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Agglolux : expert en matière de liège

Séduits par le potentiel du liège et les savoir-faire empiriques de l’entreprise, Pierre Biénabe et Xavier Chassereau ont repris la société Agglolux, à Soustons, en septembre 2021. Conscients d’être les héritiers d’une longue tradition locale dans le Marensin, ils souhaitent valoriser ce patrimoine vivant, tout en l’ouvrant à de nouveaux marchés.

Pierre Biénabe et Xavier Chassereau agglolux

Pierre Biénabe et Xavier Chassereau © JPEG Studios

Quand Xavier Chassereau et Pierre Biénabe franchissent les portes de cette entreprise discrète, intégrée dans le paysage soustonnais depuis près d’un siècle, le coup de cœur est immédiat.

L’attrait du liège les a conduits ici. Ils y découvrent un matériau aux possibilités infinies et un savoir-faire artisanal et industriel d’excellence. « On a tout de suite été conscient du potentiel intrinsèque de ce produit dans l’air du temps. Agglolux détient beaucoup de solutions à des problématiques actuelles et une incroyable palette de créations artisanales », indique Xavier Chassereau, ancien directeur financier passé par Biolandes, le groupe Gascogne et Monoplast/Paccor.

« On était convaincu de pouvoir développer la société tant ses spécificités sont rares en l’ouvrant davantage et en recherchant de nouveaux marchés », ajoute Pierre Biénabe qui apporte son expertise en stratégie commerciale et marketing acquise dans les télécommunications à l’international, notamment chez Alcatel.

« FÉDÉRER LES ACTEURS DU TERRITOIRE »

LES CLÉS DE LA RÉUSSITE

« Croire en la qualité du produit et avoir une vision stratégique pour savoir où amener l’entreprise, tout en étant fidèle à son plan d’action. Avoir du leadership et ne pas craindre les problèmes facilitent une bonne reprise. Nous n’aurions pu nous lancer l’un sans l’autre dans cette aventure. Nos expertises complémentaires nous aident beaucoup. »

LA COMMUNICATION

« Nous avons fait visiter l’entreprise à l’ensemble des acteurs économiques, politiques et institutionnels de la région. C’est important de fédérer les acteurs du territoire dans notre projet afin de pérenniser et de développer la filière liège en Nouvelle-Aquitaine. Quand on parle de liège, on parle de forêt. On veut mettre l’accent sur la filière et l’intérêt du chêne-liège. »

LE +

Agglolux est un des membres fondateurs de l’association Le Liège gascon. En concertation avec l’ensemble des acteurs de la filière en Nouvelle-Aquitaine, cet organisme vise à relancer l’exploitation du chêne-liège dans la région. Il a pour missions notamment la récolte, la gestion et les plantations de chênes-lièges.

UN PLACEMENT VERT ET DURABLE

Parmi les axes de développement, les deux entrepreneurs souhaitent répondre aux demandes des entreprises en démarche RSE et aux recherches de matières alternatives naturelles aux composants chimiques. « Le liège peut répondre à tout ! De la balle de baby-foot aux boucliers thermiques des fusées, en passant par l’isolation des bâtiments et les decks de bateaux ou encore des objets divers pour l’industrie du luxe. On est sur plein de petits segments de marché », explique Pierre Biénabe.

Pour amorcer l’évolution de l’entreprise, ils recrutent un ingénieur chimiste. Et grâce à sa participation au programme Usine du futur, le binôme profite des conseils de la Région Nouvelle-Aquitaine qui les accompagne dans leurs actions visant à pérenniser et moderniser l’outil industriel. Ils se tournent également vers les grandes écoles comme l’École des arts et métiers (Ensam) à Bordeaux, l’École supérieure de technologies industrielles avancées (Estia) à Bidart ou l’École supérieure de design des Landes (ESDL) à Mont-de-Marsan pour trouver de nouveaux talents. Leur idée : renforcer la technicité d’Agglolux et ses capacités de production, continuer de développer son savoir-faire sur des produits manufacturés et, en parallèle, travailler sur un marché plus industriel. « Les possibilités de rachat de nouvelles entreprises pourraient permettre de toucher d’autres disciplines et amener des savoir-faire complémentaires », glisse Pierre Biénabe. Si au premier coup d’œil, les repreneurs perçoivent le poids des ans accumulés sur les murs de l’entreprise, le business model s’avère efficace et ne demande qu’à être renforcé.

L’INDÉPENDANCE EN MATIÈRE PREMIÈRE

Créée en 1929 par la famille Cave, cette structure à taille humaine possède l’outil de production capable de transformer le liège de A à Z. Labellisée en 2017 Entreprise du Patrimoine Vivant, elle est le dernier liégeur français à produire du liège élastomère et l’un des derniers pour le liège aggloméré. Qui plus est, la société bénéficie d’un prestigieux carnet d’adresses. Dans son portefeuille, de grands noms de l’industrie française et européenne comme Hermès, Legrand, Atomic, Corima… Un atout supplémentaire pour les repreneurs : l’entreprise est aussi le seul liégeur à utiliser exclusivement du liège français et des bouchons recyclés. Ce qui garantit son indépendance en matière première.

Les deux entrepreneurs prennent conseil auprès du réseau de financiers Adour Business Angels. « Le financement a été complexe à mettre en place. Difficile de convaincre, mais nous avons réussi à apporter de la valeur à notre projet », résume Pierre Biénabe. Après 26 mois de négociations (Covid oblige) et l’aide précieuse de l’investisseur landais Julien Blanc (Vasconie Capital), de la Banque Populaire et de Bpifrance, la transaction est actée.

« Les premières semaines sont un peu déstabilisantes car on avait l’habitude du fonctionnement de grosses structures », se souvient l’ancien directeur financier. Heureusement le binôme est accompagné par les cédants : « Mireille, Bernard et Christian Cave ont l’envie de transmettre leur patrimoine. Ils ont choisi de passer la main à leur retraite, sans possibilité de reprise par un membre de la famille. C’était la troisième génération. »

Les deux dirigeants s’appuient aussi sur la complémentarité de leur duo. Le chiffre d’affaires en hausse de 35 % cette année laisse présager un avenir sous de bons auspices.

DES GESTES ANCESTRAUX

Dans la poussière épaisse qui recouvrent les ateliers, les ouvriers d’Agglolux continuent de reproduire les gestes ancestraux transmis depuis des générations. Le liège est broyé et tamisé pour obtenir une gamme de différentes granulométries qui servira à fabriquer du liège aggloméré. 80 % de la matière première vient du Marensin, le reste du Néracais : elle est fournie par l’association Le Liège gascon qui a relancé l’exploitation des chênes-lièges dans la région depuis le début des années 2000.

« Nous avons repris les huit salariés qui travaillent dans la société depuis cinq à 20 ans. Sans eux nous ne pourrions faire fonctionner les machines. D’autant qu’il n’existe aucun manuel pour utiliser cet équipement datant parfois de 1930. Ils participent activement au succès de cette reprise », explique Pierre Biénabe. Depuis, l’équipe s’est étoffée et porte à 13 le nombre de salariés.