Le matin de la corrida. L’endroit est sombre, exigu. Grand silence pour ne pas agacer les cornus tout proches. Seuls les hommes de confiance des maestros, l’éleveur, les organisateurs, connaissent le rendez-vous. C’est là que, le hasard, la main de Dieu, la vierge de la Macarena, selon chacun, décidera de l’avenir des matadors qui rentreront dans l’arène l’après-midi. Le triomphe ou la mort. En un premier temps, les hommes de confiance des matadors et l’éleveur vont au plus près des cornus pour composer des paires selon une alchimie qui n’appartient qu’à eux. Souvent le moins imposant est appairé avec le plus solide. Celui qui a les cornes les plus affutées avec celui qui présente des cornes a priori plus commodes. Les peones de confiance écoutent avec attention l’éleveur qui a passé quatre années avec ses bêtes. « Celui-là est le plus fougueux », dit-il. Il s’agit de faire que les trois maestros soient sur un pied d’égalité. Les paires sont constituées en grand secret.
Toro de réserve
On choisit également celui qui sera en réserve et qui ne sortira dans l’arène qu’en cas de blessure de l’un de ses congénères. Le public imagine souvent que le toro de réserve, le sobrero, est le moins joli, un rebut. En réalité, le choix du pensionnaire qui sera mis en réserve est parfois l’occasion pour les professionnels d’éviter à leur petit protégé d’avoir à affronter l’animal le plus redoutable. Pour preuve, « Delicado » le toro qui a été gracié, le 16 août dernier, lors des ferias de Dax par le matador français Clemente était le toro de réserve. Trois fois déjà son imposante charpente et ses cornes « astifinas » lui avaient valu d’être mis en réserve. Il a rejoint aujourd’hui ses terres près de Cadix et est utilisé pour la reproduction.
Recueillement mystique
Les numéros des taureaux qui composent les paires sont inscrits sur une feuille de papier à cigarette roulée en boule et glissée dans un chapeau. Il y a donc trois boules (dans certaines arènes, pour que les boules de papier froissé ne soient pas reconnaissables, elles sont mises dans de petites sphères de métal). À tour de rôle, non sans s’être signés plusieurs fois, et dans un recueillement mystique, les délégués des hommes habillés de lumière plongent la main dans l’urne de fortune et tirent le papier qui décidera du sort de l’après-midi. Le chapeau vidé, chacun appelle son chef pour lui donner le résultat. Les taureaux seront rangés dans les « chiqueros » selon leur ordre de sortie dans l’arène l’après-midi. Tout est prêt. Suerte Maestro !