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[ Interview ] Thomas Le Thierry d’Ennequin, président de la fondation de l’Ecole supérieur de design des Landes : la passion du design

PDG du groupe Dentsu Media Europe-Moyen-Orient et Afrique, fondateur de l’éco-lodge Les Échasses à Saubion, Thomas Le Thierry d’Ennequin est un passionné de design. Un design mêlant idéalement esthétisme, durabilité et authenticité. Cette appétence, il la nourrit également à travers sa fonction de président de la fondation de l’École supérieure de design des Landes (ESDL). Rencontre.

Thomas Le Thierry d'Ennequin, design

Thomas Le Thierry d'Ennequin, Président de la fondation de l’École supérieure de design des Landes © D. R.

Les Annonces Landaises : Quelles sont les missions de la fondation de l’École supérieure de design des Landes créée en 2017 ?

Thomas Le Thierry d’Ennequin : On a créé cette fondation pour soutenir l’école, ses élèves et le corps enseignant. D’un point de vue pédagogique, l’idée est d’attirer des intervenants prestigieux pour dispenser un enseignement de qualité. On souhaitait également agir en faveur de la réputation de l’école. Pour ce faire, la fondation consacre du temps au marketing de l’école. Par ailleurs, et c’est une des missions majeures de la fondation, nous soutenons financièrement les élèves, en payant tout ou une partie des frais de scolarité d’une dizaine d’élèves par an. Ce soutien financier est basé sur deux critères : le mérite et le besoin.

Enfin, nous essayons d’offrir aux élèves de l’école des choses qu’ils ne pourraient pas s’offrir sans la fondation, notamment des voyages d’études. On s’est dit qu’il serait intéressant pour un petit nombre d’étudiants de se rendre dans des endroits où le design au sens large prend sa source. À ce titre, on a constaté qu’une des évolutions fortes du design concerne les nouvelles technologies et l’innovation. On a donc choisi, depuis quelques années, de financer pour quelques élèves la visite du Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas. C’est un événement mondial autour des innovations technologiques, des objets connectés et de l’intelligence artificielle. Les élèves qui ont la chance de s’y rendre rédigent ensuite un rapport d’étonnement et partagent leur expérience avec leurs camarades, mais aussi avec les autres filières de l’école.

On appelle effectivement à la générosité les particuliers, mais aussi les entreprises

LAL : Vous êtes un homme de communication et de média. Quelle est l’origine de votre intérêt pour le design et comment êtes-vous devenu président de la fondation de l’ESDL ?

Thomas Le Thierry d’Ennequin : Je suis intéressé par le design depuis longtemps. J’ai un certain nombre d’amis et de connaissances qui gravitent dans ce milieu et cela a contribué à faire éclore mon appétence pour le design. Je ne suis pas un expert, mais c’est définitivement un sujet qui me parle. Concernant la fondation de l’ESDL, j’ai effectué une prise de parole à un forum organisé par la CCI des Landes et, à cette occasion, j’ai fait une présentation qui a plu au directeur général, Michel Ducassé. Ce dernier m’a demandé si cela m’intéresserait de prendre la présidence de la fondation si celle-ci était créée. Je lui ai répondu que si je pouvais être utile, je serais heureux de m’impliquer dans le tissu économique local. Tout est donc parti d’une rencontre.

LAL : Après une première levée de fonds en 2017, une seconde vient d’être lancée. Quels en sont les objectifs ?

Thomas Le Thierry d’Ennequin : On appelle effectivement à la générosité les particuliers, mais aussi les entreprises. L’objectif est de mobiliser les entreprises du département et des départements voisins et toutes les bonnes volontés pour soutenir la fondation de l’ESDL. D’ici la fin de l’année, nous allons notamment organiser un dîner de charité avec une personnalité politique de premier plan. D’un point de vue organisationnel, il faut savoir que notre fondation est hébergée au sein de la Fondation de France. C’est un gage de très grand sérieux pour les donateurs. Si vous faites un don en faveur de l’ESDL, seule la Fondation de France est apte à le recevoir. L’argent est ensuite bien utilisé : c’est un collège de fondateurs et d’administrateurs, en accord avec le bureau des élèves, qui prend la décision de financer tel ou tel projet. Ce n’est pas le fait du prince. Tout est décidé, choisi avec comme seule préoccupation l’intérêt de l’école, des enseignants et des élèves. Je tends donc aujourd’hui la main et j’espère que mon appel sera entendu.

Tout est décidé, choisi avec comme seule préoccupation l’intérêt de l’école, des enseignants et des élèves

LAL : Peut-on faire des liens, établir des passerelles entre la communication et le design ? Vos deux « casquettes » sont-elles complémentaires ?

