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Décision d’arrêt d’activité, quels recours ?

L’Inspection du travail peut ordonner l’arrêt temporaire d’une activité ou de travaux d’une entreprise. L’employeur confronté à une telle mesure dispose
de recours juridictionnels. Dans une décision du 2 octobre dernier, le Conseil d’État a estimé ces recours conformes à la Constitution. L’occasion d’évoquer ce pouvoir de l’administration, ainsi que les droits et devoirs des employeurs, face à cette situation.

Les conditions du 

prononcé d’un arrêt d’activité

En vertu de l’article L. 4731-1 du Code du travail,
l’inspection du travail peut ordonner l’arrêt temporaire d’une activité ou partie de l’activité d’une entreprise. Le cas le plus fréquent concerne l’existence d’un « danger grave et imminent », en particulier sur les chantiers de BTP. Bien que cette procédure soit assez peu utilisée elle peut se révéler catastrophique pour une entreprise qui voit son activité paralysée.

Un arrêt d’activité ne peut être prononcé que si deux conditions sont cumulativement réunies :
– un travailleur est dans une situation de « danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé » ;
– la cause du danger réside en une infraction à l’article L. 4731-1 du Code du travail : défaut de protection contre les chutes de hauteur, utilisation d’équipements de travail dépourvus de dispositifs de protection ; risque de contact électrique direct avec des pièces nues sous tension…

La procédure

Au cours d’une inspection, lorsqu’un agent de contrôle constate que ces deux conditions sont réunies, il peut prendre « toutes mesures utiles visant à soustraire immédiatement » ce travailleur à ce risque, et notamment « l’arrêt temporaire de la partie des travaux ou de l’activité en cause ».

La décision de l’agent de contrôle, qui relève les éléments caractérisant la situation de danger grave et imminent (date, heure, faits, lieu, identification de l’entreprise, nature de l’activité en cause…), doit être écrite. Elle précise les mesures que l’agent prend pour remédier à ce danger : si celui-ci donne l’ordre de retrait immédiat alors, le document doit mentionner le nombre et le nom des salariés concernés par la mesure (cf. arrêté du 29 juin 1992 relatif aux mesures d’arrêt d’activité).

La décision est d’application immédiate. L’agent de contrôle communique par tout moyen sa décision à l’employeur.

La décision d’arrêt temporaire d’activité ne peut entraîner ni rupture, ni suspension du contrat de travail. Le non-respect des règles de sécurité étant imputable à l’employeur, la rémunération du ou des salariés doit au contraire être maintenue pendant l’arrêt de l’activité. Le fait pour l’employeur de ne pas se conformer aux mesures prises par l’agent de contrôle est puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 euros, peine appliquée autant de fois que de salariés concernés.

Les obligations à la charge de l’employeur

Une fois la décision d’arrêt notifiée, l’employeur doit rapidement informer par écrit l’Inspection du travail des mesures prises pour faire cesser la situation de danger. Cette lettre est remise par tout moyen à l’inspecteur du travail. L’agent de contrôle vérifie en urgence, et au plus tard dans un délai de deux jours à compter de la date de réception de la lettre de l’employeur, le caractère approprié des mesures prises pour faire cesser la cause de danger grave et imminent.

Après vérification, il autorise ou non la reprise des travaux ou de l’activité concernée. Cette décision doit être notifiée au plus dans le délai d’un jour franc après la vérification d’urgence.

Comment contester une mesure d’arrêt d’activité ?

Étrangement, avant l’ordonnance du 7 avril 2016 relative au contrôle de l’application du droit du travail, le contentieux d’une mesure d’arrêt d’activité relevait de la compétence du président du Tribunal de Grande instance qui pouvait statuer en référé. Par souci de cohérence, le gouvernement a souhaité transférer la contestation de cette mesure vers son juge naturel : le juge administratif. À ce titre, le Conseil d’État souligne que la contestation d’une telle mesure relève désormais « du droit commun des recours devant le juge administratif, c’est-à-dire, au fond, du recours pour excès de pouvoir et aussi, pour le référé que mentionne explicitement l’article L. 4731-4, des dispositions des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative ».

Ainsi, principalement deux voies de contestation s’ouvrent à l’employeur qui désirerait s’opposer à une telle mesure. D’une part, il peut introduire un référé-suspension prévu à l’article L. 521-1 du Code de justice administrative. Il lui faudra prouver l’urgence à statuer (en produisant, par exemple, des bilans comptables mettant en lumière les larges pertes financières provoquées par la décision de l’Inspection du travail) et l’illégalité de la décision (en se référant à la forme, ou au fond de la décision : existait-il vraiment un danger grave et imminent ?). En cas d’urgence absolue l’employeur pourra également introduire un référé-liberté prévu à l’article L. 521-2 du même code. Pour cela, il lui faudra également prouver l’urgence à statuer ainsi que l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale (liberté d’entreprendre et droit de propriété).

Le Conseil d’État estime que ces deux recours permettent une « contestation utile » de la mesure, de sorte qu’ils ne portent pas atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif ni à la liberté d’entreprendre.