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Tribunaux de commerce de Dax et Mont-de-Marsan : les entreprises subissent le « rattrapage covid »

Les deux tribunaux de commerce landais affichent un bilan 2024 en demi-teinte. S’ils enregistrent une hausse des créations d’entreprises, les dossiers de sociétés en difficulté sont en augmentation. En cause, notamment, la nécessité de rembourser les prêts ou aides consenties par l’État pendant la période covid.

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Une stabilité générale assombrie par une bonne dose d’inquiétude, voilà qui pourrait résumer l’économie landaise en 2024, vue par les présidents des deux tribunaux de commerce du département. Dans les grandes lignes, pour le ressort de Mont-de-Marsan (grosso modo, le territoire situé au-dessus d’une diagonale fictive qu’on tracerait entre Parentis-en-Born et Aire-sur-l’Adour), Gilles Roumégoux parle d’une « activité équivalente à 2023, contrairement à ce que pourraient vous dire les présidents de tribunaux de commerce d’autres départements ». Pas de baisse massive des créations d’entreprises, donc, ni de fermetures en cascade. L’économie landaise, certes fragilisée, a résisté. « Dans les Landes, il n’y a pas de catastrophe annoncée », constate identiquement son homologue dacquois, Dominique Cassagnau, qui a sous sa houlette « l’arrondissement de Dax, toute la côte sud jusqu’au canton de Mugron, Maremne Adour Côte Sud, le Seignanx, etc., c’est-à-dire une zone qui concentre 55 à 60 % de l’économie landaise ».

Le BTP, un secteur qui souffre

Dans le détail, la juridiction montoise a vu la création de 1 149 entreprises l’année dernière (1 481 pour la juridiction dacquoise), ce qui représente une hausse de 19 % par rapport à 2023. Les redressements judiciaires y ont augmenté de 10 %, les radiations de 15 % ; pour les liquidations, les chiffres sont stables. Ce qui inquiète surtout le président du tribunal de Dax, c’est l’augmentation du nombre d’entreprises en difficulté (+ 22 % dans son ressort par rapport à 2023), et celle des litiges en contentieux, qui s’élève à + 26 %. Autre signal d’alerte à prendre en compte, la typologie de ces entreprises. « On constate que de plus en plus d’entreprises avec un plus grand nombre de salariés et un chiffre d’affaires plus important se retrouvent en redressement », note Dominique Cassagnau. « Les petites structures souffrent aussi, notamment dans l’immobilier. Parmi elles également, dans les métiers de bouche, des petits établissements de restauration qui n’ont pas beaucoup de couverts, des artisans commerçants. Le bâtiment ne va pas très bien, les petits entrepreneurs du BTP, les plâtriers, les plombiers, etc. non plus. », illustre Gilles Roumégoux.

Hausse des litiges

Quand une entreprise ne va pas bien, elle a deux façons de rencontrer le tribunal de commerce sur son chemin. Souvent, la rencontre a lieu « trop tard », déplore le pharmacien à la retraite. Soit, le ou la cheffe d’entreprise s’y présente spontanément pour un entretien avec le président du tribunal et la recherche de solutions. Par exemple, la nomination d’un administrateur qui ira plaider la cause de l’entreprise et négocier un étalement de sa dette afin de libérer de la trésorerie. On parle de prévention spontanée. « Il y en a eu 22 l’année dernière, quand il en faudrait 80 », s’exclame Gilles Roumégoux. Soit l’entreprise est assignée par un tiers qui se plaint de sa mauvaise santé financière. Pour la juridiction montoise, 107 chefs d’entreprise ont procédé l’année dernière à une déclaration de cessation de paiements (contre 113 en 2023), 130 pour la juridiction dacquoise (stable par rapport à 2023). En revanche, les assignations ont beaucoup augmenté dans les deux ressorts. « Cela signifie qu’un créancier est venu au greffe pour dire qu’il n’était pas payé. On a eu 29 cas en 2024, contre 10 en 2023 », explique le juge montois. Au tribunal de Dax, les chiffres ont explosé, avec + 160 % des assignations en liquidation ou en redressement.

Les aides covid, bombes à retardement

Qui se cache derrière ces assignations ? Un fournisseur, une banque, on l’a dit. Mais aussi, l’État ou l’Urssaf. « Un phénomène apparu au second semestre 2024 », précise Dominique Cassagnau. C’est l’effet des aides covid, qui agissent comme des bombes à retardement. L’heure est venue pour les entreprises de payer ce qu’elles doivent et qui avait été suspendu pendant la pandémie. « L’Urssaf, les impôts et les caisses de prévoyance ont assigné en liquidation ou en redressement massivement au second semestre. » Ce rattrapage covid concerne aussi le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE). « Bien sûr que les PGE ont mis les entreprises dans la panade au moment du remboursement, complète Gilles Roumégoux. Ma crainte, c’est qu’on voie davantage encore d’entreprises en difficulté en 2025, parce que depuis octobre 2024, ils toquent à toutes les portes pour réclamer les remboursements. »

Dans ce contexte, les deux présidents entendent renforcer cette année leurs partenariats et actions de communication auprès des experts-comptables, des banques, des écoles de commerce et de management ou encore de la chambre de commerce et d’industrie, afin de faire connaître le rôle préventif du tribunal de commerce. « Il faut impérativement que les gens se sortent de la tête que c’est mal de ne pas réussir dans l’entrepreneuriat. On a le droit de se planter à condition de tirer les leçons de ses échecs pour mieux rebondir », conclut Gilles Roumégoux.