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Interview avec Françoise Douste, présidente de la communauté de communes des Grands Lacs « Attirer les entreprises »

Enjeux économiques, nouvelle ambition aéronautique, recul du trait de côte, habitat et logement saisonnier… Élue en 2020, la présidente de la communauté de communes des Grands Lacs, une intercommunalité qui vient de fêter ses 20 ans, fait le tour d’horizon des grands sujets du territoire. Entretien.

Françoise Douste, présidente de la communauté de communes des Grands Lacs

Françoise Douste, présidente de la communauté de communes des Grands Lacs © Patxi Beltzaiz

C’est assez rare pour être souligné. La pancarte « Présidente » est bien là, à gauche de la porte, mais Françoise Douste n’a plus de bureau dans les locaux de la communauté de communes à Parentis-en-Born. Par manque de place, elle a décidé de le céder à son directeur du développement économique, embauché en 2021. Un sujet prioritaire pour l’élue, également maire de Gastes, qui trouve toujours un endroit pour travailler avec ses équipes.

Les Annonces Landaises : Vous avez souhaité, en devenant présidente, créer un pôle dédié au développement économique, pourquoi ?

Françoise Douste : Il y avait un seul agent qui s’occupait de cette thématique. C’est une compétence essentielle pour notre territoire. Au début du mandat en 2021, j’ai donc créé un service avec, en plus de l’agent, le recrutement d’un directeur du développement économique et d’un manager de territoire. Nous avons défini une stratégie qui s’est appuyée sur les grandes lignes écrites depuis 2017 sous le mandat précédent, en ajoutant les moyens humains pour la mettre en place. Elle s’appuie sur 12 axes sur 2022-2026, avec des actions phares pour développer le tissu économique du territoire et accompagner le parcours des entreprises et des actifs.

Au total il y a, par exemple, sept zones d’activités, toutes actives, sur notre communauté de communes. Celle de Sanguinet est terminée, celle de La Mountagnotte à Biscarrosse va être étendue et requalifiée, une autre à Ychoux qui était un peu en sommeil, se déploie avec des lots plus grands voués au développement industriel : le Sivom y a installé une déchetterie, un abattoir de poulets s’est implanté et il y a un projet de crématorium, une de nos compétences. Il faut aller chercher les entreprises et qu’elles restent, car on ne veut pas de spéculation sur l’activité des zones.

Nous encourageons aussi le volet économie circulaire avec un projet de recyclerie des Grands Lacs à Parentis-en-Born, en appui de l’association l’Embellie. C’est un projet exemplaire qui devrait voir le jour dans les trois ans à venir, avec un volet insertion fort, notamment pour le public féminin.

Françoise Douste

© D. R.

LAL : Quelles sont les missions du manager de territoire ?

F.D. : C’est un enjeu très important. Grâce à son action sur les sept communes en complémentarité, il s’agit d’apporter tous les services publics ou commerciaux à l’ensemble de la population. Il aide nos communes, petites ou grandes, à redynamiser leur bourg. Un partenariat s’est développé avec des étudiants en master 2 de l’Institut d’aménagement, de tourisme et d’urbanisme (IATU) de Bordeaux qui analysent notre territoire depuis septembre, notamment pour accompagner les élus sur le développement commercial des quatre villages : Gastes, Luë, Sainte-Eulalie-en-Born et Ychoux. Nous avons besoin d’un accompagnement technique et ensuite, financier. Avoir une vue de gens qui ne sont pas d’ici comme ces jeunes étudiants, permet un électrochoc pour travailler de belles pistes. Par exemple, à Ychoux sur la refonte de l’aménagement autour de la gare – notre gare de territoire -, alors qu’il y a 10 ans on se demandait si elle n’allait pas fermer ! Aujourd’hui, de plus en plus de gens vont travailler en train à Bordeaux ou Mont-de-Marsan, on a dû déjà agrandir le parking. On souhaite aussi y accoler un service de vélos électriques en parallèle du développement des pistes cyclables pour le vélo du quotidien pour les habitants et les touristes sur nos communes.

LAL : Vous gérez également l’activité de l’aérodrome, quels sont les projets autour de cet équipement ?

F. D. : Cet aérodrome des Grands Lacs va devenir un pôle essentiel de notre territoire. Bien placé entre Biscarrosse et Parentis, on s’appuie sur tout cet historique lié à l’aéronautique, de Latécoère aux grands hydravions qui traversaient l’Atlantique à l’époque. On sent bien le potentiel énorme avec tout un faisceau d’acteurs pour développer du tourisme aéronautique. Nous souhaitons faire un pôle économique qui regrouperait tous les acteurs du développement économique du territoire : nous, la chambre de commerce et d’industrie, la chambre de métiers et de l’artisanat, la Mission locale… que tous soient regroupés sur ce lieu symbolique, avec des ateliers, des salles de formation, un guichet unique pour les porteurs de projet et les chefs d’entreprise.

Des étudiants en master 2 de l’Institut d’aménagement (IATU) de Bordeaux analysent notre territoire, pour accompagner les élus sur le développement commercial de nos villages

Françoise Douste

Françoise Douste, dans son bureau de présidente laissé à Philippe Nemes, directeur du développement économique © Patxi Beltzaiz

LAL : Comment concilier l’attractivité du territoire et la vie au quotidien, notamment sur la question du logement ?

F.D. : Nous avons eu une saison touristique extraordinaire en 2022 avec 3 millions de nuitées d’avril à septembre et un développement très intense de l’avant-saison. Le grand développement des locations type Airbnb provoque une raréfaction de l’offre, en empêchant du logement à l’année. En ajoutant le coût du foncier, il est de plus en plus complexe de réussir à se loger. Nous avons lancé un programme local de l’habitat en 2021 et recruté un chargé de mission pour les deux communautés de communes des Grands Lacs et de Mimizan, avec un plan d’action foncière. Nous recensons tout le foncier disponible avec l’Établissement public foncier local (EPFL) Landes Foncier. Une fois cette étude faite, nous pourrons lancer une politique forte en matière de construction de logements.

