Couverture du journal du 06/04/2024 Le nouveau magazine

Incendies : renforcer les moyens de lutte

Après les grands feux en Gironde voisine cet été, les Landais réclament aussi plus de moyens dans la lutte anti-incendie, alors que le réchauffement climatique fait craindre d’autres catastrophes à l’avenir dans la forêt des Landes de Gascogne, la plus grande d’Europe.

incendies

© Sdis 40

Un peu plus d’un millier d’hectares ravagés par les flammes, c’est le bilan mi-septembre des incendies dans la forêt landaise tandis que la canicule sévissait encore juste avant l’automne. Un chiffre bien éloigné des 30 000 hectares partis en fumée de Gironde, mais « loin d’être neutre » puisque 10 fois supérieur aux statistiques des dernières années, précise Marcel Pruet. Pour le président du Service départemental d’incendie et de secours des Landes (Sdis 40) qui salue la « très bonne mobilisation de l’ensemble des personnels » volontaires et professionnels, « dans cette année très compliquée, cela aurait pu être bien pire avec des départs de feux assez fulgurants qui ont pu être maîtrisés. Les Landes ont bénéficié des Canadair alors positionnés en Gironde et cela a été déterminant pour circonscrire les feux. » Ces moyens aériens – Canadair et Dash – qui font souvent défaut au « feu naissant », sont demandés par tous ici. Le président de la Région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, s’est même dit prêt à l’élaboration d’un nouveau programme de conception d’avions amphibies bombardiers d’eau.

REVOIR LES RESSOURCES DES SDIS

Dès juillet, Xavier Fortinon et Jean-Luc Gleyze, présidents des Départements des Landes et de Gironde, expliquaient dans un courrier au président Macron : « Le temps des autorisations et l’éloignement des appareils ne sont pas compatibles avec la temporalité d’incendies. Il faut envisager une flotte plus conséquente et une répartition territoriale adaptée », avec un dispositif avancé dans le Sud-Ouest et une coordination des forces nationales et européennes.

Les Landes ont bénéficié des Canadair alors positionnés en Gironde et qui ont été déterminants pour circonscrire les feux

Autre enjeu, les moyens dédiés au fonctionnement des Sdis dont les ressources relèvent essentiellement des départements, des intercommunalités et des communes : « N’est-il pas absurde que l’assiette sur laquelle se fixe le financement des secours n’ait pas évolué en 20 ans ? », demandent les deux élus, appelant à une révision de la loi alors que la croissance démographique « s’est traduite par une progression fulgurante du nombre d’interventions de nos sapeurs-pompiers » (187 000 par an au total).

PLAN D’INVESTISSEMENT ET RENFORCEMENT DES EFFECTIFS DU SDIS

En attendant des réponses nationales, le plan d’investissement du Sdis 40 prévoit d’améliorer le matériel spécifique aux feux de forêt, notamment par un renouvellement accéléré de camions dédiés. Des changements déjà engagés bien avant cet été caniculaire « pour renouveler et rajeunir le parc et installer des dispositifs de sécurité pour les personnels sur tous les véhicules plus anciens. Les évolutions se sont accentuées en 2021 avec 1,1 million d’euros d’investissement, puis en 2022 : 1,4 million d’euros. Les investissements seront particulièrement importants en 2023 (2,4 millions d’euros) pour remplacer les véhicules qui ont brûlé cette année et resteront très significatifs de 2024 à 2027 (1,7 million d’euros annuels) », précise le colonel Éric Duverger, directeur départemental du Sdis 40.

N’est-il pas absurde que l’assiette sur laquelle se fixe le financement des secours n’ait pas évolué en 20 ans ?

Un renforcement des effectifs est aussi en cours, avec une trentaine d’embauches de pompiers professionnels sur les quatre prochaines années et plus de facilité pour l’engagement de volontaires qui constituent le gros des troupes (86 % des 2 100 pompiers landais). Pour Nicolas Chevalier, président du syndicat autonome SPP-PATS (sapeurs-pompiers professionnels et personnels administratifs et techniques spécialisés), alors qu’un nouveau camion brûlé lors d’un incendie à Herm mi-septembre est venu « cristalliser les problèmes » de parc vieillissant et de sécurité des pompiers, il faut en urgence des états généraux du Sdis. Selon lui, il convient notamment, au-delà du nombre, de « réfléchir au positionnement des pompiers » : « Un pompier peut être bien à la caserne à Mont-de-Marsan, mais il peut être mieux au milieu des bois, prêt à intervenir le plus rapidement possible. » Une affaire à regarder par le prisme de la couverture du risque courant au quotidien (hors feux), histoire de « ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul », avec la difficulté supplémentaire d’un risque incendies qui demeure saisonnier.

ET CÔTÉ PRÉVENTION ?

Sans savoir si cette année noire deviendra habituelle ou restera exceptionnelle, la question de la prévention des feux reste également majeure, via la Défense des forêt contre les incendies (DFCI) Landes qui comprend 132 associations syndicales autorisées (ASA) dans 162 communes, et fonctionne grâce aux cotisations des propriétaires forestiers et aux subventions de l’Europe, de l’État et des collectivités locales. À l’année, les ASA, créées à l’issue des tragiques incendies de 1949, œuvrent à l’accessibilité des camions aux feux de forêt au plus près des incendies (pistes DFCI), au ravitaillement en eau (points naturels, forage DFCI), ou à l’entretien de zones de protection auprès d’ouvrages particuliers (rails…). « En prévention, on travaille bien sur le terrain avec les sylviculteurs et tous les bénévoles », relève Nicolas Lafon, président de la DFCI Landes qui appuie aussi les collectivités locales avec ses conseillers techniques. Y-a-t-il des manques à pallier ? « Peut-être, mais ils ne sont pas criants. Il peut y avoir des remises en question sur le reboisement des pare-feux. Certains ont été reboisés en compensation de projets photovoltaïques et cela peut être un obstacle. » Il faut aussi, selon lui, insister sur les documents d’urbanisme et l’obligation légale de débroussaillement qui incombe aux propriétaires de maisons proches de forêt : « Comment les mettre en place réellement ? Faut-il des périmètres de sécurité plus grands pour mieux protéger les habitations ? Il y a un gros travail à faire durant ces prochains mois. »

EN CHIFFRES

Nombre de départs de feux et superficie brûlée dans les Landes

2009 -2020 : 130 feux pour 195 hectares brûlés en moyenne par an

2021 : 73 feux pour 132 hectares brûlés

2022 (données à mi-septembre) : 149 feux pour 1 158 hectares brulés dont 350 hectares pour la partie landaise du feu de Gironde (Landiras 2).

Effectifs totaux du Sdis 40 : 2 100 pompiers landais (environ 300 professionnels et 1 800 volontaires)