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Chimie verte – Ryam, du pin dans les réservoirs

À Tartas, l'entreprise Ryam est une référence mondiale dans la fabrication de cellulose de spécialité. Pour valoriser ses résidus de production, elle a investi dans une nouvelle usine qui convertit les sucres extraits du pin des Landes en carburant respectueux de l’environnement. Et après le bioéthanol pour véhicules terrestres, elle envisage de produire du biokérosène pour avions.

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Ludovic Berdinel © Patxi Beltzaiz / Hans Lucas

Zéro gaspi. C’est le mot d’ordre de RyamTartas. Spécialisée dans la chimie verte, l’entreprise s’attache à valoriser au maximum le million de tonnes de pins des Landes qu’elle consomme chaque année. Si la production d’éther de cellulose est son activité principale, elle multiplie les innovations pour transformer ses résidus en co-produits.

Depuis longtemps déjà, le site industriel héberge une deuxième unité de production baptisée Avébène. En plus de convertir une partie des sous-produits en combustibles écologiques pour alimenter l’usine en énergie propre, elle est chargée de traiter les liqueurs de cuisson pour les transformer en lignosulfonates. Ces biopolymères servent d’additifs en particulier pour le béton et l’agriculture.

« Mais ces marchés sont cycliques et fluctuants, souligne Christian Ribeyrolle, président de Ryam France et vice-président de la division biomatériaux. Il y a trois ans, nous avons donc décidé de réorienter la production vers une niche à haute valeur ajoutée : le bioéthanol de seconde génération. » Pour cela, 36 millions d’euros ont été investis dans la création d’une bioraffinerie qui sera inaugurée le 28 juin. « C’est la première usine de bioéthanol cellulosique de deuxième génération en France. »

« La production de biocarburants se fera sans que l’usine n’utilise un arbre de plus que ceux qu’elle consomme déjà »

21 millions DE LITRES DE BIOÉTHANOL

Les travaux ont démarré en janvier 2023 et les premiers essais de production ont débuté 14 mois plus tard. « Outre le défi technologique, cela a représenté un gros défi humain, insiste Ludovic Berdinel, directeur d’Avébène. Nos équipes ont dû apprendre un tout nouveau métier. » 4 500 heures de formation, quatre embauches et une réorganisation complète des services ont été nécessaires pour lancer cette nouvelle production en avril dernier.

Le procédé industriel consiste à récupérer les sucres contenus dans les liqueurs de cuisson du bois, à les faire fermenter dans un fermenteur de 2 000 m3, puis à distiller l’éthanol dans quatre colonnes de distillation avant de le déshydrater. « L’éthanol produit atteint un degré de pureté de plus de 99,7 %, ce qui lui permet d’être vendu en tant que biocarburant E5, E10 et E85 », reprend Christian Ribeyrolle.

Ryam Tartas a signé un partenariat pluriannuel avec un « gros pétrolier international » pour écouler sa production qui pourra atteindre 21 millions de litres par an en période de croisière. « Cela permettra de réduire les émissions de COde 25 000 tonnes par an, soit la quantité émise par 12 500 voitures. »

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Christian Ribeyrolle est président de Ryam France et vice-président de la division biomatériaux. Cristian Ribeyrolle vice président biomatériaux et nouveaux produits chez RYAM © Patxi Beltzaiz / Hans Lucas

VALORISATION DES FUMÉES DE L’USINE

Mais Ryam Tartas ne compte pas s’arrêter aux véhicules terrestres. En partenariat avec la société Verso Energy, elle a lancé des études de faisabilité pour créer du biokérosène et ainsi entrer dans un programme de décarbonation de l’aviation. « Évidemment, comme pour la production de bioéthanol, cela se fera sans utiliser un arbre de plus que ceux que nous consommons déjà », insiste Christian Ribeyrolle. C’est en effet à partir des fumées de l’usine, que Ryam Tartas entend produire de l’e-SAF (electric Sustainable Aviation Fuel).

L’idée serait de capter le carbone biogénique présent dans les cheminées de l’usine et de le purifier, avant de le combiner à de l’hydrogène vert issu d’une unité de production à installer sur le site. Le carburant obtenu serait compatible avec les moteurs d’avions existants sans aucune modification technique requise. Il offrirait une solution de vol durable, en anticipation des futures réglementations imposant 35 % de SAF dans l’aviation d’ici 2050.

« Une étude environnementale et une étude de pré-engineering sont déjà en cours. Fin juin, nous déposerons également un dossier pour concourir à un appel à projets de l’Ademe sur le développement d’une filière de production française de carburant aéronautique durable. Avec notre co-investisseur, Verso Energy, nous aimerions lancer la production fin 2029 sur le site de Tartas. » L’investissement qui devrait dépasser le milliard d’euros permettrait de produire 80 000 à 85 000 tonnes d’e-SAF par an et générerait la création d’une centaine d’emplois.

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36 millions d’euros ont été investis dans la création de la première usine de bioéthanol cellulosique de deuxième génération en France. © Patxi Beltzaiz – Hans Lucas

RYAM TARTAS EN CHIFFRES

À l’entrée de Tartas, la « papète » ne fabrique plus de pâte à papier depuis longtemps. Reconvertie dans la chimie verte depuis une trentaine d’années, l’entreprise produit des celluloses de spécialité. Chaque année, un million de tonnes de pin des Landes sont ainsi transformées en 140 000 tonnes d’éther de cellulose. Ces polymères naturels apportent viscosité et texture à une large gamme de matériaux de construction, de revêtements, de produits alimentaires et pharmaceutiques.

L’unité principale emploie 300 personnes. Elle est complétée par une unité secondaire, Avébène, qui compte 26 salariés et participe à la valorisation des sous-produits de l’usine. 80 % des liqueurs de cuisson issues de la production d’éther de cellulose sont transformées en bioéthanol. Les 20 % restants continuent d’être valorisés en lignosulfonates.

Les deux unités font partie du groupe américain Ryam, qui les a rachetées au canadien Tembec en novembre 2017. Basé à Jacksonville en Floride, il dispose de deux usines de production aux États-Unis et une au Canada en plus de celle de Tartas.

Le site landais réalise un chiffre d’affaires annuel de 200 millions d’euros. Ryam France, présidé par Christian Ribeyrolle, dispose également d’un centre de recherche à Gradignan (Gironde), tandis que son siège est installé à Dax.

RYAM Tartas a lancé des études pour produire du biokérosène à partir des fumées de l’usine. © Patxi Beltzaiz – Hans Lucas

DEUXIÈME GÉNÉRATION : DES BIOCARBURANTS PLUS VERTUEUX

Le recours aux biocarburants permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur du transport. Mais la première génération de ces solutions de substitution aux carburants fossiles est controversée. Également appelés agrocarburants, ils sont en effet directement issus de la biomasse et sont critiqués pour entrer en compétition avec l’agriculture vivrière.

Les biocarburants de deuxième génération, pour leur part, utilisent la lignocellulose des plantes et n’entrent donc pas en concurrence avec les cultures vivrières. Il s’agit de déchets verts qui trouvent là une voie de valorisation, comme dans le cas de Ryam Tartas qui utilise ses résidus de production pour produire du bioéthanol.