À voir ce qu’est devenu le Courraou (cœur du chêne en gascon), on a peine à imaginer que la bâtisse était sur le point de s’écrouler sous un tas de ronces il y a une quinzaine d’années. L’airial aux chênes centenaires comprend aujourd’hui quatre corps de bâtiments entièrement restaurés pouvant accueillir jusqu’à 30 personnes : une ferme du XIXe siècle, une maison du résinier, une bergerie muée en dortoir, un parc à moutons reconstruit en pool house, avec boîte de nuit insonorisée derrière les grandes vitres accolées aux colombages, piscine, jacuzzi, et maison de jeux des enfants dans l’ancienne grange à cochons.
RESPECT DE L’AUTHENTICITÉ
À quelques minutes de voiture de là, quartier Haou, une autre ferme est devenue gîte, et une auberge peut accueillir les hôtes à la nuitée dans un ensemble de charme à base de meubles de récup. Un peu plus loin à Callen, c’est un ancien relais de chasse, baptisé Cap Ouest, qui a été magnifiquement rénové, conservant, là aussi, les caractéristiques de l’habitat traditionnel.
Dans ces airials, un patrimoine architectural landais lié à l’ancienne économie agropastorale, élément identitaire de cette partie de la Gascogne, le respect de l’authenticité a primé dans la restauration, que ce soit dans les matériaux, la conservation des petites ouvertures en harmonie avec les proportions du bâti ou l’intimité des lieux. « C’est un travail de sauvegarde sur des trésors qui étaient en ruine », confie Pascale Daney qui œuvre là via une SCI montée avec André Bordes-Vidal.
Des bois datés du Moyen-Âge ont été réemployés pour refaire des colombages, des briquettes ont été mises à nu, les planchers ravagés par les termites reconstruits, une vieille baignoire a été été chinée dans une ferme du grand propriétaire forestier où vivaient encore il y a quelques années des métayers… Des artistes ou techniciens du festival Musicalarue de Luxey, et même Michel Polnareff, ont dormi ici. Quand ils réservent le reste de l’année, les locataires demandent parfois ce qu’ils vont pouvoir faire pendant le week-end. « Profiter de la nature », leur répond Pascale Daney.
DES LAGUNES EN GESTION PAR LE DÉPARTEMENT
À 105 ans, André Bordes-Vidal qui a marqué, avec sa famille, l’histoire de la forêt landaise, vit toujours à Luxey, dans la maison familiale du XVIIIe face à l’église. Ex-président des sylviculteurs du Sud-Ouest, de la DFCI (Défense des forêts contre les incendies) pendant 50 ans, administrateur des Papeteries de Gascogne et vice-président du Crédit Agricole d’Aquitaine, il fut à l’origine, en 1947, de l’assurance couvrant les risques incendie en forêt, qui « a permis de survivre aux feux de 1949 alors que tout le monde me disait que c’était impossible », témoigne celui qui fut des coulisses du mariage de la reine d’Angleterre avec Lili Lacoste, l’héritière de Château Pétrus, à la création de la maison de L’Estupe-Huc (éteindre le feu en gascon) à Luxey.
Depuis une dizaine d’années, ce propriétaire de milliers d’hectares s’est rapproché du Département pour la sauvegarde d’espaces naturels, échangeant des forêts galeries aux chênes remarquables contre des parcelles de pin maritime. Mais « je ne vends rien », a-t-il coutume de dire. Cet hiver, une Obligation réelle environnementale, dispositif foncier qui permet d’agir sur le long terme (90 ans en engageant héritiers et futurs propriétaires), a été signée sur quatre lagunes et deux zones humides entre Luxey et Callen, où vivent des espèces protégées (rainette ibérique, fadet des laîches). Le Département y fera du suivi et des plans de gestion, et peut-être un jour des animations pédagogiques pour sensibiliser le public à ces milieux naturels si landais.