Thomas Le Thierry d’Ennequin : Bien entendu ! Aujourd’hui, les frontières s’estompent, disparaissent, et tout est un peu devenu médias et communication. Un grand nombre d’objets sont soit des médias à part entière, soit des composants d’un système média. Par exemple, les abribus Decaux sont des objets et, en même temps, des objets connectés destinés pour certains d’entre eux à des fins publicitaires. Les téléphones mobiles sont également des objets et des médias. Aujourd’hui, ces téléphones sont connectés à des sources de contenus, mais aussi potentiellement à d’autres objets comme votre four micro-ondes ou votre téléviseur. L’avènement des objets connectés, de l’intelligence artificielle, de la reconnaissance faciale montre bien la corrélation entre ce qui est média et ce qui est hors média. Ce lien entre design et communication, c’est l’avenir d’internet. Il est incarné par le métaverse : un environnement holistique dans lequel vous naviguerez avec un avatar.

Pour le moment, le métaverse est balbutiant, mais cela va devenir une réalité quotidienne. On commence déjà à voir des marques qui existent dans un monde virtuel. C’est le cas, par exemple, de Balenciaga qui promeut ses habits à l’intérieur d’un jeu vidéo. Design et média sont interconnectés.

LAL : En 2015, vous avez créé Les Échasses, un éco-lodge situé à Saubion. Ce projet est-il lié à votre passion pour le design ?

Thomas Le Thierry d’Ennequin : C’est cette version du design qui m’intéresse le plus. Les Échasses représentent une des facettes de mon intérêt pour le design, mais ce lieu est le contraire d’un design virtuel et de démonstration. C’est avant tout un design d’usage qui est à l’œuvre ici. Nous privilégions des objets esthétiquement intéressants et qui ont une forte valeur d’usage. Dans ma vision du design, un objet qui me plaît est un objet qui, quand il a été utilisé, est plus beau et plus intéressant que quand il était neuf. Concrètement, je pense qu’un bagage en cuir de très bonne facture est plus beau quand il a parcouru 250 000 kilomètres que quand il sort de la boutique. Et, selon moi, il en va de même pour les personnes.

LAL : Peut-on dire que Les Échasses font la part belle à un design très naturel ?

Thomas Le Thierry d’Ennequin : Ici, c’est très contre-intuitif. Quand j’ai acheté le domaine, c’était un champ de maïs pollué aux pesticides et aux OGM. Il a fallu 20 ans pour que Les Échasses deviennent ce qu’elles sont aujourd’hui. Il y a eu cinq à six ans de jachère pour assainir la terre. Puis il a fallu s’attaquer aux ronces qui avaient envahi tout le terrain. Après un dur labeur, on a réimplanté la forêt, inventé le relief, fabriqué les étangs et aménagé l’espace. En voyant le domaine, on pourrait penser que nous avons laissé la nature telle que nous l’avons trouvée. Mais ce n’est pas du tout le cas.

Les Échasses représentent une des facettes de mon intérêt pour le design, mais ce lieu est le contraire d’un design virtuel et de démonstration

L'éco-lodge Les Échasses, à Saubion , design

L’éco-lodge Les Échasses, à Saubion © D. R.

LA CCI DES LANDES AU CŒUR DE LA FORMATION

Créée en 2009 à Mont-de-Marsan, par la chambre de commerce et d’industrie des Landes, l’École supérieure du design des Landes (ESDL) propose actuellement six diplômes de formation supérieure dont trois mastères bac + 5, produit et économie circulaire, architecture d’intérieur et food design expériences. En quelques années, la qualité des formations dispensées et des équipes pédagogiques en place a fait de l’ESDL une école connue et reconnue dans l’univers du design.

Encouragée par ce succès et animée par la volonté de proposer des formations en adéquation avec la réalité du territoire, la CCI des Landes a lancé deux ans plus tard l’École supérieure du management des Landes (ESML). Avec deux cursus commerce et tourisme, cette initiative s’est inscrite dans une dynamique locale, en cohérence avec les bassins d’activité et d’emploi des Landes. Aujourd’hui, cette structure offre aux étudiants un univers profondément ancré dans l’entrepreneuriat. Enfin, jamais deux sans trois, l’année 2017 a vu la naissance de l’École supérieure du numérique des Landes. Un troisième projet qui a pour ambition de répondre à la profonde transformation des usages numériques et de former à l’ensemble des métiers liés au numérique, que ce soit dans le commerce, les services, l’éducation, le tourisme ou encore l’industrie.

LAL : Le design est bien souvent assimilé aux grandes villes, comme s’il ne pouvait être envisagé que dans un cadre citadin. En soutenant l’ESDL est-ce que vous aspirez à développer et démocratiser le design ?

