On avait tant ironisé sur Arnaud Montebourg, arborant marinière Armor Lux, montre Herbelin et robot Moulinex pour promouvoir le Made in France en 2012. Et pourtant ! Quelque 10 années plus tard, tous les candidats à la présidentielle vont défiler au prochain salon du Made in France (MiF) et aux Assises du produire en France qui se tiendront du 11 au 13 mars, à Bordeaux. Il faut dire que la dernière édition parisienne du MiF, la 10e de ce salon créé en 2012 par Fabienne Delahaye, a été un succès. Il est passé de 80 exposants et 15 000 visiteurs pour sa première édition à 834 exposants et plus de 100 000 visiteurs en novembre dernier. La fondatrice ne peut que se satisfaire du chemin parcouru : « La prise de conscience s’est faite auprès des consommateurs, des médias et des politiques. » Confrontée aux effets néfastes de la désindustrialisation, cette organisatrice de salons a eu l’idée d’en créer un pour promouvoir les entreprises qui fabriquent en France, mais qui n’ont souvent pas les moyens de communiquer sur ce point. Le succès autour de la précédente édition a donné des ailes à l’événement pour s’exporter vers la province.
48 ENTREPRISES DE NOUVELLE-AQUITAINE
Alors que Lyon était la première ville pressentie pour l’accueillir, le salon se tiendra d’abord à Bordeaux, essentiellement grâce à sa rencontre avec le président de la Région, Alain Rousset, fervent partisan du made in France et de Dominique Mockly, PDG de l’usine Térega, gestionnaire du réseau de transport de gaz et de son stockage, basé à Pau : « Leur enthousiasme et leur soutien financier ont permis l’organisation de la manifestation », souligne-t-elle. Cette première édition rassemblera plus de 100 entreprises, dont quasiment la moitié (48) originaires de Nouvelle-Aquitaine. « Le salon est complet », se réjouit Fabienne Delahaye. La promotion auprès des visiteurs se passe aussi très bien : l’inscription est gratuite sur internet, ou payante à l’entrée du salon, et remboursée dès le premier achat. « Nous ne voulons pas réaliser de bénéfice sur les entrées, mais amener les consommateurs à acheter des produits made in France. Car plus les entreprises exposantes vendront, plus elles pourront investir et recruter, c’est un cercle vertueux », martèle Fabienne Delahaye. Tricots Saint-James, parapluies de Cherbourg ou Slip Français, les entreprises de textile sont bien représentées, tout comme les produits pour la maison, les accessoires, la beauté et la gastronomie.
C’est grâce à l’enthousiasme et au soutien d’Alain Rousset et de la Région Nouvelle-Aquitaine que ce salon peut se tenir à Bordeaux
LES FREINS À LA RELOCALISATION
Fort de cette présence, les Assises du produire en France, déjà partenaires du salon, ont décidé de s’inscrire dans l’événement bordelais en invitant les candidats à l’élection présidentielle. « Vous voulez tous relocaliser, alors qu’est-ce que vous mettez en place ? », interroge Fabienne Delahaye. « Sur des entreprises type PME, c’est envisageable, poursuit-elle.
Les candidats à la présidentielle veulent tous relocaliser mais qu’est-ce qu’ils mettent en place ?
Mais pour les grandes entreprises, c’est plus compliqué quand on a déjà délocalisé et que les produits intermédiaires qui constituent une chaîne de valeur sont répartis dans le monde entier. Cela demande des moyens considérables et des aides stratégiques importantes du gouvernement. » Les retours des entreprises concernant les freins auxquels elles sont confrontées sont les normes qui entravent les investissements, les coûts du travail, en particulier sur le travail qualifié, et le besoin d’aides à l’export.« Les entreprises ont aussi des problèmes d’apprentissage, de formation et de savoir-faire pour recruter les bons profils », ajoute Fabienne Delahaye.
DEMANDEZ LE PROGRAMME
Les Assises du produire en France, organisées par la certification Origine France garantie, rassembleront plus de 500 entrepreneurs, chefs d’entreprise, experts et personnalités politiques. La journée du 11 mars sera consacrée au grand oral des candidats aux élections présidentielles, interrogés par les journalistes Natacha Polony et Anthony Vitorino. Chefs d’entreprise et acteurs du made in France échangeront, le 12 mars, lors de tables rondes autour des thèmes : « Se sourcer localement pour préserver la planète » ; « Une industrie au service de la transition écologique » ; « La sécurisation des approvisionnements de l’industrie française » et « L’entrepreneuriat clé de l’industrie de demain ».
LE DÉCLIC
Avec la crise sanitaire, la fermeture inattendue des frontières et les fortes demandes en produits de désinfection, les pays ont été contraints à repenser leurs forces de production sur leur propre territoire. Cette crise a mis en exergue en particulier la forte dépendance dans l’approvisionnement de certains biens médicaux : gel hydroalcoolique, masques, gants, mais aussi médicaments, et la capacité de la France à mobiliser d’urgence son outil industriel. « La prise de conscience est antérieure à la crise, mais elle l’a très largement accélérée », confirme Fabienne Delahaye. Pour parvenir à relocaliser, les acteurs du secteur s’accordent sur certaines préconisations telles que l’évolution du code des marchés publics, l’inclusion dans les cahiers de charges des grands donneurs d’ordre publics comme privés de critères favorisant l’essor des productions de proximité, ainsi que des moyens d’accélérer les investissements, tant en recherche et développement que dans des outils de production plus modernes.
L’INDUSTRIE FRANÇAISE REPREND DES COULEURS
Le nombre d’ouvertures d’usines est de nouveau positif. Pourtant on partait de loin… La part du made in France a baissé de 2 points entre 2000 et 2015. C’est en particulier la crise de 2008 qui a entraîné une explosion des fermetures d’usines en 2009, et plusieurs années d’hémorragie industrielle avec la perte de 400 usines sur cette période (données de l’observatoire Trendeo). Mais de 2016 à 2021, le pays connaît au contraire un gain de plus de 120 sites. Après le coup de frein de l’année 2020, il enregistre un bond conséquent en 2021 et un bilan que l’on n’avait pas vu depuis 10 ans, confirmant la lente reprise de la réindustrialisation. Les 53 nouvelles implantations industrielles portent essentiellement sur des unités de production, mais aussi des plateformes logistiques et des centres de R&D. Des implantations auxquelles il faut ajouter 31 extensions de capacités de production, ainsi que 25 investissements significatifs de modernisation des outils de production. Parmi les tendances notables figurent l’émergence d’acteurs issus des start-ups, et l’essor des produits de recyclage et d’économie circulaire. La transition environnementale de l’industrie est à l’œuvre.