Pour comprendre les rouages de la SASP Stade montois rugby, il faut d’abord identifier l’existence de cette société anonyme sportive professionnelle, bien avoir à l’esprit qu’on parle d’une entreprise de 88 salariés, et dans un même mouvement, reléguer aux oubliettes le fonctionnement du rugby d’antan. « On n’est plus du tout une association avec un président, des joueurs et une secrétaire. Les gens ont encore ce cliché en tête, et ça m’agace ! », prévient, dans un sourire, Isabelle Bugat. Dans le vocabulaire de la directrice générale des services (DGS) de la SASP, on trouve les mots « équilibre financier », « business plan » ou encore « partenaire ». « Pas sponsor. Le président Cazeaux n’aime pas ce terme. Dans partenaire, il y a l’idée d’une relation sur la durée. »
L’arithmétique est simple : les revenus tirés du partenariat public et privé représentent presque la moitié du chiffre d’affaires du SMR, soit 3,4 millions d’euros sur un budget global de 8,8 millions d’euros en 2023-2024. « C’est le modèle économique classique du rugby professionnel, qui est soutenu entre 40 à 50 % par les entreprises locales, contrairement au foot qui a des droits TV importants », pose Frédéric Laustriat, le directeur des opérations de la SASP.
Eovest, locomotive financière
Dans une stratégie bien établie, les 400 entreprises partenaires sont classées en fonction de leur degré d’engagement. Il y a les « majeurs » qui apparaissent sur la tenue de match des Jaune et Noir. La locomotive, c’est Eovest, le groupe de Jean-Robert Cazeaux, président du club et patron de plusieurs filiales dans le bâtiment, l’immobilier et l’énergie. Pas question de révéler le montant versé. « Mais sans lui, on serait en grande difficulté », glisse Isabelle Bugat. Sur le maillot, on trouve aussi les logos de Carrefour Mont-de-Marsan, Pédarré pneus (Profil Plus), le concessionnaire Ford local, Delpeyrat, Jetransporte.com, Jardiland, Maïsadour et l’installateur photovoltaïque Sunalya. Ensuite, il y a les « officiels », les « premium » et enfin, le club des partenaires. Avec des sommes allant de 1 000 euros à 250 000 euros.
En échange, que propose le SMR ? Une expérience qualitative pendant les matchs, de la visibilité au stade, du réseautage, des moments de convivialité sur-mesure. Chacun intègre le SMR Business Club et peut participer aux 10 évènements annuels, type « afterwork, ou speed-meeting business ».
Réseauter dans un salon flambant neuf
Conjointement, pour améliorer le confort des VIP et du grand public au stade Boniface, le SMR investit dans des travaux d’ampleur depuis plusieurs années, avec la rénovation de la tribune Dauga en 2017, et avec l’inauguration, début 2024, de la tribune Nord (3,7 millions d’euros d’investissement). « À l’étage, on a installé une loge panoramique de 600 m², la loge Eovest, et le salon 1963. On a quasiment doublé notre capacité d’accueil VIP », détaille Frédéric Laustriat.
Avec 1 300 places VIP, aux configurations multiples, tout est fait pour accueillir au mieux les entreprises partenaires pendant et en dehors des matchs. Car depuis 2017 et la création de SMR Events, le club développe de l’évènementiel avec mise à disposition des espaces réceptifs pour des séminaires d’entreprises, cocktails, repas de gala, et service traiteur avec des fournisseurs locaux partenaires. « Cette activité a rapporté 280 000 euros de chiffres d’affaires en 2023 », note Valentin Guyonnet, responsable commercial de la SASP. « C’est notre contribution directe à l’économie montoise, souligne Isabelle Bugat. Demain, si on descendait d’un niveau, ce serait un drame économique pour toute la ville. »

Ici une loge individuelle de la tribune Dauga. Et des configurations multiples pour les partenaires : salles de 270 m², 600 m², 1200 m², salons de 20 m², 56 m², etc. © Cyrille Vidal
Garder le cap dans la tourmente
Mais alors que les Jaune et Noir vivent une saison très compliquée, comment fidéliser et attirer d’autres entreprises ? « Normalement, les partenaires ont signé leur contrat avant que démarre la saison, ça, c’est notre sécurité. En revanche, pour la prospection, bien sûr que le manque de réussite sportive est corrélé directement à la difficulté qu’on va avoir à trouver de nouveaux partenaires », analyse Isabelle Bugat. L’intersaison est un moment clé. L’an dernier, 80 nouveaux partenariats ont été noués par l’équipe de six personnes de Valentin Guyonnet qui nuance l’impact des contre-performances du SMR : « Certaines entreprises nous rejoignent uniquement pour faire du business et passent les trois-quarts du match en loge à serrer des mains et nouer des contacts. »
Le mot d’ordre, pour les cadres de la SASP, consiste d’ailleurs à se détacher au maximum des résultats du club. C’est en se modernisant, en soignant son réseau de partenaires (et des relations parfois vieilles de trente ans), que le SMR entend promouvoir une identité de club et une histoire. « Notre force, c’est qu’on peut encore vivre ici le rugby que les anciens ont connu, sans être péjoratif, le merguez-saucisse-frites. Et d’un autre côté, être ultra-pro. Ce n’est pas du marketing, juste du bien-être à la landaise », selon Frédéric Laustriat. Un rugby gascon, en somme, « mais pas plouc », qui tient ses comptes au cordeau.