Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Ennolys, la vanilline, molécule star

Basée à Soustons et exportant dans le monde entier, l’entreprise de biotechnologies Ennolys qui vient de fêter ses 30 ans, ne cesse de grandir, en créant des substances naturelles par voie microbiologique, pour servir aussi bien les filières agroalimentaires que cosmétiques.

Ennolys

Bernard Azaïs, Directeur général d’Ennolys © Bernard Dugros

Au fil des ans, l’extension des locaux d’Ennolys dans la zone artisanale de Cramat, à  Soustons, a accompagné la croissance de la société restée longtemps discrète, cachée de la route par des arbres et d’autres entreprises. Désormais visible du rond-point, le dernier bâtiment construit en 2020 sur 1 800 m2, accueille les services logistiques et de stockage, au cœur d’un ensemble ultra-sécurisé de 4,5 hectares au total, une superficie doublée en 10 ans.

« Depuis 2015, plus de 30 millions d’euros ont été investis ici, notamment dans un atelier dédié à la vanilline – son extraction et sa purification ont ainsi été internalisées -, dans de nouveaux fermenteurs ou encore dans un lyophilisateur pour le séchage de bactéries lactiques », explique Bernard Azaïs, directeur général d’Ennolys depuis 10 ans.

« Quand je suis arrivé ici, nous avons acheté une bande de terrain de 40 mètres, puis le terrain d’à côté, puis celui des bus de la RDTL, ça n’a fait que grossir au fil du temps. Aujourd’hui, il n’y a plus de place. Est venu le temps de consolider ce que l’on a investi, en faisant plus sans s’agrandir. »

UN ACTEUR RECONNU MONDIALEMENT

Filiale du groupe nordiste Lesaffre, Ennolys à Soustons, c’est aujourd’hui 100 salariés (60 en 2015), un chiffre d’affaires de 27 millions d’euros (quasiment triplé en 10 ans), et une commercialisation de ses produits dans 25 pays. Une sacrée croissance depuis 1992 quand le groupe Lesaffre et la société Ascaf (Association des carburants par la fermentation) qui travaillait sur l’élaboration de biocarburants de seconde génération par fermentation à Soustons, se sont rapprochés pour créer la joint-venture Safisis (devenue Ennolys en 2015). Là, a commencé alors le développement de molécules aromatiques produites par fermentation, comme les acides organiques, l’acétaldéhyde et les lactones, avant la diversification et l’ouverture à l’international.

Le cœur de métier d’Ennolys – ainsi que du groupe Lesaffre -, c’est en effet la fermentation. Dans le hall chauffé de fermentation soustonnais sur une douzaine de mètres de haut, 10 fermenteurs de différents volumes, de quelques dizaines de litres à 50 m3, permettent de réaliser des conduites de fermentation très variées avec une importante diversité de souches de micro-organismes (bactéries, levures, moisissures), tout en maîtrisant les contaminations croisées. « Toutes nos productions passent ici, c’est le centre névralgique avec une salle de contrôle pilotée par des techniciens en 5×8, sept jours sur sept, 24 heures sur 24 », fait valoir Sophie Marciniak, la directrice technique.

Ennolys

La vanilline contient la même molécule que dans la vanille mais pas de gousse ni d’épice issue de fruits d’orchidées tropicales © Bernard Dugros

LEVAIN, ACIDES, BACTÉRIES

Dans l’usine, en plus de produire un levain bio sous forme liquide (un mélange fermenté de farine de seigle avec des levures rustiques et des bactéries lactiques), Ennolys a trois activités de base : Ennatech, un service de soustraitance pour des industriels souhaitant avoir recours aux procédés de fermentation sans disposer des ressources nécessaires en interne (essais de faisabilité, production par fermentation, etc.). Ennarom, pour sa gamme de molécules aromatiques naturelles (arômes pêche, pomme, coco, menthe, etc.), toutes issues de matières premières naturelles selon des procédés de bioconversion et biosynthèse. Et Ennallin pour la vanilline, son produit phare, et la plus grosse partie de son chiffre d’affaires. Pas de vanille épice issue de fruits d’orchidées tropicales ici, mais une fermentation de plusieurs jours de son de riz additionné d’une bactérie existant dans la nature, beaucoup moins chère à produire que les gousses de vanille contenant naturellement la vanilline, un aldéhyde aromatique. Après des étapes de filtration, purification et cristallisation, « notre procédé garantit un produit naturel, avec la même molécule que dans la vanille et une odeur et un goût caractéristiques », explique Bernard Azaïs.

