Couverture du journal du 01/10/2025 Le nouveau magazine

La truite, l’élégance discrète

UN CHEF, UN PRODUIT. Il existe des mets qui font remonter à la surface de la mémoire le goût de l’enfance. À 91 ans, Michel Guérard, chef triplement étoilé au Guide Michelin depuis 1977 pour sa table Les Prés d'Eugénie à Eugénie-les-Bains, plonge dans ses souvenirs à l’évocation de la truite.

truite

Michel Guerard © Roman Jehanno

Au printemps et au début de l’été, quand les eaux vives se réchauffent un peu (mais pas trop), la truite des Landes se pare de ses plus belles couleurs et offre aux gourmands sa chair délicate et parfumée. Pour Michel Guérard, qui a reçu cette année la Toque d’Or de la Fédération des tables et auberges de France pour son exceptionnelle contribution à l’art culinaire, ce mets possède une saveur particulière : « Quand j’étais enfant, j’habitais la Normandie. J’ai connu la Seconde Guerre Mondiale, avec toutes ses restrictions. On se débrouillait alors comme on pouvait et la pêche en rivière restait un moyen de se nourrir correctement. J’habitais dans un bourg entouré de sources qui se jetaient dans des rivières. Ces rivières étaient fastueusement garnies de truites. J’avais un copain d’école qui faisait partie d’une famille de 14 enfants et, avec ses frères, il braconnait. Il m’a appris à pêcher la truite sans canne à pêche ni épuisette. Nous étions en culottes courtes et nous marchions dans la rivière. On repérait une truite, on s’en approchait tranquillement et on finissait par la chatouiller sous le ventre. Quand elle était suffisamment en confiance, on la remontait à la surface et on l’attrapait. »

PISCICULTURES LOCALES

Si à l’époque, Michel Guérard pêchait des truites fario, pigmentées de points rouges, aujourd’hui, c’est la truite arc-en-ciel, reconnaissable à sa bande rose tout au long de son flanc, que l’on retrouve quasi systématiquement sur les étals. Une truite issue de la pisciculture puisque, « en tant que chef, nous n’avons pas le droit de vendre de truite sauvage au restaurant », ra…