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Jardins à partager en ville

Alors que la question écologique se fait de plus en plus pressante, un nombre grandissant de communes landaises œuvrent, avec les citoyens, pour remettre la nature au cœur des villes et des villages. Exemples à Capbreton, Seignosse, Mimizan et Saint-Vincent-de-Tyrosse.

Jardins partagés

© Shutterstock

Des pins maritimes et des chênes-lièges à perte de vue, des zones humides classées Natura 2000, les Landes n’usurpent pas leur image de département vert. La nature y occupe une place prépondérante et le cadre de vie des Landais est indéniablement privilégié. Dans un tel paysage, le sujet de la végétalisation pourrait sembler anecdotique. Voire un non-sujet pour ce département connu comme le plus boisé de France métropolitaine (67 % du territoire). Et pourtant, depuis quelques années, les initiatives fleurissent pour (re)donner une place plus importante au végétal dans les communes des Landes.

La multiplication des projets de jardins partagés est particulièrement emblématique de cette volonté des élus d’offrir à leurs administrés un supplément de nature.

DAVANTAGE DE NATURE POUR PLUS DE CONVIVIALITÉ

Précurseur, Capbreton a accueilli son premier jardin partagé il y a neuf ans. Ce projet, installé place de la Pépinière et porté par l’association Égaliterre, a été développé en partenariat avec la municipalité. « Initialement l ’association a été créée dans le but d’œuvrer pour la transition écologique, raconte Émilie Camy-Palou, présidente d’Égaliterre. Après un an d’existence, nous avons décidé de nous lancer dans la création d’un jardin partagé. Nous avons contacté la Ville qui a trouvé le terrain et financé l’investissement de départ. Depuis, Égaliterre s’occupe du développement et de l’entretien de ce jardin situé en cœur de ville. » Aujourd’hui, l’association compte une trentaine de membres et près de 20 jardiniers bêchent, sèment, plantent et font vivre ce lieu.

Notre but est de faire ensemble, de créer de l’échange et de l’émulation

Arbres fruitiers, herbes aromatiques, légumes en tout genre sont cultivés dans le respect des principes de la permaculture. Des ateliers thématiques sont organisés et le jardin ouvre régulièrement ses portes au public. « L’objectif de ce projet n’est bien évidemment pas l’autonomie alimentaire, souligne Émilie Camy-Palou. Ce qui nous anime, ce sont les principes de solidarité et de convivialité. Notre but est de faire ensemble et de créer de l’échange et de l’émulation. » L’exemple du jardin de la Pépinière a essaimé et de nombreux jardins partagés et jardins familiaux ont vu le jour.

LES MAINS DANS LA TERRE

À l’automne 2021, ce fut au tour de la commune de Seignosse d’inaugurer deux parcelles de jardins partagés. Un projet, une fois encore, né d’un partenariat entre une mairie et une association locale fraîchement créée. Le maire et son équipe ont mis à disposition de l’association Graines océanes deux parcelles de près de 1 000 m2 chacune. L’une dans le bourg et l’autre proche des plages. Des travaux d’aménagement ont été réalisés avant que les jardiniers ne lancent les premières cultures. « C’est un jardin de proximité, il est destiné aux habitants qui souhaitent se retrouver pour jardiner ensemble, partager des moments de convivialité et échanger des savoir-faire, se félicite la Ville de Seignosse. Ils participent à la création de liens sociaux entre les habitants, à l’animation des quartiers, à la biodiversité, à l’embellissement et remettent la nature au cœur de la ville. »

À Soorts-Hossegor, les projets de végétalisation ont pris la forme d’un verger participatif

« Les adhérents sont pour beaucoup des novices en jardinage, explique Annie Lambert, co-présidente de l’association Graines océanes. Mais on sent chez eux une réelle envie d’apprendre à jardiner. Ils ont envie de mettre les mains dans la terre, de renouer avec la nature de manière très concrète. Et, avec l’arrivée du printemps, c’est particulièrement agréable de se retrouver au jardin après le travail. Ça rend les gens heureux. » Si les jardins partagés de Seignosse comptent aujourd’hui une soixantaine de jardiniers, l’objectif n’est pas de rester entre soi, mais bien au contraire de s’ouvrir vers l’extérieur. « C’est un souhait de la commune auquel nous adhérons totalement », poursuit Annie Lambert. Des ateliers vont donc être organisés et certains élèves de l’école de Seignosse ont déjà pu bénéficier d’une visite guidée. La maison de retraite de la commune pourrait également être associée à ce projet vert et inclusif.