Depuis 2015, plus de 30 millions d’euros ont été investis, notamment pour l’atelier vanilline, de nouveaux fermenteurs et un lyophilisateur pour le séchage de bactéries lactiques

« Notre savoir-faire se limite à produire l’ingrédient, précise Thomas Rager, directeur commercial et marketing. Toutes ces molécules aromatiques sont ensuite achetées par des aromaticiens, clients d’Ennolys, pour entrer dans des formulations à destination de l’industrie essentiellement agroalimentaire, et aussi dans la cosmétique. » La vanilline « capable, non seulement de parfaire la tenue et la longueur en bouche de l’arôme, mais aussi de casser l’acidité ou de masquer l’amertume de certains composants alimentaires », selon Ennolys, se retrouve notamment dans des madeleines, brioches ou crèmes glacées industrielles. Les notes salées des acides servent dans la filière fromagère, les arômes lactoniques pour les produits laitiers, les boissons ou les confiseries, et l’acétaldéhyde est employé par les industriels des boissons pour des « notes fraîches se rapprochant de la pomme verte ».

Ennolys

Thomas RAGER, Directeur commercial et marketing et Sophie MARCINIAK, Directrice technique. Dans le hall chauffé de fermentation soustonnais, 10 fermenteurs de différents volumes, de quelques dizaines de litres à 50 m3, permettent de réaliser des conduites de fermentation très variées © Bernard Dugros

SOUCHOTHÈQUE ET CERTIFICATIONS

Ici, « on ne fait finalement que reproduire ce que fait la nature. Les êtres humains utilisent les micro-organismes pour leur alimentation depuis la haute Antiquité, comme avec la bière issue de fermentation de céréales dans de l’eau. Il suffit ensuite de la mélanger à de la farine, et ça fait du pain, relève Bernard Azaïs. C’est toujours ce que l’on fait en cultivant, dans nos fermenteurs, des organismes vivants, issus de notre souchothèque, des souches isolées prises dans la nature. »

Ce qui se passe dans les cellules des bactéries, c’est ce qui se passe dans les cellules des plantes, c’est toujours de la biologie

Alors l’appellation arôme naturel, parfois décriée par certains, est âprement défendue par le directeur : « Est-ce que ce que développe une bactérie dans le sol est moins naturel que des plantes qui poussent ? Ce sont des êtres vivants au même titre que les végétaux, on est toujours dans le vivant. Ce qui se passe dans les cellules des bactéries, c’est ce qui se passe dans les cellules des plantes, c’est toujours de la biologie. Pour être arôme naturel en Europe, l’arôme doit exister dans la nature ; l’autre pré-requis est que tous les ingrédients pour fabriquer cet arôme naturel soient naturels eux-mêmes, et que l’arôme soit fabriqué biologiquement par un être vivant. » En termes de sécurité alimentaire, les procédés d’Ennolys sont par ailleurs labellisés FSSC 22000, une norme reconnue internationalement. Et la production est également certifiée halal et kasher pour pouvoir vendre les produits partout dans le monde (Moyen-Orient, Asie, Amérique du Nord), des marchés en développement.

Ennolys

Tests sur la production dans la salle sensorielle © Bernard Dugros

ENNOLYS EN CHIFFRES

100 salariés (60 en 2015)

27 millions d’euros de chiffre d’affaires (quasiment triplé en 10 ans)

Des produits commercialisés dans 25 pays

Filiale du groupe nordiste Lesaffre (1 100 employés, 2,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 65 sites dans 50 pays dont huit en France)