Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Les Chanvres de l’Atlantique : une usine en béton végétal

Avec le nouveau site des Chanvres de l’Atlantique, actif depuis cet été à Saint-Geours-de-Maremne, Vincent Lartizien veut prouver la pertinence écologique du chanvre qu’il décline dans l’alimentation, les cosmétiques, et bientôt dans une collection textile issue de fibres françaises.

Chanvres de l'Atlantique

© Thierry Layani, le petit oiseau va sortir

L’ ex-surfeur professionnel, reconverti dans l’industrie du chanvre, l’assure. Cet été, alors que la canicule sévissait dans le Sud-Ouest avec des records bien au-delà des 40°C, il ne faisait pas plus de 21°C dans son nouvel atelier. « On a 80 cm de murs thermorégulés en béton de chanvre avec de la ouate de cellulose au plafond, c’est une isolation de grande qualité, un bâtiment conçu dans un équilibre énergétique, avec des flux réfléchis et une maîtrise en amont », plaide Vincent Lartizien qui loue « une qualité de vie à l’intérieur où tout le monde se sent bien, car le chanvre permet aussi de repousser naturellement l’humidité et les insectes ».

Chanvres de l'Atlantique

Vincent Lartizien © Domolandes

TRIPLEMENT DU CHIFFRE D’AFFAIRES DEPUIS LA COVID

Le nouveau site à deux pas de ses débuts à Domolandes sur la zone d’activités Atlantisud, a été construit en béton de chanvre et terre crue (issue de Saint-Jean-de-Luz) sur 2 000 m2, au lieu des 600 m2 des ateliers précédents, où lui et ses 20 salariés (chefs d’ateliers, ingénieurs agronomes, informatique…) étaient à l’étroit, compte tenu de l’expansion de la société depuis la crise Covid, avec un triplement du chiffre d’affaires (2 millions d’euros).

« Avec cette plante qui a des propriétés époustouflantes et qu’on utilisait déjà au Moyen-Âge pour les cordes et voiles des navigateurs, on fait des produits de première nécessité et on coche toutes les cases : s’occuper de l’humain, de la planète, faire des choses qui font sens et ramener tout ça chez nous, avec des produits fabriqués autour d’ici », développe-t-il, devant ses huiles vierges, graines décortiquées, coquillettes et crème pour le visage à base de chanvre.

Bientôt une serre de 500 m² pour la recherche sur le chanvre et une nouvelle usine dédiée au défibrage

CHAMBRES FROIDES AUSSI EN BÉTON DE CHANVRE

Les chambres froides industrielles sont aussi en béton de chanvre et en terre : « C’est une première. On est en train d’étudier les chaînages thermiques, la consommation électrique… Jusqu’ici, non seulement ça fonctionne bien, mais on voit que les moteurs de climatisation ne s’allument qu’une à deux fois par jour, ce sont des économies conséquentes même si elles restent difficiles à calculer. En tout cas, on démontre ici la pertinence du chanvre et on dit à tout le monde : « Venez voir, ça marche ! » », lance celui qui rêve de « démocratiser l’utilisation » de ce matériau dans l’architecture, aussi bien au niveau industriel que pour les privés.

Chanvres de l'Atlantique

© Florian Lanni

Côté construction rendue possible par le spécialiste des bétons végétaux Akta du Breton Laurent Goudet, en lien avec l’architecte et ex-surfeur professionnel Boris Le Texier à Biarritz, l’usine a coûté 30 % plus cher qu’avec des matériaux classiques de qualité. Mais « c’est plus cher que quoi ?, demande Vincent Lartizien : Parler de coût sans parler des gains en matière d’énergie, ça n’a pas de sens ! ».

Parti de rien en 2016 avec un financier « aussi casse-cou » que lui en la personne de François Payot (ex-PDG de Rip Curl Europe), cofondateur et toujours actionnaire majoritaire, l’entrepreneur ne compte pas s’arrêter là : « On a réservé 3 hectares pour la suite, pour une série de constructions », à commencer par une serre de 500 m2 pour de la recherche sur le chanvre (construction prévue l’an prochain), avant de s’attaquer à une nouvelle usine dédiée, cette fois, au défibrage de la plante, pour 2024. En attendant, une nouvelle collection textile sort cet automne, pour la première fois issue de fibres françaises au lieu de fibres chinoises. « La R&D est gérée à partir de nos bureaux ici, et nous mettons en synergie plusieurs acteurs français qu’on a ciblés pour faire des produits haut de gamme avec du fil français. C’est le début d’une filière qui se relance », conclut le dirigeant qui ne jure que par l’agriculture biologique, heureux que « plein de gens nous regardent en se disant : « C’est possible d’aller loin sans lâcher sur des choses importantes pour notre santé » ».