet de limiter leur empreinte carbone, mais aussi de générer rencontres et partages. » SATE permet en effet aux salariés des cinq autres entreprises de la zone d’activités du Basta, de profiter de la présence du restaurant ambulant.

Le savoir-faire de l’usine landaise est à l’origine de la création d’un nouveau groupe industriel national : Les BienCâblés. © Louis Piquemil
20 millions d’euros de chiffre d’affaires
Cette stratégie humaine s’avère payante. SATE réalise 20 millions d’euros de chiffre d’affaires par an. Elle produit, en grande série, plusieurs dizaines de milliers de coffrets pour les installations photovoltaïques résidentielles, mais propose aussi une activité sur mesure. « Nous traitons plus d’un millier d’affaires par an principalement en lien avec les énergies nouvelles et la mobilité. »
Devant le succès de son offre commerciale, l’entreprise est même en train d’installer une nouvelle ligne de fabrication de shelters photovoltaïques, structures destinées à protéger et optimiser la production d’énergie des installations solaires. Parmi ses clients réguliers figurent des comptes nationaux comme Spie, Eiffage, Ineo ou encore EDF et ses filiales. Dernièrement, elle a aussi équipé plus de 600 restaurants McDonald’s de coffrets pour leurs bornes de recharge électrique.

Une dizaine de femmes a rejoint l’effectif dans lequel huit nationalités sont représentées. © Louis Piquemil
Collectifs d’investisseurs
Le savoir-faire de l’usine landaise est à l’origine de la création d’un nouveau groupe industriel national. Avec un collectif d’investisseurs, Stéphane Noiret, l’ancien directeur général de SATE, a en effet racheté deux autres tableautiers français en 2023 : TEEI (Tableaux et équipements industriels) à Nancy (Meurthe-et-Moselle) et SER (Société électrique du Rhône) en banlieue de Lyon. Depuis avril dernier, les trois sociétés, qui gardent leur autonomie, sont réunies au sein du groupe LesBienCâblés, qui génère 40 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 130 collaborateurs. « Cette entité commune nous permet de renforcer notre visibilité auprès des grands comptes nationaux, du côté des clients comme des fournisseurs de composants électriques, mais aussi auprès des talents que nous espérons attirer dans un contexte de pénurie de compétences, souligne Jean-Yves Dussaud qui fait partie du comité de direction du groupe. La marque LesBienCâblés regroupe en un terme notre promesse : réaliser des tableaux électriques de grande qualité, accorder une attention particulière à la relation aux autres et à notre environnement, valoriser et rendre fiers nos collaborateurs. » Porté par un ancrage local fort et des sites complémentaires répartis sur le territoire, LesBienCâblés ambitionne de devenir leader du secteur. « Nous voulons prouver qu’il est possible de construire une filière stratégique en France, sans délocaliser, sans compromis sur la qualité ni sur les conditions de travail », indique Stéphane Noiret qui a pris la présidence du groupe. Un groupe qui pourrait encore grandir d’ici peu. « Nous devrions faire l’acquisition de nouvelles activités en France d’ici 12 à 24 mois », révèle Jean-Yves Dussaud.

Apprenti chez SATE, Mohamed Faisal Simbre a décroché la médaille d’or de Meilleur apprenti de France 2024. © Louis Piquemil
Un apprenti en or
Formé au lycée Le Berceau de Saint-Vincent-de-Paul et apprenti chez SATE, Mohamed Faisal Simbre a décroché la médaille d’or de Meilleur apprenti de France 2024. « Le chef d’atelier, Anthony Haza, a repéré son potentiel et lui a proposé de se présenter au concours », raconte Stéphanie Pedebosq, responsable de production chez SATE. Après un gros travail de préparation, le jeune Ivoirien alors en deuxième année de CAP, a créé une maquette de sas de sécurité pour une bijouterie. Sa réalisation a remporté la médaille d’or successivement au niveau départemental, régional puis national. « Les juges ont apprécié la qualité technique des raccordements et la propreté des finitions. » La maquette trône d’ailleurs à l’entrée de l’entreprise. Quant à Mohamed Faisal Simbre, qui s’est vu remettre sa médaille au théâtre du Châtelet, à Paris, il est toujours apprenti chez SATE. Il a en effet décidé de poursuivre ses études par un BP Électricien.