Pour les Français, le foie gras est le grand incontournable des tables festives. C’est ce qui ressort, année après année, de l’enquête menée par l’Interprofession du foie gras (le Cifog) et l’institut CSA. Pour les fêtes 2024, les consommateurs peuvent être rassurés : conserves et mi-cuits seront au rendez-vous.
Après trois années d’influenza aviaire, la production a pu reprendre progressivement depuis l’été 2023. Selon les évolutions des six premiers mois de 2024, l’offre sur le marché français est estimée à 13 500 tonnes pour cette année, soit une hausse de 33 % par rapport aux deux années précédentes qui avaient plafonné autour de 10 000 tonnes.
Production d’exception
« Pour cette fin d’année, il y aura des volumes parce que tout le monde a pu travailler correctement et refaire du stock », se réjouit Jean Lafargue, président de la filière Canard fermier des Landes. La production estampillée Label rouge est une niche de marché ultra-qualitative. Quelque 185 producteurs élèvent et engraissent autour d’un million et demi de têtes – soit à peine 10 % de la production landaise – dans le plus grand respect de la tradition.
En Label rouge, les canards sont élevés en plein air pendant au moins 102 jours, soit dix de plus qu’en production sous IGP (Identification géographique protégée) qui est déjà reconnue pour sa qualité. Par ailleurs, les animaux sont engraissés au maïs grain entier, plutôt qu’à la farine de maïs en bouillie. La viande obtenue est ainsi beaucoup plus goûteuse. Les entreprises habilitées pour transformer ce produit d’exception sont triées sur le volet. Découpe et parage des pièces, préparation des foies gras, élaboration des confits… C’est l’expérience des opérateurs qui se retrouve dans la qualité du produit final.
D’ailleurs, ce n’est pas parce qu’un canard a été élevé selon le cahier des charges du Label rouge que son foie sera labellisé. Les entreprises réalisent un tri sévère à l’abattage. Le poids, la texture, la souplesse et l’absence de tâches sont décisifs pour obtenir le précieux sésame. En fonction des lots et des saisons, seuls 50 à 80 % des foies décrochent l’estampille. « C’est tout le travail des producteurs d’essayer de satisfaire à ce qui est demandé par le Label, souligne Jean Lafargue. C’est intéressant et ça valorise notre savoir-faire. »
Vaccination et confinement
Si la production a pu reprendre quasi normalement, c’est, selon lui, grâce à la campagne de vaccination contre l’influenza aviaire démarrée en octobre 2023. « L’acceptation par le consommateur nous avait un peu inquiétés, mais il y a finalement eu très peu de questionnements. » La vaccination est de toute façon déjà utilisée en élevage pour d’autres maladies, comme le choléra. De plus, « elle n’a eu aucune incidence sur la production, le comportement des animaux et la qualité du produit fini » ,assure-t-il.
« Ce qui nous embête vraiment, c’est la mise à l’abri des animaux. » Lorsque le risque de contamination passe au niveau élevé, ils doivent être confinés. « Or, l’élevage en plein air est un pilier de notre production. Nous ne sommes pas équipés ni prêts techniquement pour élever les canards à l’intérieur. » L’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité) a accordé une dérogation pour maintenir la labellisation des produits, même pour les canards confinés. Mais cela ne rassure pas les producteurs. Peu d’entre eux disposent de bâtiments suffisamment grands pour accueillir dans de bonnes conditions le nombre de canards qu’ils sont habitués à produire. Alors l’hiver, ils doivent diminuer leurs volumes de production, au cas où une mise à l’abri leur serait imposée. « Économiquement, c’est un manque à gagner. Sans compter que même avec de faibles densités, les canards vivent mal d’être enfermés. Leur comportement change. Ils sont plus énervés. Et cela a des conséquences sur la qualité des produits. »
La demande des producteurs est de pouvoir sortir les animaux une fois qu’ils bénéficient du protocole vaccinal complet. « Pour l’instant, cela ne nous a pas été accordé, déplore Jean Lafargue. Mais nous ne désespérons pas de l’obtenir un jour. »
Deux cas d’influenza dans les Landes
Le 7 et le 13 novembre, deux cas d’influenza aviaire hautement pathogène ont été détectés dans des élevages de canards vaccinés à Saint-Étienne-d’Orthe. Mais la filière n’y voit pas un échec de la vaccination. « Comme tous les vaccins, il n’empêche pas les animaux d’attraper le virus, souligne Jean Lafargue, président de la filière Canard fermier des Landes. Il leur évite d’être malades et de propager le virus. » D’ailleurs, ce ne sont pas des signes cliniques qui ont alerté sur l’état de santé des animaux, mais les analyses réalisées sur les canards avant qu’ils soient envoyés à l’engraissement.
Si la forte circulation du virus dans la faune sauvage en Europe, notamment chez les oiseaux migrateurs, a poussé les autorités à relever le risque de contamination au niveau élevé, la profession reste sereine sur la capacité du vaccin à protéger les élevages.