Couverture du journal du 19/03/2025 Le nouveau magazine

Artiga change de mains

Quitterie Delfour, dirigeante depuis 25 ans de l’entreprise de linge basque, a cédé Artiga à Victorine et Corentin Waro, en décembre dernier. Toujours basée à Magescq, Artiga se donne de nouvelles ambitions.

Artiga

De gauche à droite : Quitterie Delfour, Corentin Waro, Christiane Brocas, Annie Guilhem (secrétaire de direction pendant 27 ans chez Artiga), Victorine Waro. © Bernard Dugros

Le jour de notre rendez-vous, l’émotion est vive : trois générations de dirigeants pour la même société, sans aucun lien de parenté, prennent la pose devant l’objectif au sein de la société Artiga. Il y a Christiane Brocas, 88 ans, qui a fondé l’atelier de confection en 1969. À ses côtés, Quitterie Delfour, qui a repris celui-ci et ses employées en 1999, lançant la marque Artiga qu’elle a développée pendant 25 ans. Enfin, place à la nouvelle génération, avec un jeune duo de repreneurs venus de Roubaix (Nord) : Victorine et Corentin Waro (frère et sœur, respectivement âgés de 36 et 33 ans) qui ont officiellement racheté l’entreprise le 5 décembre 2024.

Privilégier l’humain

« En 1999, quand j’ai repris l’atelier de confection de Magescq, je me suis lancé un pari audacieux, confie Quitterie Delfour. À l’époque, nos clients délocalisaient et allaient chercher de la main-d’œuvre dans des contrées lointaines. J’ai voulu maintenir coûte que coûte les savoir-faire de mes couturières en développant des articles de textile pour l’univers de la maison, aujourd’hui connus et réputés pour leur identité rayée et colorée. Mais surtout, plus que tout, je voulais conserver le personnel et les salariés. »

Une vision partagée par Victorine et Corentin Waro, qui sont à la tête d’une entreprise basée à Roubaix [Plaids Cocooning lancée en 2013, compte 300 revendeurs en France et à l’étranger, pour 2,4 millions de chiffre d’affaires en 2024, NDLR], et qui ont grandi dans l’univers du textile. « Le nerf de la guerre, c’est l’humain et le savoir-faire, souligne Corentin Waro. Lorsque nous avons rencontré Quitterie Delfour nous avons ressenti tout cela. »

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Corentin et Victorine Waro ont repris le flambeau de la maison Artiga. © Bernard Dugros

Jouer les synergies

Maintenue à flot par Quitterie Delfour dans un contexte économique difficile, Artiga a réussi à doucement se développer malgré des dettes qui persistent, dues à un plan de sauvegarde depuis 2019. Ainsi, la chef d’entreprise a doublé la surface de l’établissement de Magescq qui est passé, en mars 2004, de 900 m2 à 1 800 m2. En 2024, alors que la société écrit une nouvelle page de son histoire, elle compte 21 salariés, cinq boutiques et enregistre 1,7 million de chiffre d’affaires. « C’est une opportunité inattendue car nous n’avions aucun souhait de développement, confie Victorine Waro. Nous avons rencontré Quitterie sur le salon Maison & Objet en janvier 2024 car nous cherchions un fabricant français pour imaginer un plaid double matière. Nous avons collaboré et tout est parti de là ! » Très vite, les deux entreprises se trouvent des complémentarités et des synergies et l’idée de la reprise s’impose. « Artiga vend davantage en été. À l’inverse, nos plaids cartonnent en hiver, poursuit Victorine. Nous cherchons également à développer d’autres produits et Artiga va nous permettre cela. » Complémentarité des saisons, mise en place de liens dans la distribution grâce aux 300 revendeurs de Plaids Cocooning ou encore l’optimisation de certains postes comme le marketing et la communication, les deux entités, si elles sont distinctes, semblent avoir tout à gagner avec ce rachat. Reste à trouver en complémentarité 30 % de commandes ou travail à façon pour faire tourner l’atelier toute l’année. « Tout l’enjeu actuel est de se battre pour faire accepter un tarif français aux marques », souligne Corentin Waro.

Travailler la désirabilité

Côté organisation, ce dernier devient le nouveau directeur général d’Artiga, en poste à Magescq. Sa sœur, toujours basée à Roubaix, continue de diriger Plaids Cocooning tout en venant une fois par mois sur place pour développer le web et le digital. D’ores et déjà, les collections vont connaître des évolutions. « La rayure reste l’identité phare de la marque. Nous allons capitaliser sur trois toiles historiques d’Artiga et jouer les couleurs pour développer de nouveaux designs en accord avec la responsable de collection en poste depuis 17 ans, Annabel Brumont, explique Victorine Waro. Artiga va proposer des capsules pour suivre les tendances, nous pensons aussi à de nouveaux produits comme une robe de plage, pièce avec laquelle madame Brocas a lancé son atelier à l’époque. Artiga doit porter haut et loin les couleurs du made in France et devenir une marque transgénérationnelle. C’est une maison française de linge d’exception dont nous voulons faire briller le savoir-faire. » Dans son héritage, Artiga jouit déjà de la certification Origine France Garantie depuis 2012 et du label Sud Terre Textile.

Tout l’enjeu actuel est de se battre pour faire accepter un tarif français aux marques.

« Le deal, c’est la transmission »

Les atouts d’une reprise par rapport à la création

« Avant toute chose, il y a des bases et l’héritage d’une maison qui dispose d’un atelier avec du personnel qualifié et expérimenté. Quitterie Delfour nous a tout de suite dit clairement : « Le deal, c’est la transmission. » »

Les points clés pour une reprise

« D’abord, nous sommes à 100 % sur un financement personnel. À l’heure où des DNVB [entreprises nées sur internet dont le business modèle est essentiellement digitalisé, NDLR] lèvent facilement des fonds, en tant qu’indépendants, cela prend plus de temps. En ce qui nous concerne, tous les dossiers ont été transmis à nos cabinets de conseil, juristes et à nos banquiers qui ont tout décortiqué. Nous nous sommes posés pour bien réfléchir et au final, tous les voyants étaient au vert. »

La communication

« Si la priorité est de garder les emplois ici, rapidement, notre souhait après le développement de la distribution, est d’investir en communication et dans l’image de la marque. Nous travaillons déjà sur une refonte du logo et de l’identité d’Artiga. Pour la suite, pourquoi ne pas être présent sur TikTok car c’est là que ça se passe, communiquer dans la presse et travailler avec un bureau de presse parisien spécialisé dans notre univers. »