Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Foie gras : Labeyrie garde la foi

Depuis 1946, Saint-Geours-de-Maremne abrite le berceau du groupe Labeyrie Fine Foods. Malgré les épisodes successifs d’influenza aviaire, le numéro un des produits festifs reste optimiste sur l’accueil que réserveront les consommateurs et consommatrices au foie gras cette année. Sans toutefois nier les incertitudes engendrées par le contexte actuel.

labeyrie

© Shutterstock

Le long de la départementale D 810, la banderole ne passe pas inaperçue. Le message « Labeyrie recrute » s’affiche largement sur la devanture de l’usine de transformation de Saint-Geours-de-Maremne. La fin de l’année approchant, le numéro un des produits festifs embauche des renforts pour produire les spécialités à base de saumon et de foie gras qui garniront les tables de fêtes.

Bertrand Despagnet, directeur de l’usine Produits du terroir Labeyrie

Bertrand Despagnet, directeur de l’usine Produits du terroir © D.R.

« En saison, nous avons besoin de 400 à 500 personnes pour assurer la production », indique Bertrand Despagnet, directeur de l’usine Produits du terroir. De l’opérateur au cadre, l’entreprise recherche toutes sortes de profils. « Actuellement, on doit être à plus de 50 % des postes pourvus. On n’est pas encore en retard, mais il y a une vraie difficulté pour trouver de la main-d’œuvre. Nous sommes sur un bassin d’emploi où il y a plus d’offres que de demandes… Et malgré des conditions salariales plutôt favorables par rapport à notre secteur, nous peinons à attirer des volontaires. »

Et la difficulté ne se pose pas qu’avec la main-d’œuvre saisonnière. Les postes proposés à l’année sont tout aussi compliqués à pourvoir. Pour tenter d’inverser la situation, Labeyrie va bientôt sortir un film de promotion « pour montrer la qualité et le niveau d’exigence dans l’industrie agroalimentaire ».

« Nous cherchons des gens qui aiment le terroir et les produits de qualité. Nous voulons aussi montrer les perspectives de carrière que nous offrons. Chez Labeyrie, il est possible de s’épanouir et d’évoluer professionnellement. »

En saison, nous avons besoin de 400 à 500 personnes pour assurer la production

BAISSE DE LA PRODUCTION

Les difficultés de recrutement ne sont pas le seul souci que le groupe agroalimentaire doit gérer cette année. Pour la quatrième fois depuis 2016, la filière canard a été secouée par l’influenza aviaire. Et le dernier épisode a été inédit par son ampleur. Après le Sud-Ouest, lourdement touché dès l’automne 2021, le virus s’est propagé pour la première fois aux Pays-de-la-Loire, fin février 2022. Or, cette zone est stratégique pour la filière puisqu’elle concentre 70 % du potentiel français de reproduction pour le canard mulard, la race utilisée pour le foie gras. Ce sont ainsi près de 90 % des reproducteurs qui ont été décimés et ce capital mettra de longs mois avant de se reconstituer.

Parallèlement, entre abattages et vides sanitaires, les mises en place de canetons dans les élevages ont largement diminué. Et l’interprofession (Cifog) estime qu’au niveau français, la production de foie gras devrait baisser de 30 % à 35 % sur l’ensemble de l’année 2022 par rapport à 2021.

Chez Labeyrie, l’unité de Came (Pyrénées-Atlantiques) qui abat habituellement 3 millions de canards par an (avant d’envoyer les carcasses à Saint-Geours-de-Maremne) en traitera 1,1 million cette année. « Cela a évidemment des conséquences aussi bien sociales que sur la production », souligne Bertrand Despagnet.

La production de foie gras devrait baisser de 30 % à 35 % sur l’ensemble de l’année 2022 par rapport à 2021

Grâce à des stocks résiduels de viande congelée, l’unité de transformation de Saint-Geours-de-Maremne a continué à tourner durant la crise, même si elle a dû recourir à un peu d’activité partielle. En revanche, l’abattoir de Came a fermé en mars pour ne rouvrir que fin juin, lorsque les premiers canards sont sortis des élevages. Et celui de Bouaye (Loire-Atlantique), arrêté au même moment, ne devrait redémarrer qu’en octobre.

Atteignant 3 500 tonnes en année normale, la production de l’usine de Saint-Geours-de-Maremne va baisser de 30 % cette année. Et ce sont ainsi « seulement » 1200 tonnes de foie gras, 700 tonnes de confit et 550 tonnes de magret fumé et séché qui sortiront des chaînes de production.

PLONGER DANS L’UNIVERS DU FOIE GRAS

Pour la troisième année consécutive, à l’occasion des Journées du Patrimoine, la filière foie gras ouvre ses portes au grand public, ces 17 et 18 septembre. Quoi de plus naturel : depuis 2006, ce mets d’exception est officiellement reconnu « Produit du patrimoine culturel et gastronomique protégé en France ».