LAL : Et pour les saisonniers ?

F.D. : Sur notre territoire, on estime à 2 900 le nombre d’employés ou ouvriers saisonniers : 50 % sont des locaux, mais environ 1 500 viennent d’ailleurs notamment pour les travaux agricoles. Nous avons signé cet été avec les services de l’État une convention sur le sujet, élargie à toutes nos communes. Deux projets sont à l’étude. À Parentis-en-Born, nous allons restructurer l’aire des gens du voyage pour récupérer du foncier pour les saisonniers agricoles dans un partenariat public-privé avec les entreprises agricoles. Un projet novateur retenu par les services de l’État : nous sommes accompagnés par Action logement et la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) pour dégager un modèle économique et le reproduire au niveau régional et national. Nous espérons concrétiser ce projet d’ici trois ans.

Une réflexion est également menée, cette année, sur des terrains publics vers la plage, appartenant à la ville de Biscarrosse, pour du logement temporaire de saisonniers touristiques en structures légères, en partenariat avec l’association des commerçants. Nous souhaitons ardemment les mettre en place dès l’été 2024, une centaine de personnes pourraient y être logées. Nous ouvrirons aussi à nouveau l’été prochain, une centaine de chambres de l’internat de la cité scolaire de Parentis-en-Born. C’est un dossier pris à bras-le-corps et les solutions ne peuvent se trouver qu’en associant les employeurs.

LAL : Qu’en est-il de l’offre de santé ?

F.D. : Notre territoire est en pleine dynamique démographique, mais les gens vieillissent aussi. Une vingtaine d’emplois dans l’aide et l’accompagnement à domicile ne sont pas pourvus chaque année. Accompagnés par le département, nous sommes en train de revaloriser ces métiers pour lesquels nous lançons des formations en partenariat avec Pôle emploi. Le centre intercommunal d’action sociale est présent dans tous les forums de l’emploi. Nous travaillons par ailleurs à un contrat local de santé avec l’Agence régionale de santé (ARS) pour pallier le problème du nombre de médecins, amené à s’amplifier dans les années qui viennent.

LAL : Où en êtes-vous de la stratégie sur la gestion du trait de côte ?

F. D. : C’est aussi une de nos grandes missions qui a trait au poumon économique qu’est le volet touristique. La première stratégie a donné satisfaction et on continue sur la nouvelle génération 2022-2027, en s’appuyant toujours sur l’accompagnement des processus naturels au niveau des dunes, par le transfert mécanique de sable par camions des plages sud vers celles du nord à Biscarrosse. La session 2023 vient de démarrer, pour l’instant, il n’y a pas trop eu de dégâts avec les tempêtes.

L’an passé, 88 000 m3 de sable ont dû été rechargés en trois sessions. Le plan d’action de notre stratégie représente un budget de 3,8 millions d’euros, financé par l’Europe (Feder, 34,5 %), la communauté de communes (20,5 %), la région Nouvelle-Aquitaine (18,5%), l’État (11,5 %) le département des Landes (10 %) et la ville de Biscarrosse (5 %). Nous travaillons en parallèle à la relocalisation dans les 10 ans à venir, des trois bâtiments emblématiques du front de mer, le Grand Hôtel et les villas jumelles, vouées à disparaître par l’érosion marine.

La communauté de communes a, par ailleurs, été lauréate avec Biscarrosse de l’appel à manifestation d’intérêt du ministère de la Transition écologique pour un projet partenarial d’aménagement. Avec la ville de Sète sur la Méditerranée, nous allons partager 5 millions d’euros pour travailler à la relocalisation et la recomposition spatiale de nos territoires.

Un projet novateur pour l’hébergement saisonnier qui pourrait être reproduit au niveau régional et national

LAL : Vous venez de fêter les 20 ans de la communauté de communes en 2022, c’est l’âge de raison ? 

F. D. : La communauté de communes est née il y a 20 ans d’un syndicat intercommunal à vocation unique (Sivu) de voirie du canton de Parentis. Aujourd’hui, nos services techniques travaillent à transférer l’ensemble des voiries communales et les effectifs dédiés à la communauté de communes pour plus de simplicité, y compris pour l’administré qui ne comprend pas pourquoi telle route est gérée par la commune et telle autre par l’intercommunalité. On espère y arriver avant la fin du mandat. L’esprit communautaire à notre taille humaine, s’est renforcé au fil des années et aujourd’hui les compétences sont immenses. Les sept communes ont besoin les unes des autres, pour l’ingénierie, l’habitat, l’urbanisme… elles sont complémentaires avec leurs spécificités. L’échelle communautaire est vraiment la plus pertinente pour nos communes qui finalement disparaissent peu à peu, cela nous permet de faire partie d’une dynamique. Lors du prochain mandat, nous devrons nous attaquer à un gros morceau : le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi).

LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DES GRANDS LACS EN CHIFFRES

7 communes : Biscarrosse, Gastes, Luë, Parentis-en-Born, Sainte-Eulalie-en-Born, Sanguinet et Ychoux

30 000 habitants

47 millions d’euros de budget, avec un budget principal de 23 millions d’euros (13 millions en fonctionnement et 10 millions en investissement) et 11 budgets annexes.

Taux d’imposition maintenu depuis 2020

30 agents et 34 élus

77 000 lits marchands et non marchands, soit 17 % de l’offre départementale en termes d’hébergement touristique, en deuxième position derrière Maremne Adour Côte Sud (Macs) avec Capbreton et Hossegor