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Chambre de commerce et d’industrie : « On doit taper fort sur la table »

Deux présidents de chambres de commerce et d’industrie parlent d’une même voix pour dénoncer le coup de rabot budgétaire envisagé par l’État et alerter sur la santé des entreprises. Rencontre avec François Lafitte pour la CCI des Landes, et Alain Di Crescenzo, président de la CCI France.

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Alain Di Crescenzo, président de la CCI France et François Lafitte président de la CCI des Landes © Emmanuelle Pédezert

Ce sont deux entrepreneurs aguerris, deux hommes de terrain et d’expérience, au service de la dynamique économique de leur territoire. François Lafitte d’un côté, président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) des Landes depuis six ans, patron depuis 35 ans du groupe SCAAP Kiwifruits de France et de Primland depuis 26 ans. De l’autre, Alain Di Crescenzo, président de la CCI France depuis bientôt quatre ans, et à la manœuvre pendant 33 ans pour les logiciels du groupe IGE+XAO. Tous deux sont convaincus que la force d’un réseau fait bouger les lignes. Ils savent le rappeler avec détermination, et l’assemblée générale de la CCI landaise, le 21 novembre dernier, leur en a donné l’occasion.

Un réseau majeur

Les deux hommes ne se connaissent pas mais parlent le même langage, celui du dévouement aux entreprises. Alain Di Crescenzo finit les phrases de François Lafitte quand il s’agit d’évoquer la force du réseau CCI. « Nos collaborateurs et collaboratrices font plus qu’accompagner, ils créent de la valeur. La Maison Landes, c’est 43 800 établissements, 40 % de plus depuis 2017. Et des entreprises performantes qui nourrissent la dynamique de l’emploi », commence le Landais. « Oui, le réseau CCI a vu 1 139 000 entrepreneurs ou porteurs de projet sur une année. Toutes les quatre secondes, on voit un acteur économique », ajoute le patron France à l’indéniable sens de la formule. Il le redira à chacune de ses visites – et il y a 121 CCI en France -, devant les quelque 9 000 chefs d’entreprise qui, bénévolement, œuvrent pour ce réseau.

Nombre record de faillites

Mais – et ça aussi les deux présidents savent le faire résonner de concert -, les alertes valent autant pour l’Hexagone que pour les Landes. « L’entrepreneur est tout sauf un rêveur, relève Alain Di Crescenzo, et les conflits internationaux, les crises nationales (six gouvernements en deux ans), la guerre à nos frontières, ont des conséquences et plusieurs secteurs d’activité sont à la peine, comme le BTP, l’immobilier, le commerce, l’hôtellerie et la restauration, l’automobile ou encore la chimie ». Et dans les Landes, « on a un indicateur qu’on surveille avec attention, explique François Lafitte, c’est l’investissement, donc les revenus futurs. Il est à – 13 % en 2025. Les conséquences se feront sentir dans cinq à 10 ans. » Le président France enfonce le clou : « Si vous enlevez les grosses entreprises, vous êtes à – 8 % de chiffre d’affaires dans les Landes, ce n’est pas rien. »

François Lafitte sait quand même voir le verre à moitié plein. Car deux particularités landaises contrebalancent ce tableau : des investissements immobiliers à la hausse grâce au solde migratoire positif dans le département. Et un solde positif aussi dans la création d’entreprise (autour de 2 560 créations, et 2 300 défaillances). Au national, c’est en revanche du jamais-vu avec un record de près de 70 000 défaillances d’entreprises dont 7 000 faillites juste sur le mois de septembre. Landes et France, même combat. Sur le moindre sujet. S’opposer à « Shein qui laisse crever le commerce : on ne laissera pas faire ». Double oui.

« Détruire de la valeur »

Ces « challenges » à relever constituent presque un échauffement. Car leur combat commun force à l’endurance : le financement des CCI. « On avait négocié une trajectoire avec l’État en 2024, après une baisse de 70 % de notre budget depuis 2013 (les CCI sont passées de 25 000 collaborateurs à 14 000)(*). Et là, tombe le projet de loi de finances 2026 », s’agace Alain Di Crescenzo. François Lafitte d’abonder : « L’heure est grave. Le réseau ne peut supporter la nouvelle proposition de baisse de nos budgets de 33 %, soit 175 millions d’euros en moins, chaque année, sur un plafond annuel de 525 millions d’euros. Là, ce n’est pas réduire la voilure, c’est détruire de la valeur. Ça va à contresens. On doit taper fort sur la table. » Et dit deux fois, c’est encore mieux : « Je ne licencierai pas 3 000 personnes, a martelé le président de la CCI France. Je ne le ferai pas. Je me rebellerai jusqu’au bout. » La balle est désormais entre les mains des sénateurs.

Se marier en bonne intelligence avec les CMA

En attendant, au local comme au national, des solutions pérennes se concrétisent. Le rapprochement entre les chambres de commerce et d’industrie et celle des métiers et de l’artisanat (CMA) proposé par l’État, est étudié, pour une « mutualisation constructive ». On balaie d’un revers de main les premières craintes pour discuter coopération pertinente. Il y a 60 millions d’euros à récupérer par an. En jeu : rester pertinent jusqu’au « dernier kilomètre », l’ADN des CCI. Et rester une institution incontournable aux côtés des entreprises, cœurs battants des territoires. Contre vents et marées, nématodes, déremboursement du thermalisme et tout ce qui se mettra au travers de leur route.

(*) ll avait été décidé que la taxe pour frais de chambre qui finance les CCI reste stable à 525 millions d’euros, en contrepartie d’un retour à l’État de 100 millions d’euros sur quatre ans.