Couverture du journal du 06/04/2024 Le nouveau magazine

Regoûter enfin au pastis de Souprosse

De la quatrième génération de faiseurs de pastis landais, Mathieu Marrocq vient de rouvrir boutique à Souprosse, à quelques mètres de la boulangerie historique fermée l’été dernier. La recette n’a évidemment pas changé, même si elle ne se fait plus exclusivement en famille.

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Ceux qui croient encore que le pastis n'est qu'une brioche comprendront là qu'ils ont tort © J. D.

Il est des habitudes dont il est difficile de se passer quand elles s’arrêtent. Aller chercher son pastis de Souprosse au marché de Dax, le samedi matin, dans la camionnette de Jean-François Marrocq, est de celles-là. Fermée en septembre dernier pour cause de retraite de Jean-Paul Marrocq, son pâtissier de frère, la boutique du petit village entre Tartas et Mugron a retrouvé, le 2 mai, son panneau « ouvert » sur l’avenue du 11 novembre 1918, à quelques mètres de l’ancienne.

Mathieu Marrocq pastis

Mathieu Marrocq © J. D.

AU RHUM-VANILLE DEPUIS 1946

Malheureusement, la fourgonnette coffre grand ouvert sur pastis a été vendue aux services techniques de la commune juste avant la fermeture du rideau en fin d’été dernier. Et le four à bois plus que centenaire n’a pas pu être déménagé.

Dans les locaux flambant neufs, un grand four électrique à plusieurs étages chauffe désormais les dizaines et dizaines de pastis quotidiens dont le nombre est tenu secret. « Par chance, en plus de celui à bois, on travaillait déjà au four électrique. Mon grand-père avait investi en 1980 pour augmenter sa production. Il n’y a pas de différence », assure Mathieu Marrocq, le fils de Jean-François, qui prend le relais.

Sous la légère croûte aux gros grains de sucre, leur pastis est en effet toujours aussi « mitchut », dense et humide à la fois en gascon. « Au bon pastis landais », son nom, est assurément bien choisi. Et ce, depuis 1946, l’époque où Georgette Duluc, son arrière-grand-mère, s’y consacra à Souprosse. Jusqu’alors, elle n’en faisait, avec son mari boulanger, qu’à l’occasion, pour des mariages et des repas de fêtes. Pendant la guerre de 1939-1945, tandis qu’Albert Duluc était prisonnier, elle eut moins de demande en boulangerie car la concurrence s’était installée. « Elle s’est retrouvée par la force des choses à faire plus de pastis et ça a été rapidement un grand succès », raconte l’arrière-petit-fils.

La recette parfumée au rhum et à la vanille se transmettra de mère en fille, gendre et fils, et ainsi de suite jusqu’à aujourd’hui. Seule différence, un membre étranger à la famille connaît désormais les bons dosages des ingrédients. Car Mathieu Marrocq, déjà à la tête de Landak, une société de commercialisation d’aérosols pour entreprises du BTP, a embauché un copain, Thibaut Lafargue, boulanger spécialisé en viennoiseries, pour fabriquer le fameux pastis. « Une belle confiance », dit le jeune homme actuellement en formation auprès de Jean-Paul Marrocq qui a donc repris du service : « J’ai resigné le temps nécessaire. Le jour où il sera vraiment autonome, qu’il fera comme il faut les pastis et les merveilles, je me retirerai sur la pointe des pieds », sourit le retraité, heureux que l’aventure continue car « on ne peut pas toujours rester en famille en vase clos. C’était plus important que la recette perdure ! »

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Jean-Paul Marrocq a repris du service après la retraite pour former Thibaut Lafargue © J.D.

CARNET DE COMMANDES DÉJÀ PLEIN

Un autre repreneur était prêt à racheter l’affaire cet automne. « Mais le prix proposé n’était pas le bon, vu le potentiel énorme et les résultats affichés. Alors, les jours avant la vente, j’ai mal dormi et j’ai senti que je devais le faire moi-même », se rappelle Mathieu Marrocq qui fait alors plaisir à toute la famille en annonçant la nouvelle. Il investit 150 000 euros pour racheter le fonds de commerce à sa valeur et se doter de nouveaux équipements (four, mobilier, etc.) tandis que la mairie réalise les travaux dans l’ancienne école pour garder un commerce au village et le leur louer.

Les débuts sont comme chacun l’imaginait : un carnet de commandes « déjà plus que plein. Mais ça, on est habitué, on a toujours manqué de pastis par rapport à la demande ! », confie le jeune entrepreneur qui va se former également à la recette « au cas où ». En attendant de profiter au maximum des nouveaux locaux pour produire davantage et alimenter d’autres points de vente, en plus des Gamm Vert et autres Intermaché du coin, le pastis de Souprosse est bien de retour sur le marché de la cité thermale depuis le 20 mai, avec « Jeff » Marrocq sur un stand classique, « comme au tout début ». Sans sa camionnette donc, mais toujours avec ses bons pastis landais et son bagou.