Durant tout le week-end, une trentaine de producteurs accueillent les particuliers. Le site patrimoine-foiegras.fr géolocalise l’ensemble des fermes participantes et les animations proposées. Dans les Landes, on peut découvrir la ferme Lafenêtre à Doazit, la Maison Lafitte à Montaut, le GAEC Seris à Toulouzette et l’EARL Monplaisir à Maurrin.

AUGMENTATION DES COÛTS

Avec une offre inférieure à la demande, les prix du foie gras vont augmenter en cette fin d’année. D’autant que, comme le reste de l’économie, l’agroalimentaire n’est pas épargné par l’inflation.

Au niveau français, sur le premier semestre 2022, le coût de production d’un canard à foie gras a augmenté de 28,2 % par rapport au premier semestre 2020. Or, du fait du système d’indexation des prix de reprise, ce n’est pas sur les éleveurs, mais sur les transformateurs que pèse cette hausse. « L’augmentation des prix de l’énergie impacte également beaucoup notre activité », ajoute Bertrand Despagnet. Pourtant, les distributeurs n’ont pas accepté de passer toutes les hausses de tarifs. « Nous avons réduit nos marges. Mais si la situation devait durer dans le temps, elle pourrait mettre en péril certaines activités. »

Avec une offre inférieure à la demande, les prix du foie gras vont augmenter en cette fin d’année

Difficile de se projeter dans ces conditions. « Nous sommes beaucoup plus attentifs et attentistes pour lancer certains investissements », reconnaît le directeur. D’ordinaire, 1 million d’euros sont investis chaque année sur le site de Saint-Geours-de-Maremne pour améliorer les process et l’environnement de travail. Mais ceux de cette année ont été mis en attente, le temps de voir si le virus fait de nouveau des ravages et si la grande distribution accepte de nouvelles hausses de tarifs.

OPTIMISTE, MALGRÉ TOUT

Pour autant, Jacques Trottier, président de Labeyrie Fine Foods, se dit optimiste sur l’accueil que réserveront les consommateurs et les consommatrices au foie gras à Noël. « Nous traversons des crises majeures qui ont des impacts colossaux, admet-il. Mais mon optimisme est basé sur le fait que chaque fois que la filière a réussi à se remettre à produire, la clientèle a toujours été au rendez-vous. » Il veut également croire que les augmentations de prix ne dissuaderont pas les ménages de consommer du foie gras. « Le réveillon est un moment un peu sanctuarisé. On l’a toujours connu dans les situations de crise. L’un des réveillons records sur les 20 dernières années, c’est celui de 2008, juste après la grande crise internationale économique. Pour les consommateurs français et européens, ce moment du réveillon est précieux et n’est jamais mis en arbitrage par rapport à d’autres dépenses. »

Les sondages semblent lui donner raison. Selon une enquête Cifog/CSA menée en décembre dernier, 79 % des Françaises et des Français classent le foie gras no1 des incontournables des fêtes de fin d’année.

Chaque fois que la filière a réussi à se remettre à produire, la clientèle a toujours été au rendez-vous

Visite Labeyrie

Outre les références grand public, Labeyrie crée également des produits destinés à la restauration, comme ces sachets refermables de cuisses de canard confites © C. A.

LABEYRIE FINE FOODS EN CHIFFRES

Plus d’1 milliard d’euros de chiffre d’affaires dont 12 % généré par l’activité canard

Groupe détenu à 50 % par la coopérative agricole Lur Berri (Pyrénées-Atlantiques) et le fonds d’investissement français PAI

10 sites industriels en France 2 sites au Royaume-Uni

1 en Belgique

1 aux Pays-Bas

4 000 salariés

7 marques (Labeyrie, Delpierre, Blini, L’Atelier Blini, Père Olive, Comptoir Sushi et Ovive)

Distribué dans 48 pays

5 000 références produits

LES SITES LABEYRIE DANS LE SUD-OUEST

Saint-Geours-de-Maremne

Berceau de la marque, il a été créé en 1946 par Robert Labeyrie. À l’époque simple PME, il s’étend aujourd’hui sur 30 hectares et emploie jusqu’à 1 300 personnes réparties entre le siège administratif pour l’ensemble du groupe, l’activité terroir (230 à 400 personnes) et l’activité produits de la mer (350 à 600 salariés).

Came (Pyrénées-Atlantiques)

Acheté en 2001 pour poursuivre l’activité, à la suite de l’incendie du bâtiment abritant l’abattoir à Saint-Geours-de-Maremne. Après la reconstruction du bâtiment sinistré, en 2003, les deux sites ont été spécialisés : abattage à Came et transformation à Saint-Geours-de-Maremne.

Le site de Came emploie 200 à 250 personnes.