Thomas Le Thierry d’Ennequin : Le design n’est pas du tout urbain et le design ne se limite pas aux objets. Le design des objets a été popularisé par des grands designers qui ont fait des objets surprenants, qui se sont vendus dans des magasins, ce qui a pu laisser penser que le design était quelque chose d’urbain. Pour moi, le design, c’est d’abord concevoir un produit qui a un bon usage. Ensuite, c’est opter pour une cohérence entre les matières qui le composent et l’usage qu’il doit avoir. Créer un objet design, c’est aussi créer un objet qu’on a envie d’avoir avec soi, un objet qui est ergonomique et, enfin, qui met en valeur un savoir-faire. Si on prend l’exemple d’une sacoche de travail faite par un cordonnier : elle doit être à la fois solide et souple. Sa conception fait appel à un savoir-faire de couture et de tannage. À l’inverse, une chaise en plastique inconfortable ou une carafe qui verse à côté –et cela existe- sont des aberrations du design.

Ce territoire est somptueux, les possibilités y sont très importantes

LAL : Avez-vous découvert des designers locaux dont le travail vous enthousiasme ?

Thomas Le Thierry d’Ennequin : Le designer Jean-Louis Iratzoki a consacré un livre à 50 objets emblématiques du Pays basque dans lequel il montre leurs usages et l’implication des métiers d’art. Il y promeut la valeur d’usage, la durabilité, l’esthétisme, la sobriété et l’authenticité. Son travail me plaît énormément. C’est quelqu’un qui fait travailler des gens qui ont un savoir-faire, des gens qui créent des objets qui ont du sens, qui pensent les objets dans la durée pour leur offrir un vrai cycle de vie et qui encouragent l’utilisation de matières recyclables.

design

Les étudiants en mastère
de l’ESDL ont conçu l’aménagement intérieur et extérieur de
« Ma maison bleue », espace d’accueil pour enfants autistes à Mont-de-Marsan © D. R.

LAL : En 2020, est née la marque « Landes – Terre des possibles », un label qui vise à valoriser les initiatives et les productions locales. Vous qui êtes très attaché à ce territoire, qu’en pensez-vous ?

Thomas Le Thierry d’Ennequin : Sur le principe, créer un label pour promouvoir le travail local, je trouve ça intelligent. Ce territoire est somptueux, les possibilités y sont très importantes. Il faut mettre en place toutes les mesures possibles pour le protéger. Il faut encourager un urbanisme maîtrisé, faire prendre conscience à la population de la qualité de l’environnement dans lequel elle vit, multiplier les mobilités douces, limiter la prolifération de l’habitat… Mais surtout, il faut qu’on essaye toutes et tous de fixer la valeur créée dans ce territoire sur ce territoire.

Il faut qu’on essaye toutes et tous de fixer la valeur créée dans ce territoire sur ce territoire

LAL : En tant que chef d’entreprise, avez-vous un conseil à donner aux élèves de l’ESDL et à tous ceux qui aspirent à devenir designer ?

Thomas Le Thierry d’Ennequin : Pour moi, il y a deux choses importantes : faire des choses qui nous plaisent et travailler énormément. Il n’y a pas de secret. N’importe quel chef d’entreprise qui a monté sa boîte et qui a une forme de réussite dans son domaine, aime ce qu’il fait et ça se sent quand il en parle. Personnellement, je ne connais personne qui s’était fixé comme objectif de seulement gagner beaucoup d’argent qui en a gagné beaucoup. Personne ! Si vous aimez ce que vous faites, que vous travaillez beaucoup et qu’en plus vous avez un peu de talent, alors il y a des chances pour que ça marche bien pour vous.

 

 homas Le Thierry d'Ennequin, design

Thomas Le Thierry d’Ennequin, Président de la fondation
de l’École supérieure de design des Landes
© D. R.

THOMAS LE THIERRY D’ENNEQUIN

LE PARCOURS

Depuis avril 2020 : PDG – Dentsu Media Europe- Moyen-Orient et Afrique Le groupe Dentsu est spécialisé dans les métiers de la communication, allant de la stratégie de communication marketing et la performance digitale à la création de contenus, le conseil en stratégie média, le data management et l’événementiel. Le groupe est présent dans 143 pays et emploie 46 000 collaborateurs dans le monde.

Depuis 2017 : Président de la fondation de l’École supérieure de design des Landes (ESDL)

Depuis juillet 2015 : Fondateur de l’éco-lodge Les Échasses, à Saubion

Depuis décembre 2012 : Président du groupe Vizeum

2012 : « Global clients » Aegis Media EMEA

2003 – 2011 : Fondateur et PDG de Vizeum France, agence de conseil média et d’achat d’espaces publicitaires

2000 – 2003 : Directeur général Carat Prospective

1997 – 2000 : Directeur du service clients Carat Scandinavie