Les étudiants en droit à la Sorbonne au début des années 1990 suivaient les cours de droit des sociétés de l’éminent professeur Yves Guyon qui leur enseignait qu’à l’instar de la société civile au sens politique du terme, la viabilité des sociétés privées impliquait un subtil équilibre et une saine répartition des pouvoirs, notamment entre le pouvoir exécutif (la direction de l’entreprise) et le pouvoir législatif (l’assemblée des associés/actionnaires). C’était l’époque où se posait la question de l’entrée des salariés aux conseils d’administration des sociétés anonymes afin qu’une représentativité de tous ceux qui font l’entreprise puisse s’y exprimer. C’était également l’époque où les actionnaires attendaient au premier chef un retour sur investissement et une rémunération substantielle de leur participation en capital.
La vocation première de la société, quel que soit son objet social, était de faire des bénéfices. Ces bénéfices étaient les profits et les avocats d’affaires étaient souvent questionnés sur l’optimisation desdits profits, via notamment de subtils montages en droit des sociétés. À l’heure où se pose pour chaque citoyen la question du sens, et que la génération « WHY ? » entre dans le monde du travail, il était logique que l’univers du droit des affaires soit également impacté par ces questionnements relatifs à la signification des termes « faire société ».
La loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) du 22 mai 2019 qui aurait pu être dénommée « loi impact » a modifié le Code civil, en reprenant une tendance de fond, puissante et salvatrice : la performance économique n’est pas antinomique avec l’intérêt collectif et l’entreprise peut aussi poursuivre un but sociétal et/ ou environnemental.
L’entreprise du XXIe siècle peut renouer, quelle que soit sa taille, avec la notion de bénéfices au sens étymologique du terme, « beneficio », faire du bien. L’entreprise va pouvoir « dégager des bienfaits ». Son modèle économique sera dès lors basé sur sa contribution dans la société civile. Dans cette perspective, la loi PACTE organise une fusée à trois étages :
- Premier étage : la loi complète la définition légale de l’intérêt social (1).
- Deuxième étage : la société peut se doter d’une raison d’être (2).
- Troisième étage : la société peut adopter le statut « d’entreprise à mission » (3)
L’ENTREPRISE DU XXIe SIÈCLE PEUT RENOUER, QUELLE QUE SOIT SA TAILLE, AVEC LA NOTION DE BÉNÉFICES AU SENS ÉTY…