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Cathédrale de Dax : le chantier du siècle

24 millions d'euros, c’est le montant des travaux pour la cathédrale de Dax mis à jour par l'audit-diagnostic d'un cabinet spécialisé. Comment faire face à un montant si important ?

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De nombreuses infiltrations d'eau ont provoqué des dégâts importants dans la cathédrale. © J. D.

Dax n’a pas la chance de figurer parmi les 87 cathédrales appartenant à l’État. Pour des raisons historiques tenant au siège de l’évêché, c’est la cathédrale d’Aire-sur-l’Adour qui jouit de ce statut dans les Landes. Dans la cité thermale comme pour une soixantaine d’autres cathédrales de l’Hexagone construites avant 1905 et la loi de séparation de l’Église et de l’État, la charge de l’entretien de Notre-Dame de Dax, aussi appelée Sainte-Marie, revient donc à la commune.

De nombreux désordres structurels sur les charpentes et toitures de l’édifice dacquois, des infiltrations d’eau et des fissures sur des murs ont été consignés en 2023 dans l’audit-diagnostic de l’agence Richard Duplat en région parisienne, spécialisée dans le patrimoine ancien. Protection anti-incendie, réfection complète de l’intérieur, corps de métiers spécialisés, échafaudages spéciaux… La facture s’élève à 23,9 millions d’euros pour cette commune de moins de 22 000 habitants. Soit à peu près le budget prévu pour la future salle de spectacles de l’agglomération.

État, institutions et mécénat

« L’ampleur des travaux et l’enveloppe associée sont énormes à l’échelle de notre collectivité dont le budget d’investissement est entre 7 et 9 millions d’euros chaque année. Il faudra étaler ça sur plusieurs années selon le degré d’urgence et en faisant appel à des cofinanceurs », selon le maire Julien Dubois. La cathédrale classique, construite entre le XVIIe et le XIXe siècle, est classée depuis 1946 aux Monuments historiques, ainsi que son portail des apôtres, dernier vestige de l’église gothique du XIIIe siècle, classé lui depuis 1884 ; l’édile espère donc arriver à un financement de l’État à 50 %, tout en faisant appel à d’autres institutions et à du mécénat comme ce fut le cas pour la basilique antique qui vient de rouvrir à l’automne dernier [LAL n° 4122 du 1er novembre 2024].

Dans ce contexte, Julien Dubois voit « d’un bon œil » l’idée avancée par la ministre de la Culture, Rachida Dati, de faire payer l’entrée de Notre-Dame de Paris pour financer le patrimoine religieux. Une contribution de 5 euros permettrait de récolter 75 à 100 millions d’euros par an : « On pourrait accompagner beaucoup de cathédrales comme la nôtre parce que sinon, le financement est très, très compliqué à boucler », poursuit le maire.

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De nombreuses infiltrations d’eau ont provoqué des dégâts importants dans la cathédrale. © J. D.

Faire payer l’entrée de Notre-Dame de Paris ?

Édouard de Lamaze, président de l’Observatoire du patrimoine religieux, est également en faveur de cette option, en ciblant ces fonds potentiels vers « les cathédrales communales en train de mourir ». Mais pour lui, les montants astronomiques des travaux partout en France ne seraient pas toujours justifiés. « Il faut mettre de la réglementation sur ces diagnostics qui deviennent démentiels. Les travaux qu’on impose aux maires, parfois inutiles, sont beaucoup trop élevés et faits à la louche par ceux qui vont ensuite réaliser les travaux ! On pourrait s’en sortir à beaucoup moins avec des choses sensées, il faut revenir sur terre », dit-il en lanceur d’alerte, alors que 3 000 édifices religieux sont actuellement « en souffrance » dans l’Hexagone (+ 21 % d’augmentation entre 2022 et 2024).

Un peu d’histoire

L’argent était déjà le nerf de la guerre au XVIIe siècle pour la reconstruction de la cathédrale de Dax qui a traîné en longueur jusqu’au XIXe. « Sollicitée, la régente Anne d’Autriche aurait accordé une imposition de 40 000 livres destinée au financement des travaux, que la dureté des temps n’aurait pas permis de percevoir », écrit Jean-Philippe Maisonnave, chargé de l’Inventaire du patrimoine par la région Nouvelle-Aquitaine : « Les travaux commencèrent en 1662 grâce à un don de 40 000 livres de Louis XIV, obtenu par l’intercession de Vincent de Paul. » Au XIXe siècle où furent finalement érigées les deux tours, les vitraux n’ont pas été achevés faute d’argent, et certains sont toujours blancs aujourd’hui.

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L’église de Téthieu pendant les travaux de couverture © D. R.

À Téthieu, 10 ans nécessaires

À Téthieu, l’église, non classée, a été fermée une première fois en 2016 : des gros fragments de pierre pouvant tomber du clocheton… Au fur et à mesure du diagnostic et des premières interventions, des surprises, de stabilisation du sol en poutre maîtresse fendue à 75 %, se font jour et la note totale atteint plus d’1million d’euros, incluant la rénovation intérieure qui va nécessiter une nouvelle fermeture des lieux en fin d’été pour une réouverture en 2026.

Dans cette commune du Grand Dax au budget d’investissement entre 600 000 et 700 000 euros, l’État a abondé pour 359 000 euros via la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la Fondation du patrimoine pour 52 000 euros, le Grand Dax pour 30 000 euros et le Département 6 500 euros. Des donateurs ont apporté 20 000 euros de plus.

Pour financer le reste à charge (600 000 euros), la commune a réalisé trois lotissements communaux, « nous-mêmes, sans promoteur », précise le maire, Alain Dubourdieu : « L’église et l’école dans un village, ça me semble primordial », dit-il, rêveur en voyant Notre-Dame de Paris où il y a eu « au final, plus de dons que de travaux ! »