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Abandon de poste et présomption de démission

La loi prévoit désormais que le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de le faire est présumé démissionnaire. Comment appliquer ces nouvelles mesures ?

Nathalie HAZERA, avocate spécialiste en droit du travail, à Dax et Mont-de-Marsan poste

Nathalie HAZERA, avocate spécialiste en droit du travail, à Dax et Mont-de-Marsan © Avenir Data

Le salarié quitte soudainement son poste de travail, sans raison apparente ou légitime et sans en informer son employeur. Le salarié ne se présente plus à son poste de travail. Ces deux comportements désorganisent l’entreprise, mais aussi le travail de ses collègues puisque l’employeur n’a pas pu pourvoir à cette absence imprévue.

Ces comportements « forçaient » l’employeur à licencier le salarié, souvent pour sortir de cette situation embarrassante d’entre-deux, et pourvoir de nouveau durablement le poste de travail. Par la loi du 22 décembre 2022 et son décret d’application du 18 avril 2023, il va pouvoir engager une procédure à l’issue de laquelle le salarié qui n’aura pas repris son poste sera présumé démissionnaire.

1.  AUPARAVANT

L’employeur ne pouvait jamais considérer comme démissionnaire un salarié au seul motif qu’il avait abandonné son poste de travail. Car selon une jurisprudence, la démission nécessite une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail. L’employeur n’avait donc pas d’autre choix que d’engager une procédure de licenciement, pour faute simple ou grave.

2.  AUJOURD’HUI

Le salarié sera présumé démissionnaire et sera privé des allocations de chômage, si l’employeur a mis en œuvre la procédure suivante : mise en demeure (envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception) au salarié de justifier son absence et de reprendre le travail.

La loi prévoit également que l’employeur puisse remettre cette lettre en main propre contre décharge. Ce procédé ne sera sans doute jamais utilisé car cela suppose de se rendre au domicile du salarié (puisque celui-ci ne vient plus au travail), l’y trouver et que le salarié accepte de signer une telle lettre.

La démission sera présumée lorsque 15 jours calendaires se seront écoulés sans reprise du travail ou sans justification. Ce délai court à compter de la présentation de la mise en demeure.

Il est conseillé à l’employeur de rappeler que, passé ce délai, faute pour le salarié d’avoir repris son poste, ce dernier sera présumé démissionnaire.

3.   LA RÉACTION DU SALARIÉ

Celui-ci peut faire obstacle à cette démission :

  • En faisant un courrier indiquant qu’il a un motif légitime d’absence, tel que notamment, des raisons médicales, l’exercice du droit de retrait prévu à l’article L. 4131-1, l’exercice du droit de grève prévu à l’article 2511-1, son refus d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ou la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.
  • En saisissant le conseil de prud’hommes pour contester la rupture de son contrat et qu’il obtienne gain de cause devant le bureau de jugement (qui aura, en théorie, un mois pour statuer).

Nous pouvons donc supposer que le premier cas d’opposition a lieu avant l’écoulement du délai de 15 jours, puisque le second cas évoque le fait que la rupture ait eu lieu.

Le salarié peut aussi confirmer qu’il ne reviendra pas. Il sera considéré comme démissionnaire, mais uniquement à l’issue du délai laissé par l’employeur.

4.   LES CONSÉQUENCES DE CETTE DÉMISSION

Le préavis

Le salarié est juridiquement redevable d’un préavis. Si le salarié n’exécute pas son préavis, l’employeur peut lui demander une indemnité compensatrice correspondant aux sommes que le salarié aurait perçues s’il avait exécuté son préavis (ce qui suppose une action en paiement devant le conseil de prud’hommes).

L’employeur peut dispenser son salarié d’exécuter son préavis, en lui payant ce préavis.

L’employeur et le salarié peuvent se mettre d’accord pour que le préavis ne soit pas exécuté : dans cette situation, aucune indemnité compensatrice n’est due. Le préavis de démission commence à courir à compter du jour ultime fixé par l’employeur pour la reprise du travail de son salarié en abandon de poste. Ce jour est fixé dans la mise en demeure qu’a adressée l’employeur à son salarié.

Somme à verser

Les congés payés générés mais non pris par le salarié sont à verser.

Documents de fin de contrat

Ils sont à établir conformément à toute autre rupture de contrat de travail.

5.  LE LICENCIEMENT POUR FAUTE PEUT-IL ENCORE ÊTRE UTILISÉ ?

Oui. Rien ne l’interdit et parfois il sera plus opportun que cette nouvelle procédure qui n’est pas sans risque pour l’employeur.

En effet, si les juges concluent que la présomption de démission ne peut pas être retenue, la rupture devrait logiquement être requalifiée en licenciement

sans cause réelle et sérieuse, avec les conséquences financières que cela induira pour l’employeur.

Celui-ci devra donc s’assurer qu’aucun manquement ne peut lui être reproché avant de prendre acte de la démission.

Avant d’utiliser cette procédure spécifique de mise en demeure, il devra se demander s’il n’est pas préférable d’avoir recours à un licenciement pour abandon de poste.

 

Attention ! Les employés de maison sont soumis à quelques dispositions du code du travail, énumérées par l’article L. 7221-2. Or ne font pas partie de ces dispositions, celles relatives au licenciement et à la démission (prévues par leur convention collective).

En sorte que le nouvel article L 1237-1-1 du code du travail, créant cette nouvelle « démission présumée », ne leur est pas applicable.

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