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Les Européens (presque) prêts à consommer local

Consommer local : les Européens sont d’accord, mais pas à n’importe quel prix, et surtout, pour des raisons diverses, qui vont de l’écologie au patriotisme. Tour d’horizon, avec l’observatoire Cetelem.

Les consommateurs européens retrouvent le moral, et 70% d’entre eux souhaitent privilégier une consommation locale. Telles sont les conclusions de l’étude « Think local, act local, 17 pays européens passés à la loupe », rendue publique en février. Pour la 35e édition de son étude annuelle, l’Observatoire Cetelem s’est concentré sur l’appétence des Européens pour la consommation locale. « Cela ne concerne pas seulement le produit, mais aussi la distribution, le fait de favoriser un commerce de proximité, plutôt qu’une plateforme Internet », précise Flavien Neuvy. Entre pays européens, les situations diffèrent de manière importante, qu’il s’agisse des motivations des consommateurs ou de la définition même de l’échelle du « local ». Ainsi, « dans les grands pays dotés d’identités régionales fortes, le local est associé à la région », constate le responsable. C’est le cas pour 85 % des Allemands, 76 % des Italiens, 81 % des Espagnols, et 75 % des Français. En revanche, dans les pays de l’Est et les pays de plus petite taille, le national est considéré comme local. Tel est l’avis de 72 % des Bulgares, 66 % des Tchèques et de 51 % des Danois. En revanche, à trois exceptions près (Slovaquie et Tchéquie et Roumanie), les Européens concordent sur un point : « l’Europe n’existe pas dans l’esprit du consommateur comme production locale », note Flavien Neuvy. Au total, seuls 5 % des Européens considèrent un produit européen comme local.  

MOTIVATION MAJEURE : SOUTENIR L’ÉCONOMIE

Une autre distinction importante sépare nettement deux groupes de pays européens : les premiers associent la consommation locale à un acte patriotique. Les seconds, à un acte en faveur de l’environnement. À l’Est, c’est avant tout le premier argument qui porte, et à l’Ouest, le second. Toutefois, au chapitre des raisons qui poussent les consommateurs à acheter local, « la dimension économique est majeure », estime Flavien Neuvy. Ainsi, pour 49 % des répondants, cette démarche permet de soutenir l’économie, 43 %, de soutenir l’emploi, 30 %, le lien social, et 25 % de limiter l’impact environnemental. Les consommateurs ont également davantage confiance dans les produits locaux. « Plus on est proche du lieu de production, plus la confiance est grande », remarque Flavien Neuvy. Là encore, l’Europe fait défaut : 75 % seulement des Européens trouvent la démarche rassurante. C’est toutefois plus que la confiance accordée aux produits venant des États-Unis (61 %) et de Chine (26 %). 

UNE OFFRE TROP RESTREINTE

Au-delà des convictions affichées par les consommateurs, reste l’épreuve du passage à l’acte. « Il y a une réelle volonté de consommer de façon responsable, mais elle est bridée par de multiples critères », observe Flavien Neuvy. Parmi ceux-ci, « l’offre de produits locaux est trop restreinte aux yeux des Européens ». Certes, ce n’est pas le cas dans tous les domaines. Dans l’alimentaire, par exemple, 93 % d’entre eux jugent l’offre suffisante. En revanche, 36 % seulement des Français estiment qu’ils ont une offre satisfaisante pour les produits de maison et de décoration. Autre souci, « lorsqu’elle existe, l’offre n’est pas toujours lisible (…). Le consommateur, qui fait des choix au quotidien, a besoin d’être accompagné de manière éclairée. « C’est avant tout une question de réglementation, même si les entreprises ont leur rôle à jouer », estime Flavien Neuvy. Ainsi, pour les trois-quarts des Européens, les labels sont un gage de qualité. Par ailleurs, « les consommateurs considèrent que la consommation locale est positive et ils ont envie de suivre. 

LES PLUS JEUNES PRÊTS À PAYER UN PEU PLUS CHER

Mais, les critères principaux restent le prix et la qualité, le rapport qualité/prix », souligne le directeur de l’Observatoire. De fait, si 61 % des Européens sont disposés à payer plus cher un produit local, cette ouverture trouve ses limites au plafond de 10 % du prix de départ. « La capacité à payer plus cher est limitée. Cela constitue un frein très important », conclut Flavien Neuvy. 

Dans leurs réponses, les Européens soulignent d’autres freins à la consommation locale : pour eux, de nombreux acteurs de la société ne s’impliquent pas assez pour promouvoir celle-ci. Par exemple, 56 % des entreprises seulement sont mobilisées sur le sujet, d’après les sondés. Le score tombe à 49 % pour les médias, et à 44 % pour les pouvoirs publics. Au milieu de ces difficultés, une note d’optimisme se dégage, portée par les nouvelles générations : « En Europe, plus on est jeune, plus la volonté de payer un peu plus cher pour la consommation responsable, est forte ».