SE RASSEMBLER AUX VERGERS

À Soorts-Hossegor, les projets de végétalisation ont pris une autre forme : celle d’un verger participatif. Sur deux parcelles contiguës d’un hectare chacune, la Ville a créé Le Verger des barthes de Soorts. « Cent trente arbres ont déjà été plantés pour un investissement de 4 300 euros, détaille Michel Villeger, adjoint au maire de Soorts-Hossegor. Sur la partie la moins fertile, nous avons choisi de réaliser un arboretum. À l’automne dernier, avec le soutien de 23 bénévoles, nous y avons planté des noisetiers, des châtaigniers, des figuiers, des érables, des hêtres et des liquidambars. Pour cette partie, il s’agira d’un parc dédié aux loisirs et à la promenade. Sur l’autre partie, nous avons opté pour des pruniers, pommiers, plaqueminiers [arbres à kakis, NDLR], pêchers et actinidias [famille des kiwis, NDLR] ». Prochainement, un ruisseau jouxtant les deux parcelles, les bénévoles vont se lancer dans la construction d’un moulin à eau en bois pour permettre l’arrosage.

À Mimizan, le naturel se mêle à l’horticole

« Les écoles, l’Ehpad et le centre communal d’action sociale seront les destinataires des récoltes », précise Michel Villeger qui, lorsque les arbres fruitiers commenceront à produire, espère la venue d’un apiculteur.

FLEURIR LES RUES

En parallèle des jardins partagés et des vergers participatifs qui ont pour atout de mobiliser les citoyens, certaines communes conservent une démarche plus traditionnelle, mais qui contribue néanmoins à la végétalisation de l’espace public. C’est le cas de Mimizan qui depuis 1994 bénéficie du label « Ville fleurie 4 fleurs ». Une récompense décernée à seulement 226 communes dans l’Hexagone. Pour la municipalité mimizannaise, « une politique urbaine judicieuse » a permis de « favoriser le cadre de vie », aussi bien pour les habitants que pour les touristes qui viennent nombreux dans la station balnéaire.

Les équipes du service espaces publics et environnement sont en charge de l’entretien des espaces verts, du fleurissement, de la production horticole et du fauchage des espaces naturels. La promenade fleurie, au bord du lac de Mimizan, est le meilleur exemple de l’investissement de la commune et du savoir-faire des équipes techniques locales. On y recense plus de 400 espèces de végétaux et le naturel se mêle à l’horticole pour créer un lieu privilégié qui accueille, à la belle saison, des manifestations culturelles.

PLACE À LA NATURE, LA VRAIE !

Aux projets portés par les collectivités viennent parfois s’ajouter des initiatives privées qui contribuent également de manière active à remettre la nature au cœur des villes et villages. À Saint-Vincent-de-Tyrosse, l’association Terres océanes, cultures d’humanité a ainsi ouvert en 2016 Les Jardins de l’humanité. Sur une prairie de 2 hectares et après un travail considérable des membres de l’association, quatre jardins historiques, une forêt-jardin, trois jardins du monde, un jardin thérapeutique, une roseraie, un potager, une serre pour plantes tropicales et une ferme pédagogique ont vu le jour.

Initié par Estelle Alquier, ce projet a pour ambition de sensibiliser le grand public à la préservation de la biodiversité. Le lieu est aussi un formidable outil pédagogique pour mener des actions écologiques et solidaires. Plus largement, il s’agit « d’inviter les gens à renouer avec la nature », explique la créatrice des Jardins de l’humanité et cofondatrice de la Fédération française jardins nature et santé.

Végétaliser les espaces urbains est important, mais il ne faut pas que ce soit du greenwashing

Pour celle qui se présente comme une fervente militante de la nature pour tous, « végétaliser les espaces urbains est important mais il ne faut pas que ce soit du greenwashing. Selon moi, on confond végétalisation et décoration. Très souvent, les communes sont végétalisées en détruisant l’existant pour recréer un paysage. On crée des parterres géométriques, on élimine les mauvaises herbes. La structuration des espaces verts urbains est souvent trop décorative. Ce n’est pas ça la nature ». Pour Estelle Alquier, « la végétalisation des communes ne doit pas être pensée uniquement par des paysagistes. Il faudrait des concertations sur ces projets car ce processus de végétalisation doit impliquer des dimensions pédagogiques, mais aussi de bien-être ». Aux Jardins de l’humanité, une conviction émerge : il est primordial d’impliquer les populations dans les initiatives de végétalisation car prendre soin des végétaux engendre du respect pour l’environnement.

Pour tenter de (re)tisser ce lien, des parcours pédagogiques, ludiques et sensoriels sont proposés aux visiteurs. Les jardins servent également de support pour des séances d’hortithérapie. Ils accueillent aussi des stages de jardinage naturel et permaculture. Enfin, les enfants y ont une place de choix dans le cadre des « Mercredis de l’école buissonnière », une parenthèse au cours de laquelle ils apprennent et jouent en contact direct avec la nature.

Il est primordial d’impliquer les populations dans les initiatives de végétalisation

Si un mouvement de végétalisation est indéniablement à l’œuvre dans les villes et villages des Landes – et plus largement dans tout l’Hexagone -, ce n’est pas seulement pour le plaisir de yeux et la beauté des rues. Pour les municipalités, c’est un moyen de créer du lien, de reconnecter les gens à la terre, de promouvoir des valeurs d’entraide et de solidarité, de faire prendre conscience de l’importance de la nature et de sensibiliser petits et grands aux enjeux écologiques.