La cour d’école s’est longtemps résumée – et se résume encore parfois aujourd’hui – à un rectangle de bitume planté d’un marronnier et quelques lignes blanches tracées au sol pour les jeux de ballon. Un univers minéral, brut, inhospitalier, où s’exerce pourtant l’imagination des enfants. Mais ce modèle hérité du siècle dernier est en train de vaciller, bousculé par des attentes nouvelles des enseignants, des élus locaux et surtout, des enfants eux-mêmes.
Le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) conseille les communes prêtes à repenser ces espaces à hauteur d’enfant. Au cœur de cette démarche d’accompagnement : une conviction simple, mais fondamentale. L’école est bien plus qu’un lieu d’apprentissage ; elle est un laboratoire miniature de société, le premier espace public que l’on apprend à partager.
Un lieu formaté, des enjeux multiples
Conçues pour répondre aux exigences de sécurité et d’hygiène, les cours d’école ont longtemps été pensées pour être faciles à surveiller, simples à entretenir et dépourvues d’obstacles. Mais cette apparente neutralité masque des territoires en tension, où se dessine le « vivre-ensemble », où naissent les premières rivalités, les amitiés…
Chaque recoin raconte une histoire : la corde à sauter à l’abri du préau, le ballon au centre, les secrets chuchotés derrière un bosquet. Entre ces frontières invisibles, les corps s’expriment, les différences s’affirment, les égalités s’apprennent. La cour d’école cristallise ainsi nombre d’enjeux de société bien au-delà de la simple gestion des jeux de récréation. Elle interroge l’inclusion, la mixité, le rapport au collectif, l’accès à la nature.
Végétaliser pour mieux respirer
Face au réchauffement climatique, le bitume des cours devient un problème tangible. Aux heures chaudes, il emmagasine la chaleur, devient étouffant, amplifie l’inconfort de la cour et des bâtiments adjacents. C’est pour rompre cet effet que de plus en plus de communes landaises s’engagent dans la transformation de leurs écoles, avec l’appui du CAUE.
L’idée n’est pas seulement de retirer l’asphalte, mais de rendre chaque mètre carré perméable, vivant, accueillant. Planter des arbres, aménager des massifs, créer des potagers pédagogiques, favoriser les zones d’infiltration de l’eau… autant d’actions qui reconnectent les enfants avec l’environnement, tout en adaptant la cour au défi climatique. Et qui, surtout, réintroduisent le végétal comme un terrain d’exploration, un refuge.

Les projets se matérialisent à l’échelle, les idées se testent, s’ajustent. © CAUE40
L’accompagnement sur mesure
Tout commence par une demande de la commune, propriétaire de l’équipement scolaire. Dès les premiers échanges entre les élus, les enseignants et l’équipe du CAUE, se met en place un processus d’élaboration du projet.
D’abord, une visite de l’école permet de saisir les attentes, les contraintes, le contexte. Puis vient une première note, véritable portrait sensible de la commune, de son école et de l’espace qu’elle occupe dans le tissu local. Enfin, une convention d’accompagnement est proposée, adaptée à la taille de la commune pour garantir que même les plus petits villages puissent s’inscrire dans cette dynamique.
Trois temps pour imaginer ensemble
Avant les plans ou le chiffrage du montant des travaux, la transformation d’une cour se joue avant tout dans la phase d’identification des besoins et des aspirations de ses usagers. Une démarche de concertation en trois étapes place les élèves, premiers acteurs concernés, au cœur du processus.
Un premier atelier animé par le CAUE sensibilise ainsi les enfants à l’espace de la cour. Où se sentent-ils bien ? Où ont-ils trop chaud ? Y a-t-il des endroits trop bruyants ? Accompagnés par les architectes, paysagistes, médiateurs culturels du CAUE, les élèves arpentent leur cour, posent un regard nouveau, retranscrivent leurs impressions sur une « carte sensible ». Ils découvrent que l’espace, dans lequel ils jouent tous les jours, a lui aussi été pensé, façonné. Ils comprennent que leur école est un héritage du passé et que les espaces ont pu évoluer.
Le second temps s’ouvre sur la dimension collective. La cour n’appartient pas qu’aux élèves. Enseignants, animateurs, personnels d’entretien, chacun y a sa place et doit pouvoir exprimer ses besoins. À travers des exemples concrets – cours « oasis », espaces végétalisés – les enfants s’inspirent, rêvent, proposent. Des idées fusent, souvent ambitieuses, parfois utopiques, mais toujours révélatrices de leurs attentes profondes.
Enfin, la troisième séance concrétise ces aspirations. Des maquettes prennent forme, les projets se matérialisent à l’échelle, les idées se testent, s’ajustent. Les élèves se projettent, prennent possession de leur future cour.

La concertation place les élèves, premiers acteurs concernés, au cœur du processus. © CAUE40
Un projet collectif, un engagement pour demain
Au fil de ces ateliers, les enfants découvrent bien plus qu’une nouvelle cour. Ils expérimentent la concertation, le débat, l’écoute. Ils deviennent acteurs de leur cadre de vie, futurs citoyens sensibles à leur environnement.
Car réaménager une cour d’école, ce n’est pas seulement verdir un espace. C’est semer les graines d’un projet partagé, inclusif et durable. C’est redonner aux écoles des communes landaises leur rôle symbolique : celui d’un lieu d’apprentissage, mais aussi de lien, d’engagement et d’espérance.
En intégrant les usagers, la méthode d’accompagnement proposée par le CAUE 40 ambitionne de donner une voix à ceux qui vivent quotidiennement la cour d’école. La concertation est une étape essentielle. Elle facilitera la collaboration entre maître d’ouvrage, utilisateurs et futur maître d’œuvre, posant les bases d’un projet partagé, cohérent et durable.
L’idée n’est pas seulement de retirer l’asphalte, mais de rendre chaque mètre carré perméable, vivant, accueillant