Traditionnellement cultivé en Asie et découvert par le naturaliste suédois Magnus von Lagerström (1696-1759), le lagerstroemia, ou lilas des Indes, fut introduit en Europe il y a deux siècles. Et c’est au sud de la Loire qu’il s’est largement acclimaté grâce à des conditions météo favorables. Dans les Landes, sa floraison explosive égaye les rues et jardins du printemps à l’automne. Et à Estibeaux, en pleine Chalosse, les pépinières Scrive, tenues aujourd’hui par Antoine Scrive, petit-fils du fondateur, en produisent à ce jour une vingtaine de variétés, en plein champ, avec jusqu’à parfois 30 000 pieds plantés annuellement, dans une culture très technique pour faire monter les troncs harmonieusement sous deux serres de 3 000 m².
Zéro phyto
Depuis 2016, « on a arrêté tous les produits de synthèse, insecticides, désherbants, etc. On travaille avec des techniques innovantes : eau dynamisée en collaboration avec Jean Thoby [pépiniériste bien connu de Gaujacq œuvrant notamment avec Chanel pour ses camélias, NDLR], protection biologique intégrée avec prédateurs naturels… Ça nous a apporté une autre dimension, une nouvelle vision du végétal et un renouveau au sein de l’entreprise », explique le gérant (sept salariés). Sans doute une façon de travailler qui a aussi plu au roi d’Angleterre, très sensible au développement durable.
Le sujet qui sera planté mi-septembre dans les jardins de la Sandringham House, dans le Norfolk anglais, une des résidences privées de la famille royale, est de la variété « Braise d’été », un des plus vieux spécimens de la pépinière, âgé d’une vingtaine d’années avec ses 2,80 m de haut et 420 kg.
Avec la Royal Horticultural Society
« Sous la gamme Indiya Charms, on a quatre variétés qui nous appartiennent, brevetées et protégées, en collaboration avec Christian Gaurrat, pépiniériste à Pau qui hybride les variétés et avec qui on a monté une société en 2007. Celles-là fleurissent même s’il fait mauvais alors que pendant longtemps, il fallait au lagerstroemia un temps beau et chaud et il ne marchait pas au nord de la Loire. Avec le réchauffement climatique, tout le marché nord européen peut fonctionner », selon ce membre du CJD Landes (Centre de jeunes dirigeants), également spécialiste de l’érable japonais et de l’arbre de Judée.
Depuis plusieurs années, les deux pépiniéristes font donc des expérimentations en Allemagne et en Angleterre, notamment au jardin botanique de Wisley, très visité au sud de Londres, et géré par la Royal Horticultural Society. C’est d’ailleurs par cet intermédiaire qu’Antoine Scrive a pu réussir son coup.
« L’an dernier, on avait su par un client anglais que le roi, passionné de botanique, cherchait du lagerstroemia pour ses jardins, et qu’il voulait notre gamme. Pourquoi ? On n’en sait rien ! », raconte Antoine Scrive. Cette première tentative a échoué, mais le Landais persévère. Il obtient par le responsable des jardins de Wisley, le contact du chef jardinier de Charles III à qui il envoie un mail en début d’été… « Il m’a répondu que le roi en personne était ravi d’avoir un lagerstroemia de notre gamme », rapporte Antoine Scrive, qui a décidé d’en faire don au souverain britannique, pas peu fier de voir partir « un grand petit de la famille » vers ces jardins prestigieux.
Champs de la pépinière à Estibeaux © Pépinières Scrive
Formalités douanières
La logistique s’avère plus complexe que prévu : « Je pensais prendre le camion et aller livrer mais nos chers amis anglais ne sont plus dans l’Union européenne… » Passeport phytosanitaire, inspection de l’arbre par un organisme spécialisé, formalités douanières… Le coût du cadeau restera secret. « C’est aussi une valeur sentimentale car c’est un des premiers plans que nous avons créés il y a 20 ans. » Jusqu’au 8 septembre, l’arbre sera visible à Estibeaux avant de partir Outre-Manche par transporteur tandis qu’Antoine Scrive fera le déplacement de son côté pour participer à l’implantation en terre anglaise.
Le chef jardinier royal a en tout cas prévu de venir découvrir l’ensemble de la gamme Indiya Charms à Estibeaux pendant la période de floraison l’an prochain. Augurant peut-être de futures ventes dans d’autres jardins de la couronne d’Angleterre…
