Coup de tonnerre dans le monde de l’insertion par l’activité économique (IAE). Le 24 octobre dernier, Api’Up a été mise en liquidation. Créée en 2012 à Capbreton, la structure était l’une des plus médiatisées du département. Elle collectait et valorisait les déchets d’environ 70 acteurs économiques des Landes et du Pays basque. Ses salariés transformaient notamment le bois, le cuir et le textile en meubles innovants. De nouvelles matières premières composites avaient été mises au point grâce à un partenariat avec l’université de Pau et des Pays de l’Adour. Devant le développement de l’activité, l’association avait même déménagé, fin 2023, dans un bâtiment flambant neuf de 800 m² dans la zone d’activités Atlantisud, à Saint-Geours-de-Maremne.
Moins d’un an plus tard, les salariés permanents de la structure ont été licenciés, les publics accompagnés replacés dans d’autres structures et les biens sont en passe d’être vendus par le liquidateur pour rembourser les créanciers. « Depuis 2022, l’État n’a pas suivi les besoins des structures, notamment en nombre de postes alloués, analyse Valérie Haffner qui dirigeait Api’Up. Le modèle économique de l’IAE est basé sur les aides aux postes et nous ne pouvions pas compenser les pertes par du chiffre d’affaires supplémentaire. D’autant que le public accompagné nécessite davantage de suivi. Nous n’avons pas résisté. Et Api’Up n’est pas un cas isolé. C’est compliqué pour toutes les structures d’IAE. »
Baisse des subventions
Dirigeante de l’association Voisinage, à Soustons, Fanny Ducamp partage le constat. « En 2020 et 2021, suite au covid, les structures de l’IAE ont été mobilisées par l’État comme rempart à l’exclusion des personnes les plus fragiles. Nous avons été encouragées politiquement et financièrement à développer des projets. Ça a été le cas avec les nouveaux locaux d’Api’Up, mais aussi avec la création de nouvelles activités un peu partout. Mais depuis 2022, les politiques publiques ne sont plus favorables à notre développement. Sur le papier, l’enveloppe ne baisse pas, mais comme nos besoins se sont accrus, nous avons moins de moyens pour réaliser nos missions. Beaucoup d’activités qui n’avaient pas encore trouvé leur équilibre en 2024 ont été condamnées. »
Voisinage, qui avait repris l’activité de maraîchage bio de Cultures Solid’ère en janvier 2024, a dû y mettre un terme six mois plus tard. Elle s’est également séparée de son activité d’e-commerce. « Pourtant, elle était très pertinente, déplore Fanny Ducamp. Elle amenait autre chose que ce que l’on fait sur la recyclerie et répondait au besoin d’insertion d’un public différent. Malheureusement, le contexte concurrentiel ne nous a pas permis de la maintenir. » En conséquence, l’association a dû supprimer quatre postes de permanents. « Depuis notre création en 1995, c’est la première fois que cela nous arrive. »

Api Up avait déménagé, fin 2023, dans un bâtiment flambant neuf de 800 m² dans la zone d’activités Atlantisud, à Saint-Geours-de-Maremne. © Api’Up
Évolution des publics accompagnés
À Bégaar, dans le Pays tarusate, l’Arbre à pain fait face à un autre défi. Créée en 2000, la structure organise des chantiers d’insertion dans les espaces verts et la rénovation de petit bâti, le maraîchage, la numérisation d’archives pour collectivités et entreprises, et une épicerie sociale. Grâce à 15 permanents, l‘Arbre à pain a accompagné 112 personnes en 2024.
Mais depuis quelque temps, la structure rencontre des difficultés à placer les personnes en fin de parcours. « Les publics que nous accueillons sont plus éloignés de l’emploi qu’auparavant, indique la directrice, Corinne Mulquin. Avec la baisse du nombre de demandeurs d’emploi, ce sont les personnes les plus fragiles psychologiquement qui nous sont adressées. Dès qu’on sort de la bienveillance, elles ont du mal à se positionner sur un emploi classique. »
L’Arbre à pain a donc dû mettre en place un accompagnement global et personnalisé dans le but de redonner confiance en soi à des personnes qui l’ont totalement perdue. Cette mission demande un suivi beaucoup plus pointu. « Aujourd’hui, nous avons besoin de renforcer l’encadrement des salariés, mais moins de moyens pour le faire. »

Dans le Pays Tarusate, l’Arbre à pain organise des chantiers d’insertion dans diverses activités dont une épicerie sociale. © L’Arbre à Pain
Marchés clausés
Pas question pour autant de baisser les bras. « Dans le département, nous avons la chance d’avoir des collectivités qui nous accompagnent, reprend Fanny Ducamp. Quant aux structures, elles sont proactives et n’attendent pas d’être au plus mal pour réorienter leurs activités. »
L’un des leviers qui peut être activé est celui des marchés publics. Dans le second œuvre ou l’entretien des espaces verts, par exemple, les structures d’insertion ont des atouts à faire valoir. « Cela suppose toutefois que les collectivités proposent des marchés clausés et que nos structures sachent y répondre. »
L’autre solution serait de revoir le financement des dispositifs. « Notre modèle économique nous insécurise, car il repose sur les subventions. » Si les structures d’insertion peuvent s’autofinancer à hauteur de 30 %, ce sont des aides publiques qui doivent représenter le reste de leurs ressources. Or, ces dernières ne sont pas automatiques. « C’est pour ça que certaines de nos activités sont déficitaires. Car, sur le terrain, nous sommes de plus en plus performantes et efficaces économiquement. » Par exemple, l’activité recyclerie de Voisinage, qui emploie 45 salariés en parcours d’insertion et 16 permanents, se porte très bien. « Grâce à la générosité des donateurs, nos magasins sont de plus en plus fréquentés. En 2024, nous avons dépassé les 5 700 adhérents, contre 3 800 en 2023. Et notre chiffre d’affaires est en progression de 11 % à Saint-Vincent-de-Tyrosse et de 7 % à Soustons. »
Pour poursuivre leurs missions, les structures aimeraient donc que la part d’autofinancement soit revue à la hausse… ou que les subventions suivent. « Les professionnels de l’insertion sont là pour révéler des compétences et redonner confiance à des personnes éloignées de l’emploi. J’aimerais qu’on nous donne les moyens de le faire correctement. »