Couverture du journal du 06/04/2024 Le nouveau magazine

Élisabeth Bonjean : une reconversion en or

Après une carrière d’animatrice du réseau ville-hôpital de Dax, un mandat de maire de la station thermale, de présidente de la communauté d’agglomération du Grand Dax et de conseillère régionale, Élisabeth Bonjean a créé son atelier de doreuse ornemaniste. Un retour aux sources.

Élisabeth Bonjean

Élisabeth Bonjean © Atelier Gallien

« Ce que j’aime avant tout dans ce métier, explique Élisabeth Bonjean, c’est que les techniques, les outils, les tours de main, n’ont pas changé depuis des siècles. Quand un client me confie un objet auquel il tient, un cadre, un miroir, un meuble ou une sculpture, il me permet de rencontrer son histoire. Celle de l’objet, mais aussi un peu de la sienne. Et au-delà de la tech- nique, il se crée une relation de confiance. C’est tout cela qui fait la force de ce métier d’art. »

ATAVISME FAMILIAL

Si la reconversion d’Élisabeth Bonjean peut surprendre, à y regarder de plus près, on peut y voir la logique d’un véritable atavisme. Son grand-père était menuisier ébéniste à Pau, où se trouvent ses origines. Elle parle de sa relation au bois, des odeurs des différentes essences, du toucher des veines. En réalité, elle est tombée dans le chaudron de potion magique quand elle était enfant. Pour preuve, sa fille Aurélie, après avoir exercé quelques années comme docteur en chimie spécialiste des colles, a démissionné de ses fonctions pour passer un CAP d’ébéniste marqueteuse à l’école Boulle à Paris, l’étalon en matière de métiers d’art, avant de créer son entreprise.

CRÉATION D’UN ATELIER DE DORURE

Au mi-temps d’un mois de mars 2020, fait d’amertume à l’issue des élections municipales, et compliqué par l’arrivée de la Covid, comme une évidence, comme un retour aux sources, la maire de Dax de 2016 à 2020 et présidente de la communauté d’agglomération du Grand Dax de 2014 à 2020, postule à l’école de la Bonne Graine à Paris. Sa motivation et un book de créations personnelles font la différence. L’école, référence en ameublement, fera germer son talent. Un an de cours d’histoire des styles, de dessin, d’atelier, et la voilà apprentie en alternance chez un doreur de Pau. Son premier chantier : le retable de la chapelle Notre-Dame-des-Trois-Épis, à côté de Colmar affine son savoir-faire. Ayant créé son propre atelier de dorure, elle exerce main- tenant, seule ou en collaboration avec sa fille, à Dax ou à Bordeaux, avec passion « un métier d’art qui demande, confie-telle, beaucoup de calme, de sérénité, de recueillement. Pour dorer, il faut s’isoler et être complètement concentrée sur sa tâche. »

UNE PATINE AUTHENTIQUE

Si la pose de feuille d’or de 8 centimètres de côté, de moins d’un micron d’épaisseur est la touche finale, la plus délicate et la plus visible, elle ne représente que 5 % du travail. Avant, il convient de préparer le support. Souvent, il est nécessaire d’ajouter de la matière pour combler les lacunes ou resculpter les ornements, perles, cordons torsadés, feuilles d’acanthe, couronnes de laurier ou motifs floraux souvent inspirés de l’Antiquité. Un mélange de colle à base de peau de lapin et de Blanc de Meudon permet ce remplissage. Reste à retrouver les formes originales en utilisant les traditionnels fers à réparer. Suivront les huit à 10 couches d’apprêt et les ponçages qui vont avec, pour la méthode dite à la détrempe, la plus complète, sur une assiette (fond) rouge qu’il faudra encore brosser et mouiller avant d’appliquer délicatement les feuilles d’or. Enfin, un travail à la pierre d’agate donnera aux parties restaurées une patine authentique combinant mat et brillant.

Redonner vie à des objets uniques, souvent d’une grande beauté

« Je suis heureuse quand je vois le sourire des clients devant leur objet qui a traversé plusieurs générations et a retrouvé le lustre de sa jeunesse pour des décennies, confie Élisabeth Bonjean. Au fond de moi, je ne suis pas créatrice, ajoute-t-elle, mais j’adore redonner vie à des objets uniques, souvent d’une grande beauté. »

Élisabeth Bonjean © Atelier Gallien

Élisabeth Bonjean © Atelier Gallien

 UN MÉTIER D’ART TRADITIONNEL

UNE SOLIDE FORMATION

Élisabeth Bonjean : Ce qui m’a particulièrement intéressée dans la formation c’est l’étude des styles. Mis à part le gothique, le Louis XV ou l’Art nouveau, toutes les périodes ont été inspirées par l’Antiquité qui avait déjà inventé tous les ornements. Par ailleurs, j’ai également été fascinée d’apprendre que la bible des doreurs, qui fait toujours référence aujourd’hui, a été écrite par Jean-Félix Watin en 1773.

LA MÉMOIRE DE TRAVAUX PARTICULIERS

É. B. : Chaque chantier réclame un investissement total. Toutes les restaurations que j’ai effectuées ont généré en moi des émotions techniques ou humaines, mais j’avoue avoir été émue en observant la restauration d’une commode Boulle qui avait appartenu à Louis XIV, en restaurant des cadres d’époque qui contenaient des gravures qui dataient de 1710 et en redonnant une jeunesse à un miroir de famille qui a traversé plusieurs générations. Chaque année, le grand-père réunissait ses 13 enfants et leur disait : « Je vous vois dans le miroir. »

UN DEVIS À PARTIR DE PHOTOS

É. B. : Il est évidemment préférable de voir l’objet, mais il y a une possibilité de travailler à partir de photos. Des vues d’ensemble, des détails me permettent d’estimer les dommages, les matériaux nécessaires à la restauration et surtout le temps que je devrai consacrer pour retrouver le lustre d’antan.

Atelier dorures, ornements et polychromies à Dax et Bordeaux 06 42 04 80 00 ou contact@atelier-bonjean-dorure.fr